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Valeur, structure sociale et inégalités

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Lorsqu’il est question d’inégalités sociales considérons-nous, en plus de celles des revenus, d’accès à l’alimentation, à l’éducation, aux soins de santé… celle du pouvoir politique ?

Et lorsqu’il est question d’intervention, s’agit-il de réduction ou d’élimination de cette inégalité pour certains ou pour tous ?

Autrement dit, est-il possible de créer une société politiquement égalitaire, c’est-à-dire une société où l’information et le pouvoir politique seraient généralisés pour permettre à tous de participer égalitairement aux orientations et aux décisions politiques concernant la collectivité dans son ensemble ?

Les réponses à ces questions déterminent la nature, l’ampleur et la profondeur des changements envisageables ainsi que leurs chances de succès. À cet égard, il est éclairant, instructif et inspirant de connaître les idées politiques de Henri Laborit, biologiste qui propose de changer les valeurs et la structure socio-économique dans lesquelles nous vivons qui, perpétuent et amplifient l’ensemble des inégalités et mettent en péril la survie de l’espèce humaine. À cet effet, nous utilisons la thèse de doctorat de Alain de Gantes, intitulé Les idées politiques d’un biologiste : Henri Laborit, pour vous présenter l’essentiel de son projet de société informationnelle.

Cette information vous permettra de comparer ce modèle de société à celui de la société de marchés que l’élite financière et les grandes corporations multinationales s’emploient à mettre en place par le contrôle des psychologies individuelles, de l’économie mondiale, des institutions démocratiques et des politiques gouvernementales. Il vous appartiendra alors de déterminer quel type de société est la plus durablement bénéfique pour vous, la planète et l’humanité  et comment vous pouvez contribuer par vos décisions et actions à sa promotion.

Un changement de société.

L’utopie que Laborit échafaude avec son projet de société informationnelle ne lui paraît présenter ce caractère qu’aux yeux de ceux qui ont banni l’imagination de la société et progressent aveuglément sur les rails idéologiques de la croissance exponentielle. De nos jours la connaissance déjà acquise de l’homme, la technologie dont il dispose, l’évolution socio-économique vers l’interdépendance consciente dans le cadre d’un système mondial des échanges lui paraissent augurer d’un changement nécessaire, voire inéluctable et fondamental des finalités, des modes de pensées et des modes de vie. Ce sont donc les conditions matérielles du monde moderne qui portent les changements à venir. Ceux-ci affecteront l’ensemble des structures sociales, mentales et économiques et concerne l’humanité dans son ensemble.

Le bouleversement radical des valeurs qu’appelle Laborit, par les nouveaux modes de vie qu’il implique, n’est pas sans soulever le problème de savoir s’il s’agit véritablement d’un changement d’idéologie ou bien alors d’une idéologie de rechange adaptée à l’état de crise mondiale des systèmes dominants d’économie de marché.

Les conditions préalables du changement.

Pour que le changement soit envisageable trois conditions au moins doivent être réunies : en premier lieu il faut que les conditions matérielles le rendent possible, voir inéluctable ; en second lieu il faut que le changement soit porté par des acteurs ; enfin il faut que soit mis en œuvre un certain nombre de moyens.

Nécessité ou inéluctabilité du changement.

Pour Laborit, la nature de la société de consommation débouche sur une impasse historique. En effet, les dégâts du progrès produits en quelques siècles ne peuvent, à terme, que conduire à une catastrophe écologique, sans même parler de catastrophe nucléaire. Le pillage/ gaspillage accéléré des ressources naturelles non renouvelables, cumulé à l’explosion démographique ne peuvent se poursuivre sur la même échelle et en conservant les mêmes méthodes. La question n’est plus la survie de telle ou telle structure nationale mais celle de l’espèce humaine. En d’autres termes la structure des sociétés humaines s’est étendue à l’ensemble de l’humanité. La finalité des actions de l’individu devient ainsi non plus la survie d’un clan, d’une bourgade, d’une province, d’un État, d’une confédération, mais celle de l’humanité toute entière.

L’argument commun à tous les cris d’alarme est la menace de la disparition de l’espèce humaine. Des modalités de la croissance exponentielle E. Morin écrit qu’au train où vont les choses, ces processus ne peuvent trouver ni régulation ni contrôle, sinon dans la mort. Il est statistiquement probable que tous les processus actuels, s’ils continuent, conduisent au désastre, à la terreur, à l’hyperdomination, à la mort.

Face à cet horizon, il est encore temps de choisir et d’agir. Pour Laborit le changement avant même d’être nécessaire est inéluctable : l’homme moderne a le choix entre disparaître ou changer radicalement de comportement. Appliquant à la société humaine la loi principale de l’évolution du vivant, Laborit avance que les difficultés actuelles de l’humanité résultent de la non-inclusion des sous-ensembles nationaux et régionaux, dans un ensemble plus grand, dans une nouvelle structure de complexité où l’homme serait intégré non plus à un groupe fermé et antagoniste, mais à l’ensemble de l’espèce humaine. La loi de complexification organisationnelle des structures par intégration des niveaux d’organisation apparaît pouvoir-devoir- s’appliquer à l’espèce humaine qui, par delà les différences culturelles et politiques des sous-ensembles fermés aux échanges autres qu’économiques, constitue une unité. Telle est l’argumentation centrale de Laborit pour qui actuellement les sous-ensembles humains n’ont pas réussi leur ouverture par inclusion dans l’espèce. Et l’absence de structure homogène de l’espèce interdit la circulation entre les groupes humains d’une information circulante valable pour l’ensemble humain et non pour des sous-groupes dominants ou dominés. Tout le malheur vient de ce qu’il n’a pas encore trouvé le moyen d’inclure cette structure fermée dans le plus grand ensemble dont la finalité serait aussi la sienne et celle de toutes les autres. Bien sûr, cette inclusion ne peut se faire qu’à condition qu’émerge une finalité commune aux hommes de tous les ensembles ce qui n’est en rien comparable aux processus de construction de nouveaux États, colonialiste et impérialiste, où les finalités des nouveaux ensembles sont imposées par la force et la domination militaire, économique et/ou idéologique.

Laborit ne s’illusionne pas. Les sous-ensembles structurés répondent encore aux nécessités des structures nationales de domination. L’inclusion dans un nouvel ensemble signifierait la déstructuration du cadre national et on peut supposer que les structures hiérarchiques de dominance, partout dans le monde, empêcheront que cet état se réalise. Elles y perdraient leur dominance. Laborit ne compte pas non plus sur les classes ouvrières occidentales qui ont été intégrées au capitalisme et vivent de ce système. Il n’y a donc rien à attendre de l’exacerbation des contradictions en régime capitaliste. Celles-ci pourraient bien être le ressort de la fuite en avant, de la croissance à tout prix. 

La prise de conscience à réaliser aujourd’hui n’est plus seulement une conscience de classe mais bien plutôt une conscience d’espèce. Celle-ci est impérative, exigée par les dégâts du progrès et l’étape que nous allons franchir ne sera sans doute pas une fois de plus volontariste mais celui de l’implacable nécessité : ou il disparaîtra, ayant saccagé la biosphère qui lui est nécessaire encore pour survivre, ayant épuisé ses principales ressources énergétiques, ou il devra subir un changement radical de sa mentalité.

On voit, que la contradiction majeure n’oppose plus les classes dominées aux classes dominantes mais une culture dominante fondée sur le mythe de la croissance à la biosphère dans son ensemble, dont elle tire ses approvisionnements. Par là ce n’est pas seulement telle bourgeoisie nationale, telle élite locale, telle classe exploitante, qu’il faut renverser mais l’ensemble des valeurs que chaque participant à la domination a intériorisé.

Refuser le monde qui est en nous et trouver en nous une nouvelle finalité.

Le changement, s’il ne surgit pas de la catastrophe, devra se concrétiser par un bouleversement des valeurs, s’enraciner dans une nouvelle finalité, avant d’atteindre les comportements. Le problème posé par la découverte d’une nouvelle information structurante des sociétés humaines est donc, de trouver d’abord une nouvelle finalité pour l’homme dès lors que l’on imagine que l’expansion économique n’est pas un phénomène sans fin au sein d’une biosphère limitée dans le temps et dans l’espace, même si l’on retarde les échéances par la découverte de sources nouvelles d’énergie, par un contrôle de la pollution et par celui de la démographie. La pensée écologique constitue précisément une rupture fondamentale avec le monde dominant, que les structures dominantes n’ont pas intérêt à favoriser. Ces mouvements écologiques riches de nouvelles perspectives sont portés par des acteurs divers dont les scientifiques, heureusement de moins en moins isolés et exclus. Tout se passe aujourd’hui à l’échelle mondiale et c’est à ce niveau qu’il convient d’agir. Le caractère à la fois impératif, inéluctable et nécessaire d’un changement exige que les modifications s’effectuent à ce niveau. Aujourd’hui le seul jugement de valeur que peuvent en définitive se permettre les sciences de l’action, le seul qu’elles se doivent même de formuler, concerne ce qui est favorable ou néfaste à la survie évolutive de l’humanité toute entière.

La connaissance des structures socio-économiques et politiques contemporaines et des valeurs sur lesquelles elles s’établissent, se pétrifient et se perpétuent, implique que le changement affecte ces structures elles-mêmes qui doivent s’effacer en tant que cadre de référence principal devant la structure d’ensemble de l’espèce. Changer la structure des connaissances pour changer les valeurs afin de changer les structures qui portent ces valeurs : telle est la démarche théorique de Laborit. La déstructuration du système de valeurs existant débute par la prise de conscience et l’action individuelle. Il ne convient pas d’attendre que cela nous soit imposé ou offert. Il ne suffit pas de refuser le monde extérieur et de vouloir lui imposer une forme différente. Il faut d’abord refuser le monde qui est en nous. Ce monde qui précisément nous vient de l’extérieur et nous structure dès la prime enfance châtrant notre imaginaire. Prise de conscience de l’individu ou plus précisément conscientisation de l’individu au moyen d’un changement du langage qui véhicule les valeurs sociales dominantes. Avec la disparition consciente du jugement de valeur et la notion profondément vécue de la relativité, l’humanité sera prête à remplir pleinement sa destinée psychique. Dans cette humanité, l’individu sera ce qu’il n’a jamais cessé d’être, une cellule d’un organisme et Laborit ne vois pas le désavantage qu’il y a à appartenir à un organisme planétaire plutôt que municipal. Il pourra s’épanouir en dehors des notions de castes, de classes sociales, de chapelles, en dehors de tous les jugements de valeur enfin qui constituent encore les bases essentielles du comportement de l’homme contemporain. Le refus du monde qui est en nous, la réappropriation de nos capacités imaginatives, compréhensives et créatrices sont une sorte de philosophie du non, de la résistance intérieure.   

Ainsi l’interrogation à l’échelle de l’évolution de l’espèce, la destruction accélérée des grands équilibres, les possibilités accrues de circulation de l’information, le surgissement à la conscience de l’unité de l’homme, renouvellent la nature des problèmes et interrogent le futur immédiat. L’entrée en masse du tiers-monde sur la scène internationale, la démultiplication des moyens de destruction massive, les possibilités conviviales des nouvelles technologies, l’incertitude du devenir, inséparable de la crise de la planétarisation nous posent le problème : nous ne savons pas si nous sommes entrés dans l’agonie de la naissance ou de la mort de l’humanité. Autrement dit, nous pouvons envisager très raisonnablement ces deux possibilités extrêmes, puisque l’humanité peut matériellement, techniquement, s’autodétruire, comme elle peut matériellement et techniquement s’auto-fédérer et s’auto-accomplir. La première hypothèse pour être évitée, exige que la conscience des problèmes ne se réalise plus en terme d’exclusion; ceci ou cela, ceci contre cela, mais en terme d’inclusion, de coopération, d’échange.

D’une philosophie alternative à une philosophie inclusive.   

La nécessité du changement résulte de ce que la complexification structurelle s’est faite au détriment des hommes qui entrent en des systèmes préformés de domination auxquels ils peuvent au mieux participer mais qu’ils n’ont pas contribué à modeler. L’évolution technoculturelle n’est plus guère maîtriser. Elle accompagne et englobe par les valeurs qu’elle diffuse, l’évolution économique. Le développement économique traduit le sous-développement de l’homme, la grande misère morale (mentale, affective) qui chemine dans l’histoire, précise E.Morin. Et en définitive la question se pose de savoir combien de temps l’homme pourra continuer d’ignorer sa dimension propre. Laborit dénonce la culture feuille de vigne, culture de l’inutile bourgeois dans un monde construit sur l’utilitarisme.  On ne peut nier le progrès culturel, les productions artistiques de l’homme. Mais ces espaces de création, ces minutes de liberté dans des siècles de servitude ne sauraient dissimuler que le développement technoculturel s’est fait à l’exclusion de l’homme. Exclusion de l’homme de la nature, exclusion de l’homme de l’humanité, puis de la société : la défense de l’homme passe par sa réintégration dans le règne de la nature, son intégration dans l’humanité, la réappropriation de la société.

Réintégration dans la nature.

Pour J.Dorst, défense écologique et défense de l’homme sont les deux objectifs indissociables d’un même combat : tout en sauvant l’humanité, on assurera la sauvegarde des êtres vivants qui constituent l’ensemble de la biosphère dont elle dépend étroitement. L’homme et la nature seront sauvés ensemble dans une heureuse harmonie, ou notre espèce disparaîtra avec les derniers restes d’un équilibre qui n’a pas été créé pour contrecarrer le développement de l’humanité, mais pour lui servir de cadre. Survie mutuelle dont les nouvelles valeurs ne sont pas portées par les tenants de l’idéologie de la croissance mais par ceux qui soutiennent qu’aujourd’hui l’Homo Sapiens a besoin d’être protégé contre l’homo faber. La conscience des périls renouvelle profondément la problématique des rapports de l’homme et la nature. D’une philosophie exclusive et dominatrice, il semble que nous passons progressivement, sous la pression de la nécessité  à une philosophie inclusive où les destins de l’homme et de la nature vont de pair. Ce n’est pas tant qu’on se soucierait davantage de la Nature par amour de la Nature mais parce que l’homme a pris brutalement conscience de la finitude et de l’épuisement rapide des ressources et aussi parce, comme le note Szent-Gyorgyi la société technicienne a introduit la mort, que nous avions évacuée de ce monde, dans la quotidienneté de notre existence.

Nous vivons désormais dans un monde nouveau qui réclame des idées nouvelles, des méthodes nouvelles, des dirigeants nouveaux. Que nous ne l’ayons pas encore compris, que nous n’ayons pas encore conçu d’idées nouvelles, que nous n’ayons pas encore formé de dirigeants nouveaux, que nous n’ayons pas encore mis au point des méthodes nouvelles, voilà qui est montré jusqu’à l’évidence et de façon déprimante, par le fait que nous nous conduisons toujours comme l’homme d’il y a quelques milliers d’année.

Réintégration dans l’humanité et la société.

L’intégration dans l’ordre naturel devra s’accompagner de l’intégration de l’homme dans l’humanité ce qui suppose non pas l’éradication des spécificités culturelles mais des barrières culturelles dressées entre les États. En conséquence l’ouverture des structures étatiques, selon des modalités envisagées plus loin, est la condition sine qua non de la disparition des conflits qui relèvent d’un stade révolu de l’évolution de l’humanité.

Enfin, les percées technologiques réalisées ces dernières décennies permettent d’envisager une réappropriation du pouvoir par l’homme, une restructuration fondamentale de l’organisation sociale. Les modalités du changement sont abordées plus loin.

Mais encore faut-il, pour que les idées se diffusent, que s’élaborent de nouvelles institutions, que foisonnent de nouveaux modes de vie, qu’existent des acteurs spécifiques du changement.

Les acteurs du changement.

Laborit dans le courant théorique de la société postindustrielle a présenté ses adieux au prolétariat en tant que principale force révolutionnaire. Il investit plutôt ses espoirs dans l’individu et les minorités actives, les nouveaux mouvements sociaux : leur action spontanée ne lui semble cependant pas suffisante et doit être relayée par une nouvelle pratique de l’enseignement renouvelant les perspectives théoriques et restructurant de façon systématique les connaissances.

Laborit ne trouve pas dans les forces productives traditionnelles les acteurs du changement. En fait, la classe ouvrière est devenue le support du fonctionnement du système même si c’est elle qui, pour bénéficier en dernier de ces avantages, en supporte les charges et les conséquences néfastes. Ce ne signifie en rien que les masses soient incapables d’agir et seulement aptes à obéir. Mais bien plutôt que la domination sociale produit efficacement ses effets. Puisque l’information est nécessaire à l’action efficace comment le peuple interroge Laborit, peut-il agir puisqu’il est ou bien non informé, ou plus gravement encore, informé de façon unidimensionnelle, orientée de manière à maintenir les structures hiérarchiques et de domination, cela aussi bien en régimes capitalistes que socialistes existants. Tant que les informations seront entre les mains de quelques uns et que leur diffusion se fera de haut en bas, après filtrage et qu’elles seront reçues à travers la grille imposée par ceux qui ne désirent pas pour la satisfaction de leur dominance, que cette grille soit contestée ou qu’elle se transforme, la démocratie est un vain mot, la fausse monnaie du socialisme. D’après Laborit, ce n’est pas tant de l’amélioration thermodynamique de sa condition qu’aspire le prolétariat qu’à l’information, à la connaissance, au pouvoir de décision sur ses propres affaires et son mode de vie. Or, aujourd’hui, dans l’état actuel des sociétés occidentales, par accumulation de frustrations, dépossédées des outils de connaissances, détournées des vrais problèmes, les masses, écrit Laborit, sont capables de se révolter mais pas de construire. Le développement d’une conscience politique radicale dans les masses n’est concevable que lié à un affaiblissement de la stabilité économique et de la cohésion du système. Pour Laborit, la révolution est l’affaire de tous mais l’impulsion ne viendra pas du prolétariat. Celui-ci est rendu incapable de se concevoir en tant que tel, d’exprimer des intérêts spécifiques autres que médiatisés par les structures de domination partisane. Cette incapacité en tant que sujet se double de l’incapacité à imaginer de nouveaux rapports sociaux qui bouleverseraient les grilles hiérarchiques, de valeurs et de salaires, établies.  La suppression de la propriété privée des moyens de production pour constituer un premier pas dans la voie de la libération ne changera rien d’essentiel à la condition prolétarienne tant que l’information sera monopolisée, les ordres transmis, les directives appliquées sur le mode hiérarchique. Changer les détenteurs des moyens de production ce n’est pas supprimer le pouvoir. L’incapacité des masses et plus précisément encore du prolétariat à changer le pouvoir oblige à rechercher ailleurs les agents du changement. Laborit les trouve dans les minorités et les créateurs.

Le changement minoritaire.

Découvreurs et créateurs sont les sources principales de l’évolution. L’information de la matière, la compréhension et la transformation du monde sont le fruit de leur imagination et non de leur travail. Sans dévaloriser ce dernier dans la reproduction et l’expansion thermodynamique d’une société, on ne saurait l’assimiler à la création d’une nouvelle information, source véritable du changement des techniques et des mentalités. Il n’y a que le découvreur qui rend plus que ce qui lui fut donné, qui fournit plus d’information qu’il ne lui en a été confié par l’apprentissage. Cette possibilité créatrice que met en œuvre le découvreur est constitutionnellement la propriété de chacun puisqu’elle résulte de la possession par tout homme du cerveau associatif.  Or la parcellisation des tâches concentre en les séparant le travail de réflexion, d’imagination, de création et celui de la seule production. La division du travail ne devient effectivement division du travail qu’à partir du moment où s’opère une division du travail matériel et intellectuel. C’est pourquoi dans les sociétés occidentales la masse ne peut-être la source de la connaissance. Celle-ci ne peut venir que de l’extérieur du système, c’est-à-dire, pour Laborit, des scientifiques. Mais ceux-ci voient à leur tour leur travail parcellarisé de sorte qu’aujourd’hui beaucoup de chercheurs passent leur vie à observer, mais bien peu relient les faits par eux observés aux autres faits. Bien peu aboutissent à la découverte de structures. Le créateur met à jour de nouvelles structures non conformes aux paradigmes dominants dans une discipline ce qui conduit à son exclusion totale ou partielle. De plus il doit être, pour pouvoir découvrir, dégagé de tout conformisme institutionnel, ce qui, dès le départ, n’améliore pas sa situation personnelle. La créativité peut donc difficilement se satisfaire des hiérarchies qui la rejettent et inversement les hiérarchies favorisent le conformisme et non la création.

Or, chez Laborit si le siège anatomique de l’innovation (l’imagination) existe, particulièrement chez l’homme, avec le néocortex c’est sa mise en œuvre qui fait problème. Si chacun à la naissance dispose d’un potentiel créateur identique, chacun, après apprentissage, ne disposera pas des mêmes possibilités d’imagination. On imagine avec, à partir du matériel mémorisé. Chaque homme pour Laborit est potentiellement créateur mais la culture contemporaine ne valorise nullement l’imaginaire mais bien plutôt les automatismes inconscients. À ses yeux ce qui serait essentiel, c’est que du fait du nombre croissant des hommes, le message puisse s’enrichir constamment de l’apport original de tous.

Concernant le débat sur l’hérédité de l’intelligence et des aptitudes, il y a référence généralement à une analyse en termes de répartition gaussienne des différents caractères psychiques, physiques ou autres et on explique l’évolution naturelle mais aussi et surtout sociale par les deux extrémités de la courbe où se concentrent les minorités actives qualifiées de marginales. Ces minorités sont les agents déterminants du changement social. C’est pourquoi, outre les créateurs-découvreurs, agents de changement intellectuel, ce sont toutes les minorités qu’il convient de protéger car c’est d’elles que surgit l’imagination, le projet imaginaire ou utopie et le non-conformisme. Laborit semble distinguer les gauchistes des marginaux. Les premiers, imaginatifs, ne seraient pas dénués de toute volonté de pouvoir et ne pourraient bien être, en fin de compte, que des frustrés de la domination. La vocation politique est, quelques formes qu’elle emprunte, suspecte aux yeux de Laborit. Elle rend possible l’action, permet de préserver l’équilibre biologique individuel mais ne répond en rien aux exigences de la fonction créatrice. Par contre les marginaux pourraient bien être non en marge mais en tête de l’évolution parce qu’ils ne recherchent nullement le pouvoir mais au contraire s’efforcent d’en supprimer toute manifestation. L’affirmation du potentiel évolutionnaire des minorités – qui ne seraient pas des élites – est moins répandue. Ses porte-paroles les plus connus sont par exemple Marcuse et Illich, Touraine, Morin ou Gorz, Stent ou Leprince-Ringuet du côté scientifique, Salk surtout.  Pour Marcuse la libération viendra des nouveaux mouvements sociaux marginalisés (ghettos noirs, étudiants, femmes, homosexuels…). Une telle opposition est coupée des masses et de la majorité des organisations ouvrières, qui sont intégrées à la société, elle tend à concentrer toute l’action politique radicale dans des minorités actives, essentiellement issues de la jeune intelligentsia des classes moyennes et de la population des ghettos. Illich, pour qui l’issue de la crise imminente dépend de l’apparition d’élites impossibles à récupérer, investit aussi ses espoirs révolutionnaires dans les minorités actives. Touraine et Gorz trouvent de même dans les nouveaux mouvements sociaux, les forces d’avenir du changement social. Morin questionne : ne devons-nous pas dire que les vrais militants de la politique de l’homme seront, non ceux qui distribuent tracts, leçons ou coupsmais ceux qui vivent autrement ? Révolutions minuscules qui surgissent de toutes parts et font éclater le cadre traditionnel des rapports au travail, aux autres, à la société, à la nature.

Le changement de perspective en matière d’acteurs du changement, du changement majoritaire par le haut au changement minoritaire par la base, implique que diffèrent profondément les attitudes individuelles : à une politique de lutte et de conquête succède une politique du refus.

La politique du refus.

On saisit bien ici que la révolution ne résultera pas d’une prise violente du pouvoir ni même d’un changement électoral majoritaire mais tout au contraire d’un refus individuel puis collectif des pratiques d’autorité. Par l’ouverture des grilles de pensée, par la compréhension des structures existantes et la prise de conscience de l’unité de l’espèce, la connaissance généralisée rendue possible et pour chacun, la création et l’imagination. Ainsi, pour Laborit l’action ne se résume pas en défilés protestataires, en raid de commando, en analyses jamais finies de concepts existants et à leur diffusion au masses suivant des interprétations variées qui toutes se considèrent comme seules valables, comme seules vérités. Elle consiste aussi dans un immense travail d’information et de recherche dans des disciplines multiples qui ont pris naissance récemment. Laborit considèrent que les masses se trouvent engagées et mobilisées sur des schémas anciens. Ces nouvelles informations peuvent être mobilisatrices de l’imagination, de la créativité, c’est-à-dire de la compréhension des mécanismes qui président à la dynamique des structures.

Si le changement doit se traduire d’abord par une prise de conscience individuelle et un rejet individuel de la domination, extérieure et intériorisée, il va de soi que le schéma révolutionnaire traditionnel est inadapté en tant que moyen d’évolution sociale. Le problème sera alors, si on raisonne en termes d’individus et non plus de masses ou de classe, de déterminer si c’est l’individu qui doit – ou qu’on doit – changer ou si préférentiellement on devra agir sur le milieu pour le transformer. Un nouvel apprentissage de nouvelles valeurs constitue en tout cas un passage obligé de tout processus de changement en profondeur. 

La fin du mythe révolutionnaire.

Pour Laborit la révolution entendue comme la prise du pouvoir par la confiscation de l’appareil de l’État par la voie violente ou celle des réformes, ne répond ni à la nature des problèmes ni aux possibilités des agents du changement. Au contraire, la lutte pour la conquête de l’appareil d’État contribue à le légitimer et à le renforcer. Jusqu’à maintenant les révolutions ont accouché de nouvelles équipes au pouvoir et se sont alanguies dans le lit du pouvoir. Elles ont bouleversé les critères d’établissement des dominances mais n’ont jamais contesté, le principe même de la domination, la césure dominante/dominés. Elles l’ont au contraire accentuée, elles en ont innervé la société, du centre à la périphérie. Laborit affirme que ce ne sont pas les révolutions qui font évoluer les sociétés. L’évolution de nos sociétés actuelles ne procèdera certainement pas d’un mouvement ou d’une approche politique dans le sens où ce mot est utilisé couramment, mais d’une connaissance de ce qui gouverne les comportements des gens. La voie réformatrice débouche quant à elle sur l’impasse de la domination et la gestion du système existant. De sorte que travailler à l’amélioration de la démocratie existante revient manifestement à reporter indéfiniment la date où pourra enfin apparaître une société libre.

L’évolution/révolution pour Laborit consistera en la substitution du développement de l’homme au développement de l’économie, en l’émergence de l’Homo Sapiens face à l’Homo Mercantilis triomphant. Elle débuterait avec la refonte des grilles politiques par l’intégration des connaissances nouvellement acquises : être révolutionnaire ce n’est pas appliquer des grilles inventées à une époque ou les deux tiers de nos connaissances scientifiques contemporaines restaient encore à découvrir mais assimiler et prendre la pleine dimension de la nouvelle connaissance de l’Homme. On voit que l’éthique de sa connaissance de l’Homme structure la pensée de Laborit et qu’elle constitue la nouvelle et unique source de vérité et l’inspiration morale d’un humanisme socialiste réellement scientifique. Véritable paradigme du monde scientifique que cette connaissance libératrice de l’animalité de l’homme. Unique espoir d’acquérir la sagesse dont notre culture a besoin. La connaissance doit être généralisée, mise à la portée de chacun de nous. Grâce à la libération de la conscience, la technologie et la science nouvelle seraient à même de découvrir ; parmi les possibilités des hommes et des choses, celles qui protègeront et enrichiront la vie et de les réaliser en jouant librement des potentialités de la forme et de la matière.

À la limite la science deviendrait art et l’art façonnerait la réalité.  Cet art scientifique répond à la catégorie de l’esthétique chez Laborit, science des structures, science épanouissante, ouverture révolutionnaire à la compréhension du monde.  Cette révolution nouvelle sera d’abord celle des structures mentales et nécessitera une véritable mutation linguistique qui bouleversera radicalement le système de valeurs. Il est temps que l’homme se transforme et balaye les jugements de valeurs sur lesquels se sont construites depuis 10,000 ans les civilisations. Il ne s’agit pas d’améliorer le système que nous avons choisi soi-disant démocratiquement. Il s’agit d’inventer une voie complètement nouvelle. Il s’agit d’une transmutation radicale des valeurs pour supprimer l’agressivité et l’exploitation. Il s’agit de réaliser véritablement une déconstruction de l’architecture du savoir. Celle-ci ne pourra provenir que de la diffusion généralisée des connaissances scientifiques concernant les données biologiques des comportements humains. La déstructuration d’une structure existante, non accompagnée d’un accroissement des informations concernant les structures des éléments individuels qui la constituent, est peu susceptible de déboucher sur un progrès structural de la société. La disparition des relations interindividuelles existantes, des  rapports de production et de domination, la création d’un désordre momentané dans ces relations avec l’espoir de les voir se reconstituer autrement et de façon plus harmonieuse sans apport d’informations supplémentaires, concernant un niveau d’organisation non appréhendé jusqu’à maintenant en dehors des discours des philosophes, celui des bases biologiques des comportements individuels, nous paraissent constituer un pari, un acte de foi, une croyance au miracle. Pour qui n’est pas croyant il reste à se pencher sur l’état des connaissances actuelles pour mieux se hisser à la dimension de l’espèce humaine. Cette pratique théorique ne sera pas l’œuvre des seuls initiés ou d’une avant-garde quelle qu’elle soit. Aucun individu ou aucun groupe d’individus n’est autorisé à décider du bonheur de l’ensemble et s’ils invoquent l’ignorance de la masse à décider des actions efficaces pour elle, ce pourquoi ils en décident à sa place, c’est qu’ils ont mal rempli leur rôle de diffusion de ce que Laborit a appelé l’information généralisée.

Les individus devront désormais prendre en charge leur propre destinée car il n’est de destin qu’humain et non historique. Nous en sommes aujourd’hui au point de rupture où nous a conduit la croissance exponentielle, au seuil de la libération. Mais, remarque A.Gorz, ce seuil ne sera franchi que par une rupture remplaçant la rationalité productiviste par une rationalité différente. Cette rupture ne peut venir que des individus eux-mêmes. Pour Laborit cette révolution c’est d’abord en nous qu’il faut la réaliser. Être révolutionnaire n’est plus alors l’affaire de quelques leaders inspirés, d’une élite éclairant la masse mais celle de tous. C’est sans doute la finalité de l’espèce car il s’agit d’une révolution permanente et culturelle, non d’une culture langagière ou d’une pratique sociale uniquement. Dans ces conditions, le changement radical de la conscience devient le début, le premier pas vers le changement de l’existence sociale, vers l’apparition d’un nouveau sujet. Laborit s’adresse directement aux hommes et considère que la révolution doit être l’œuvre de chacun. Cela introduit un débat fondamental dans toute pratique théorique révolutionnaire, à savoir celui du choix de priorité entre la modification de l’environnement social ou celle de la conduite individuelle.

Changer le milieu ou changer l’homme.

Rifkin et Howard évoquant l’extension de la crise envers les solutions politiques traditionnelles aux problèmes contemporains relèvent qu’elle a donné naissance à deux écoles de pensée révolutionnaire. Toutes les deux sont d’accord sur la nécessité d’un changement fondamental mais l’une affirme que c’est la constitution biologique de l’espèce humaine qu’il faut modifier pour l’adapter aux changements rapides qui se produisent dans le monde extérieur, alors que pour l’autre ce sont les institutions et les valeurs de la société qu’il faut remodeler. Laborit emprunte aux deux. Par réalisme d’abord parce que la biologie elle-même dans les années à venir ne sera pas thérapeutique : elle sera transformatrice. Elle transformera non seulement l’individu mais aussi son environnement. Le débat n’est donc pas si tranché qui opposerait les partisans d’une action institutionnelle à ceux d’une action constitutionnelle.

Les thèses favorables à l’action sur l’individu peuvent être regroupées en trois courants : l’eugénisme, l’euphémisme et l’eupsychisme. Ces trois catégories de manipulation appliquées à l’individu laissent une part décroissante de liberté au choix individuel ainsi que nous allons le voir. Par eugénisme on entend la manipulation modificatrice du génome d’un individu, par suppression, addition ou translation de certains gènes déterminés pour leur action. L’eugénisme présente deux faces : celle dite négative consistant à empêcher la reproduction d’individus génétiquement considérés comme déficients et celle dite positive tendant à une sélection volontariste, à une orientation du patrimoine génétique par intervention normative.  Laborit n’est nullement partisan d’une quelconque sélection génétique réductrice de la diversité source de la combinatoire évolutive. La culture lui apparaît le moyen le plus rapide d’intervention dans l’ordre des choses, l’instrument le plus aisément malléable de changement. Il n’est pas partisan du clonage, technique qui entraîne la reproduction à l’identique de l’individu cloné. Les avantages théoriques du clonage sont pour ses promoteurs : la fin du débat inné/acquis par comparaison du phénotype du parent et de son clone, la reproduction des individus supérieurs ou génies, l’immortalité biologique des individus par conservation de cellules et implantation trans-générationnelle, la constitution de corps techniques sur-spécialisés (militaires, athlètes, danseurs, musiciens…). Il va de soi que les partisans du clonage reconnaissent à l’environnement peu d’importance dans la vie individuelle génétiquement prédéterminée quant aux qualités personnelles. C’est pourquoi Laborit insistant avec force sur l’apprentissage socioculturel, ne croit guère à cette technique, ni à l’eugénisme en général.

Concernant l’euphénisme, qui consiste en la manipulation biochimique de l’environnement intra-utérin et plus généralement des rapports entre le génome et son expression comportementale (phénotype), Laborit s’est particulièrement intéressé à l’une des sous-catégories, à savoir l’eupsychisme. L’eupsychisme se définit comme la modification du système nerveux central, vers le mieux-être, par la voie biochimique ou par stimulation électrique ou encore au moyen de la psychochirurgie. Comme Laborit le précise, aujourd’hui  la pharmacologie du système nerveux ne débouche pas seulement sur la thérapeutique des maladies mentales, mais beaucoup plus largement sur l’action de l’homme sur lui-même et sur son comportement. Au final, pour Laborit, la biochimie pourrait procurer des moyens de s’évader ou de changer en partie le monde actuel en modifiant le comportement humain. Elle n’est, pour l’instant, sauf exception, qu’un moyen de s’y soumettre.  Elle existe et son utilisation est appelée à se répandre. Comme toute technologie elle peut contribuer à la libération mais comme l’écrasante majorité des technologies elle sert effectivement la domination. Le potentiel révolutionnaire des produits psychotropes ne servira à la libération que dans une société allant vers la libération. Comme le soulignent plusieurs auteurs, les psychotropes ne sont qu’une réponse à un malaise des hommes par ailleurs constamment manipulés par les médias, les idéologies, l’alcool et autres toxicomanies légales.

Ce n’est donc pas des produits psycho-actifs que viendra la libération ni de la psychochirurgie ; mais plutôt de la connaissance, par l’information des données scientifiques existantes, des technologies actuellement disponibles et de l’action des appareils de domination. Le changement social résultera avant tout d’une mobilisation générale en vue d’une réappropriation sociale du savoir. Un savoir qui en changeant les mentalités et donc les comportements permettrait une transformation de la structure socioculturelle de la société.  

Informer pour politiser.

Le changement social exige une prise de conscience individuelle et une modification profonde des besoins et motivations personnels. Ces deux conditions préalables à la libération ne peuvent résulter, Laborit ne cesse de le répéter, que d’une information généralisée concernant les bases de nos comportements, les raisons de nos actions, nos relations avec les structures sociales. C’est précisément dans la diffusion, par information généralisée, des mécanismes qui contribuent à notre propre misère, que Laborit investit ses espoirs d’un véritable changement social s’attaquant  enfin aux règles d’établissement et de maintien de la domination. Une telle information doit faire appel à la raison, à l’imagination ; à la dimension spécifiquement humaine de la réflexion : certes il faut mobiliser les masses, mais il les mobiliser contre toute structure hiérarchique de dominance, contre toute structure fermée, figée, sclérosée, analytique et non synthétique, contre celles existantes mais aussi contre celles qui pourraient subvenir. Et pour les mobiliser, pour les motiver, il est préférable de s’adresser à leur raison qu’à leurs pulsions ou leurs automatismes culturels ou du moins il faut les motiver raisonnablement. Il faut que leurs pulsions fondamentales les amènent à raisonner les mécanismes d’établissement et le contenu de leurs automatismes.

Il s’agit bien ici d’informer pour politiser et politiser en informant, pour que l’individu s’interroge sur les institutions, sur l’intériorisation des normes sociales, sur son propre rôle en tant que relai de la domination ainsi que sur son devenir en tant que membre de collectivités diverses appartenant toutes également à l’espèce humaine. Il faut, selon Laborit, que l’information spécialisée en vue de la gratification sociale ne soit plus la motivation exclusive mais qu’au contraire s’élabore une ouverture d’esprit sur la complexité des structures et le sens de la vie. De l’homme, Laborit avance qu’il faut le motiver politiquement. Il faut que le politique devienne son activité fondamentale. Non pas la politique spectacle ou celle des défilés et des slogans qui permettent de colmater l’angoisse, en intégrant le militant dans des hiérarchies de substitution aux grilles langagières fermées, mais celle au contraire qui s’appuie sur un savoir politique généralisée qui ne serait plus l’apanage des ingénieurs sociaux et des professionnels de la politique mais donnerait à chacun le pouvoir de se situer véritablement par rapport aux autres, à tous les autres, aux structures internes et internationales. Déstructurer le savoir social afin de déstructurer le pouvoir politique : pour généraliser le pouvoir, il faut généraliser la connaissance, c’est-à-dire généraliser et diversifier l’information et déstructurer les automatismes. Il faut donc multiplier les sources d’information, faciliter par tous les moyens leur diffusion. Ne jamais permette qu’un problème ou qu’un sujet, quel qu’il soit, utilisant un des moyens modernes de diffusion, soit présenté en sous-ensemble, détaché de ses déterminismes multifactoriels à des niveaux d’organisation sus et sous-jacents, car on tombe alors obligatoirement dans le jugement de valeur, la référence affective, interprétée de façon logique par le logos raisonnant. Il n’est sans doute pas de sujet, aussi spécialisé soit-il, qui me puisse être regardé avec les yeux de l’espèce et non pas du groupe ou de l’individu.

Véritable anthropolitique dont la réalisation exige bien plus que la seule suppression de la propriété privée des moyens de production et à laquelle chacun dès le plus jeune âge doit être sensibilisé. Par là Laborit rejoint le second mouvement révolutionnaire pour qui il convient de changer les valeurs et les institutions mais en refusant cette dichotomie qui laisserait accroire que les valeurs n’ont rien d’humain et que les institutions existaient avant l’homme. L’environnement social n’a rien de naturel – même s’il se dissimule sous cette apparence  – : il est informé, forgé, modelé, créé, utilisé par l’homme qui y est intégré, s’y moule ou s’y débat, mais se trouve toujours dans le tissu serré des rapports sociaux, des rapports avec d’autres hommes médiatisés par des institutions fondées sur des valeurs … dissimulées sous l’apparence humaine.  Modifier ces valeurs pour modifier ces institutions, tel est l’objectif auquel Laborit veut activement participer : l’élaboration d’un schéma de substitution de la société informationnelle à la société thermodynamique répond à cette exigence.  

Vers la société informationnelle.

Avec le concept de société informationnelle on est encore dans l’utopie mais celle-ci déjà prend forme et permet d’imaginer d’autres modalités de relations sociales, de prise de décision et d’action. Le chemin vers la société informationnelle, pour être technologiquement tracé, dépend avant tout de l’action de l’homme, des valeurs et des choix qu’à temps ou tardivement il exprimera.

À l’évidence, comme le disait J.Attali, nous sortons d’un univers contrôlé par l’énergie pour entrer dans l’univers de l’information. La société informationnelle de Laborit est une société de rupture et, pour cette raison précise, difficile à prévoir. Aussi n’y a-t-il guère de prédictions chez Laborit mais plutôt des propositions, de hypothèses de changement. Société en rupture, la société informationnelle est nécessairement utopique ; l’adjectif utopique, précise justement Marcuse, ne désigne plus ce qui n’a pas de place, mais ne peut pas avoir de place, dans l’univers historique mais plutôt ce à quoi la puissance des sociétés établies interdit de voir le jour. On retrouve ici la distinction de K.Mannheim entre idéologie (production d’idées confortant l’ordre établi) et utopie (production d’idées antagonistes de cet ordre). Une telle caractéristique utopique de la société informationnelle, en opposition radicale avec le développement historique et la croissance exponentielle, s’amplifie avec la conscience de l’impasse historique dans laquelle la civilisation industrielle s’est engagée. Aujourd’hui penser le devenir ne peut-être que penser utopie. Comme le note J.Attali l’avenir est nécessairement une utopie et c’est très important de comprendre qu’elle n’est pas dangereuse puisque parler utopie signifie accepter l’idée que l’avenir n’a rien à voir avec les prolongations de tendances actuelles. Autrement dit, tous les futurs sont possibles sauf un qui serait la prolongation de la situation actuelle. E.Morin relève que nous sommes si proches du seuil de rupture, si proches d’entrer dans le chaos, que s’intensifient à la fois la dimension utopique du futur et la nécessité impérieuse de sa conception. Pour Laborit la situation actuelle étant caractérisée par le cycle infernal de la production/consommation à tous prix, la rupture devra véhiculer d’autres valeurs telles la connaissance et l’existence. Au développement économique/sous-développement de l’homme il faut substituer la stagnation de la consommation en vue de l’épanouissement de l’homme, substituer encore l’Homo-Sapiens à l’homo faber/mercantilis. La question serait alors clairement posé de savoir si la finalité de l’espèce sur la planète est de faire toujours plus de marchandises, ou de mieux connaître le monde inanimé et le monde vivant, y compris le monde humain. Une telle finalité n’est donc pas limitée à un État, à un ensemble régional quelconque elle est celle de l’espèce humaine dans son unité ; elle lui est commune. La société informationnelle sera l’enjeu d’une révolution permanente et culturelle, celle de l’émergence de l’homme. Si la productivité se conjugue en termes d’avoir, la convivialité en termes d’être, la société informationnelle est bien une société conviviale. Son nouveau but devrait être enfin de former des hommes, c’est-à-dire des êtres imaginant, plutôt que des mécanismes participant plus ou moins directement, mais participant toujours à la production de marchandises.

Cette option normative ne se réalisera pas spontanément ; elle exigera un apprentissage, une conception différente de la vie en société et du sens de la vie en général. Elle exigera notamment qu’au règne de la compétition soit substitué celui de la coopération, que le phénomène de pouvoir soit envisagé sous un jour nouveau, que les systèmes fermés s’ouvrent à la diversité complexe, que l’hétérorégulation enfin fasse place à l’autorégulation.

La recherche de la décision organique.

L’option de la coopération et le rejet de la compétition comme force évolutive traduisent un choix normatif issu de l’analyse de l’inéluctabilité du changement. Nombre d’auteurs font le choix inverse pour qui l’agressivité compétitive est la condition du progrès et de la croissance. Laborit y décèle les causes de l’impasse écologique actuelle et son scientisme ne va pas jusqu’à investir dans la technologie future le salut de l’humanité. On est ici dans le domaine de la croyance et des grilles interprétatives. Le clivage est net entre ceux qui, comme Laborit, sont sensibilisés aux problèmes écologiques et ceux qui, d’autres part, auraient plutôt tendance à valoriser les solutions techniciennes en dénigrant toute projection à long ou moyen terme qui fait l’impasse sur l’innovation  technique dont les hommes – les technocrates en l’occurrence – savent faire preuve.Or les solutions à court, moyen ou même long terme apparaissent dérisoires à qui regarde l’homme sous l’angle du vivant, comparé l’histoire de la société industrielle exprimée en peu de siècles à l’histoire de l’homme exprimée en centaines de milliers d’années. Les points de vue, pour tout dire, sont incompatibles. Voilà aussi la raison pour laquelle si Laborit admet la valeur sélective et évolutive de l’agressivité à un moment donné de l’évolution, elle lui paraît aujourd’hui faire partie de ces adaptations phylogénétiques archaïques, périmées, voire nocives. L’homme aujourd’hui maître de la nature doit désormais maîtriser sa nature. La conscience de l’espèce et de la finitude terrestre bouleverse l’étroitesse des cadres traditionnels de l’action. Elle révèle par l’unité de l’homme les limites du choix qui ne peut être qu’entre la vie et la mort de l’homme. Laborit a choisi la vie et a compris qu’elle est la seule valeur certaine. Et comme le dit E.Morin la vie n’est pas seulement le développement de l’individualité mais celui de la dialectique des rapports individu-société-espèce. En conséquence, Laborit a opté pour la déstructuration des cadres clos et enfermant de la domination thermodynamique et pour la coopération par inclusion, par niveaux successifs de complexité et de complémentarité dans l’espèce humaine. Il s’agit désormais d’élaborer les fondements d’une solidarité biologique de l’homme à l’homme, mais aussi à l’espèce et à la nature ; d’imaginer les termes d’une philosophie inclusive et additive et non plus exclusive et alternative. Cette solidarité biologique devra s’appliquer dans un premier temps aux structures sociales et sur la base de la prise de conscience de l’indispensabilité sociale par la diffusion de l’information, devra renouveler profondément les notions de pouvoir et de décision.

La société informationnelle diffère avant tout de la société thermodynamique par la conception du rôle et du contenu de l’information. Les sociétés industrielles établissent leurs hiérarchies professionnelles sur la base du rapport mécanique/information abstraite. Celle-ci étant conçue comme une information spécialisée, ensemble de méthodes et de techniques, de connaissances utilitaires. Il ne s’agit pas ici de l’information que Laborit souhaite voir diffuser. En effet, écrit-il quand nous parlons de sociétés informationnelles il ne s’agit pas de l’information spécialisée permettant à l’individu de transformer efficacement la matière, il ne s’agit pas de l’information fournie par l’apprentissage manuel ou conceptuel, mais bien d’une information beaucoup plus vaste, concernant sa signification en tant qu’individu au sein de la collectivité humaine. La première ne peut lui fournir qu’un pouvoir spécialisé au sein d’une hiérarchie mais lui interdit de participer au pouvoir politique. La seconde au contraire lui permet de s’inscrire dans une classe fonctionnelle et de prendre part aux décisions de l’ensemble organique car pouvoir c’est savoir. Cependant, Laborit sait parfaitement que la structuration hiérarchique consacrant la détention de l’information la plus abstraite et la plus spécialisée investit le pouvoir politique et que technocratie et politique tendent à s’interpénétrer de façon asymétrique. L’invasion des instances politiques traditionnelles (représentatives et exécutives) par les membres des grands corps techniques ou administratifs ne lui paraît nullement garantir l’ouverture d’esprit et la compréhension de l’ensemble des structures et de leurs interrelations. Elle survalorise au contraire le discours de l’expertise. La culture générale ne correspond ni au contenu ni au rôle que Laborit accorde à l’information généralisée. Celle-là ne correspond d’ailleurs qu’à une spécialisation, dans la détention d’une information plus globale qui, pour légitimer le pouvoir politique, consacre la division sociale du savoir politique. Dans la mesure où chaque membre d’une collectivité participe à son fonctionnement, l’information politique devrait être généralisée, mise à la disposition libre de chacun, disposition non formelle mais réelle. Tout homme pourrait alors accéder à la compréhension de son rôle, de celui de sa classe, de leur interaction à des niveaux de complexité plus vastes et enfin de sa finalité et des moyens d’action des ensembles nationaux et internationaux. La quantité d’information spécialisée ne justifie nullement la discrimination dans la participation au pouvoir de décision politique. Généraliser l’information politique permettrait de généraliser le pouvoir en ne réservant plus la décision à quelques uns, qui n’y sont aujourd’hui habilités que parce qu’ils monopolisent cette information.

La décision devrait être – selon les modalités envisagées plus loin – une décision organique résultant de la discussion de tous les participants à une classe fonctionnelle dont l’indispensabilité sociale doit permettre qu’elle participe aux décisions politiques concernant la collectivité dans son ensemble. La recherche de la décision organique ne peut s’appréhender que liée à l’ouverture par servo-mécanismes des multiples sous-systèmes sociaux. Cette ouverture doit pouvoir être conçue verticalement et horizontalement. Verticalement par articulation d’une structure à une autre et détermination d’une finalité commune dans un espace territorial déterminé (producteurs et consommateurs, enseignants et enseignés…). Horizontalement par fusion ou association des différentes classes fonctionnelles appartenant à des cadres territoriaux distincts (organisation transnationale du syndicalisme patronal et ouvriers, des consommateurs, des locataires, des enseignants, des sportifs…). Une telle ouverture simultanée sur des ensembles plus grands, dont on connaît d’ailleurs quelques ébauches, permet de faire obstacle au corporatisme, à l’esprit de chapelle, à l’enkystement structurel de groupes d’intérêt étroitement spécifiques et antagonistes. Elle implique que les traditionnelles grilles de valeurs assurant le maintien de structures fermées soient remplacées par une nouvelle grille qui mettrait l’accent sur la dépendance/interdépendance de toutes les structures socio-économiques et dégagerait une finalité commune à l’ensemble de l’espèce humaine.

Le nouvel apprentissage, cette nouvelle sensibilité, Laborit les regroupe sous le vocable d’esthétique comprise comme une recherche des structures, c’est-à-dire de l’ensemble des relations existant entre les éléments de l’ensemble de nos connaissances qui est la seule façon qu’ait l’homme de s’harmoniser avec la nature, de s’y fondre, tout en restant lui-même, c’est-à-dire conscient de cette harmonie. En fait, sa fonction essentielle est la généralisation : généralisation consiste pour Laborit à créer de nouveaux ensembles de relations, c’est-à-dire de nouvelles structures qui englobent les ensembles préexistants, dont les caractéristiques essentiels sont déjà connues. Enfin, alors que les morales enferment l’action dans un dogme, un règlement de manœuvre, sans évolution possible, faisant le plus souvent appel à des réflexes conditionnés puisqu’au départ elles renferment des lois qu’il suffit de respecter, l’esthétique, envisagée comme science des structures, est un système ouvert, en perpétuelle évolution et qui repose entièrement entre nos mains, puisque nous sommes seuls responsables de l’enrichissement de nos structures. Avec elle, l’homme possède non seulement une méthode pour agir mais aussi un système de recherche et de perfectionnement ; un but jamais atteint à offrir à son comportement.  Les morales sont des aide-mémoire à base de préjugés utilitaires. L’esthétique est une création néocorticale débouchant sur l’infini des structures universelles. Laborit rejoint Marcuse pour qui la société matérialiste a étouffé la sensibilité et la liberté imaginatives de l’homme. Dans un univers où les rapports humains ne seraient plus médiatisés par les relations marchandes, ne seraient plus fondées sur l’exploitation, la compétition ou la terreur, il faudrait que la sensibilité soit libérée de toutes les satisfactions répressives des sociétés asservies et qu’elle puisse accéder à des formes et des aspects de la réalité qui n’ont été jusqu’à présent l’objet que de l’imagination esthétique. Cette nouvelle sensibilité est bien une praxis surgissant avec l’angoisse existentielle de l’humanité, revendicatrice de nouvelles formes de vie, de nouvelles relations humaines.

Tels sont les grands objectifs de la société informationnelle : substituer ; sous la pression de la nécessité, l’être au produire, la coopération à la compétition, l’intégration fonctionnelle des ensembles humains au repli sur des structures fermées. Tous sont dépendants des modalités de circulation de l’information et de la nature de cette information. C’est pourquoi la promotion d’une telle société nécessite une déstructuration/restructuration des modèles de sociétés occidentales.

Les structures systémiques de la société informationnelle.

La nouvelle société ne sera pas le produit d’un renversement brutal des structures existantes mais émergera du renouvellement généralisé des valeurs, de l’élaboration d’autres règles de comportement. Dans la mesure précisément où les automatismes socioculturels sont intégrés à la personnalité dès le plus jeune âge, leur suppression exige tout d’abord que soit différemment conçu l’enseignement. Informer sans éduquer : telle est pour Laborit la première règle d’un nouvel apprentissage socioculturel. Celui-ci devra recourir à de nouvelles méthodes mais surtout favoriser la critique de toute autorité, le refus de tout conformisme, de la normalité ; insister sur la diversité, l’originalité créatrice, l’imagination. C’est là une condition essentielle d’une sublimation de l’agressivité qui valoriserait la tolérance et la coopération substituées au conflit et à la compétition. Pour parvenir à ce but, l’angoisse existentielle exprimant le déficit informationnel de tout individu à l’égard de lui-même, des autres et de son milieu devra être utilisée comme possibilité d’ouverture et de compréhension d’un monde multidimensionnel, riche, complexe et conflictuel.

La tâche est ardue comparée à la facilité qui consiste pour l’enseignant à fournir des grilles sécurisantes et pour l’élève à les rechercher et s’en satisfaire. Le nouvel apprentissage sera fonction des méthodes éducatives qui devront diversifier le plus possible les sources d’information et ne jamais imposer une connaissance parce que reconnue comme une vérité à une certaine époque de l’évolution des sciences et des techniques sous peine de stériliser l’imagination et la créativité des enseignés. Actuellement l’éducation, mot qui rappelle le dressage d’un cheval, fait appel aux aires cérébrales les moins spécifiques de l’espèce humaine, celles qui gouvernent l’apprentissage, manuel ou conceptuel. Elle y parvient par le biais du langage, chargé de valeurs cristallisant des rapports sociaux souvent révolus, le plus souvent dissimulés, valables à certains niveaux d’organisation mais non à d’autres. L’éducation enferme et il faut transformer le langage utilisé et les méthodes employées pour changer les mentalités. Pour Laborit le fossé des générations, disposant chacune de leur langage et de leurs valeurs, suffit à montrer l’inadaptation de l’enseignement aux changements permanents des structures. Or, une génération n’a pas le droit de penser que l’évolution des sciences et des techniques s’arrêtera avec elle et elle doit avant tout insister sur leur relativité. En conséquence, la nouvelle éducation sera relativiste et elle devra s’efforcer de structurer la multiplicité des informations éparpillées.  À l’abondance dispersée des connaissances la nouvelle éducation devra substituer un processus de structuration des connaissances qui ne fasse pas appel à la seule mémoire mais aux méthodes d’établissement de relations de leurs multiples dépendance/interdépendance. Il ne s’agit pas, précise Laborit, d’apprendre le plus de choses possible si l’on ne sait pas comment elles sont reliées entre elles, dans l’espace et dans le temps, de la géographie à l’histoire, des mathématiques à Victor Hugo. Chaque chose n’a aucun intérêt si elle ne s’inscrit pas dans un cadre plus vaste, par niveaux d’organisation et régulations intermédiaires, aussi bien dans le sens horizontal du présent que vertical du passé et de l’avenir. Théorie des ensembles et analyse structurale et systémique sont autant de méthodes heuristiques pour apprendre à penser, à questionner les faits. En privilégiant les liaisons, les servomécanismes, elles font éclater les systèmes fermés. Une telle démarche ébranle toutes les valeurs des plus évidentes aux plus discutables. Elle remet tout en cause, inlassablement. Elle pousse à la révolte contre les préjugés, les concepts éculés, les vérités premières, les essences, les certitudes admirables, les morales, les éthiques…

L’informatique pourra devenir un instrument précieux de mise en œuvre de telles méthodes mais elle ne remplacera pas l’enseignant qui devra recevoir une autre formation et établir de nouveaux rapports avec ses élèves. L’approche interdisciplinaire des méthodes et des concepts devra leur être familière et doubler leur acquis spécialisé d’une formation généralisée. Polystructuralistes et synthéticiens devront être capables de s’informer sur plusieurs disciplines, de faire fructifier la leur des intersections possibles avec celle des autres et finalement, de se situer eux-mêmes plus aisément dans l’ensemble humain, plutôt que dans un sous-ensemble technique. Chercher, pour chacun de nous, les recoupements pouvant exister entre notre connaissance et celle des autres, conduit à mieux considérer ces autres, du fait qu’on participe conceptuellement à leurs connaissances et à leur langage, donc que l’on devient capable d’échanger avec eux des informations. Paré de nouvelles méthodes l’enseignant devra ensuit établir de nouveaux rapports avec les enseignés. Rapports dépouillés de tout paternaliste qui conforte en maître en sécurisant l’enfant sur-infantilisé. Susciter l’imagination, l’association d’information, de structures, d’idées, la recombinaison et la symbiose permanentes des multiples éléments de la connaissance, surtout ne pas user et abuser de l’argument d’autorité et de l’imposition de certitudes. Alors, précise Marcuse, au lieu d’être conditionnée et imprégnées par la rationalité de la domination, la sensibilité serait guidée par l’imagination.

Pour l’anarchie conceptuelle et l’ordre structurel.

L’objectif et le moyen de parvenir à une perception systématique du monde se résument en une formule chère à Laborit : l’anarchie conceptuelle dont les éléments constitutifs sont au nombre de trois : conscience, connaissance et imagination.

Anarchie définie comme négation de l’autorité cognitive et affective du mot qui une fois imposée s’impose d’elle-même, qui fait que le sujet est parlé plus qu’il ne parle. Anarchie enrichie de la multiplicité des échanges d’informations en vue du développement permanent des communications, obstacle au conformisme magique du verbe. Anarchie constructive enfin puisque créatrice de nouvelles structures, d’une compréhension élargie du monde.

L’imagination, développe Marcuse, en unifiant la sensibilité et la raison, devient productive en même temps qu’elle devient pratique : elle devient une force motrice dans la reconstruction du monde de la vie – reconstruction assurée par une science et une technologie qui, ne servant plus la cause de l’exploitation et de la destruction, se trouveraient disponibles pour les exigences libératrices de l’imagination.

C’est bien sur ces bases qu’apparaît possible à Laborit l’appropriation collective des moyens de production. En effet quand l’imagination sera devenue la nouvelle motivation de l’action, récompensée par la reconnaissance collective, quand l’épanouissement individuel par la création aura remplacé l’activité de consommation, quand le pouvoir imaginant aura destitué le pouvoir possédant, l’appropriation privée des moyens de production, c’est-à-dire le moyen capitaliste de s’assurer le pouvoir sur les hommes, pourra à son tour disparaître.

Mais ce ne serait là encore que rupture partielle, du continuum de domination tant que non accompagnée de la désinstitutionalisation d’un pouvoir fondé sur la possession, la monopolisation et la rétention de l’information spécialisée et généralisée. Laborit insiste sur le fait que la propriété privée établissant un lien de dépendance n’est pas seulement celles des moyens de production mais aussi – et surtout – celle de l’information, du savoir qui procure le pouvoir. Car l’aliénation ne réfère pas seulement à la possession ou à la non possession mais encore au pouvoir d’orientation et de décision. L’ouvrier peut être propriétaire collectif d’une usine, il n’en est pas moins aliéné tant que les décisions ne requièrent nullement sa participation, tant qu’il ignore la finalité et la destination de son travail. Or la généralisation du savoir devrait permettre la généralisation du pouvoir et ne plus justifier que, par défaut de savoir, l’incapacité des travailleurs à comprendre, légitime la greffe d’un pouvoir détenteur du savoir.

Ceci implique que, contrairement à la société thermodynamique, la société informationnelle soit structurée non hiérarchiquement mais par articulation des multiples niveaux de complexité. Les niveaux de complexité concaténés sont caractéristiques de l’organisation du vivant. Si on parle de décision organique, c’est précisément parce que Laborit développe l’analogie entre organisme vivant et société humaine pour développer son schéma de société informationnelle. Pour lui l’organisme vivant ne connaît pas de hiérarchie de valeurs, ses divers éléments constitutifs participent au maintien de la structure d’ensemble et aucun d’entre eux ne commande, chacun recevant et transmettant de l’information et de l’énergie. La structure d’ensemble assure en retour la finalité de chacune des structures sous-jacentes : le maintien homéostatique restreint. On constate cependant une intégration des divers composants par niveaux d’organisation ou de complexité, chacun étant ouvert sur le niveau englobant par servomécanismes. Ces différents niveaux sont également indispensables du fonctionnement normal de l’organisme lui-même indispensable au fonctionnement de chacun des niveaux intégrés.

La société humaine s’est aussi organisée par niveaux de complexité mais en les hiérarchisant – valorisant – sur le fondement du rapport travail mécanique/information abstraite. De plus la complexification des structures sociales ne s’est généralement pas faîte de la base au sommet, selon un processus de symbiose et coopération mais par le centre au moyen de la force du déracinement, de la destruction des solidarités existantes. Or pour Laborit, de la même manière qu’un centre géographique ne peut se concevoir sans périphérie, qu’un territoire est constitué d’entités géographiques contribuant à l’existence de ce territoire, les classes sociales sont chacune indispensable au fonctionnement social. Chaque individu, quelle que soit sa classe d’appartenance, participe à l’accomplissement d’une fonction indispensable et la reconnaissance de ce fait devrait permettre une structuration sociale autre que hiérarchique. L’indispensabilité des consommateurs par exemple devrait lui permettre de disposer d’un pouvoir de décision et non pas seulement de contestation. De même l’indispensabilité des enseignés, des demandeurs de soins médicaux, des locataires… On voit déjà que la structuration fonctionnelle est verticale puisqu’elle met en contact deux niveaux d’organisation de l’action mais aussi horizontale puisque chacun est à la fois producteur et consommateur et que les classes fonctionnelles peuvent toujours être spatialement étendues. Pour la démonstration de son analyse Laborit se réfère aux écrits de G.Mendel concernant les classes fonctionnelles constituées par les enseignants et les enseignés.

En rappelant l’exigence préalable d’une information généralisée délivrée à chacun et d’un apprentissage systémique du fonctionnement des systèmes sociaux, on peut envisager l’hypothèse d’une dissociation du rôle et du statut qui évacuerait le jugement de valeur portant sur la fonction. Le rôle d’un manœuvre étant tout aussi indispensable que celui d’un commerçant ou d’un fonctionnaire, chacun possédant une formation généralisée équivalente, la valorisation sociale fondée sur la possession d’un diplôme spécialisé n’aurait plus lieu d’être. De plus l’accès généralisé à l’information joint à l’accès égal à la décision favoriserait cette évolution dans le cadre d’une société dont on rappelle que la consommation et la propriété ne seraient plus les objectifs principaux. L’articulation des intérêts s’effectuerait alors horizontalement à l’intérieur d’abord puis ensuite par delà les frontières nationales (le syndicalisme et les organisations patronales non gouvernementales réunies à l’échelle international en offre un exemple) sur le critère de l’analogie de fonction mais aussi verticalement sur le critère de l’indispensabilité social.  L’organisation verticale serait ouverte par servomécanismes, telle entreprise recevant du niveau qui l’englobe et des classes fonctionnelles l’information nécessaire sur la demande de production ou les choix de consommation (préférentielle, anticipée…). Ceci dans le cadre d’une économie planifiée, à l’échelon interne comme international, planification concertée entre les classes fonctionnelles.

La structuration d’une société sur le critère de l’indispensabilité sociale exige la réalisation de plusieurs conditions dont aucune ne saurait faire défaut : l’information doit être généralisée et d’accès libre, chacun doit pouvoir librement choisir sa fonction, celle-ci ne saurait procurer aucun avantage hiérarchique, le rôle ne devrait donc pas conférer un statut, le pouvoir ne devrait pas être personnel mais collectif, c’est-à-dire celui d’une classe fonctionnelle dans son ensemble, le pouvoir serait représentatif et exécutif et non pas directif, transitoire et non permanent. Tout cela suppose selon A.de Gantes l’égalisation générale des conditions économiques et sociales, point que n’envisage pas Laborit mais sans laquelle on a quelque peine à envisager le schéma théorique de la société informationnelle.  Il ne pourrait en être autrement sans que s’institutionnalisent et se reproduisent éventuellement des hiérarchies fondées non plus sur la propriété des objets mais celle des idées, de l’imagination ou bien encore de l’esthétique. En supposant par ailleurs qu’existe une inégalité de conditions dans un système de culture généralisée, valorisant par exemple la création, on ne pourrait qu’évoluer vers des hiérarchies naturelles explicables par référence aux seuls talents natifs ou inégalité génétique. Un tel système est souhaité par J.Salk par exemple où dans une hiérarchie basée sur les dons et les talents natifs, les individus  ne chercheraient plus le pouvoir par les autres et sur les autres mais leur plein épanouissement en harmonie avec la sagesse de la nature. Pour Laborit, comme pour V.Pekeles, la valeur créatrice serait récompensée par l’approbation collective, la reconnaissance collective du talent. Cependant dans cet État diablement idéal surgit un problème de fond que Laborit n’a pas saisi. Quel serait le ressort de la création ? De quelle névrose ou psychose souffrirait un créateur libre de sa fonction, devant lequel les hiérarchies ne dresseraient plus d’obstacles insurmontables, dont le talent serait approuvé par ses contemporains ? L’angoisse d’un monde à découvrir en permanence mais qui serait offert à la découverte débridée, libérées des hiérarchies étouffantes serait-elle une motivation suffisante ? Ou bien alors la science, perpétuelle fuite de l’homme névrosé, serait-elle avec les hiérarchies, le pouvoir, la frustration condamnée à disparaître simultanément ? L’esthétique deviendrait-elle, tendanciellement contemplative ?

La nouvelle grille de Laborit ne peut répondre à ces interrogations… parce qu’elle ne peut décrire le futur et ne le veut pas. Elle nous indique cependant que dans une telle société le rôle d’un pouvoir politique serait d’harmoniser par niveaux d’articulation les finalités fonctionnelles des différentes classes et de diffuser d’information à l’ensemble des éléments du système sans procéder à aucune rétention. Sous le contrôle permanent des différentes classes le pouvoir politique devrait alors fournir toutes les informations nécessaires permettant à chacun de contester son action.

On aura compris que la société informationnelle est une société autogérée où chaque sous-ensemble participe volontairement à la vie du plus grand ensemble et à l’élaboration d’une finalité commune sans désordre, non sans bruit mais sans fureur ; cette société évolue ainsi de l’hétérorégulation centrale à l’autorégulation décentralisée ; elle est enfin une société conviviale. Conviviale étant définie selon les termes de Y.Illich, comme une société où l’outil moderne est au service de la personne intégrée à la collectivité et non au service d’un corps de spécialistes. Autrement dit, conviviale est la société où l’homme contrôle l’outil plutôt que l’inverse.

De l’hétérorégulation centrale à l’autorégulation décentralisée.

L’autogestion n’est concevable qu’à plusieurs conditions : la conscience de classe doit être fonctionnelle et non hiérarchique, la généralisation de l’information doit permettre à tous d’accéder à la connaissance des mécanismes économiques assurant l’ouverture verticale et horizontale de la fonction exercée, le pouvoir doit être réparti entre les classes fonctionnelles et non pas monopolisé par des représentants de l’inculture.  L’autogestion permet la restitution à l’homme d’un pouvoir de décision, de participation active à la décision dont, par concentration monopolisatrice, il est aujourd’hui dépourvu. Elle implique la suppression de tout monopole décisionnel et informationnel, rendu possible aujourd’hui par l’état de développement des technologies de communication. Par analogie avec la formation du système nerveux central, analogie fonctionnelle s’entend, Laborit avance qu’en matière sociopolitique aucune centralisation de la décision est acceptable. Les organismes centraux dans un tel système ne pourraient avoir d’autre rôle que d’informer l’ensemble national du contexte intérieur et extérieur et d’exprimer l’avis de l’ensemble national dans l’action entreprise. Un rôle d’intermédiaire sans plus. Toute occultation de l’information au profit des leaders, tout défaut de diffusion à l’ensemble national de cette information, toute insuffisance de généralisation culturelle exigée pour pouvoir exprimer un avis individuel ou par classes fonctionnelles et surtout toute information dirigée de haut en bas, d’instance de décision vers la base, ne peuvent aboutir à l’autogestion de l’ensemble national mais à une pseudo-démocratie ou à un système bureaucratique.

La division et la dispersion du pouvoir, la suppression du caractère d’institutions qu’ont pris la politique et l’économie, se doubleraient d’un système de démocratie directe d’où seraient exclues professionnalisation et personnalisation du pouvoir politique. Cela ne présuppose en rien la disparition de l’État en tant que lieu de régulation des conflits d’intérêts fonctionnels mais cela implique que l’État ne serait plus le lieu du politique, où se déterminent et s’imposent les orientations économiques et sociales qui réinvestiraient la société civile pour monter ensuite au niveau de l’État, celui devenant selon les expressions de A.Gorz, la sphère de la nécessité, où les exigences matérielles du fonctionnement social sont traduites en règles objectives universellement applicables et connues de tous. Reconnaître à l’État une fonction de captation et de transmission des informations, d’élaboration formelle des règles déterminées après confrontation directe et multiple et non médiatisée des intérêts en présence paraît envisageable à Laborit et, de fait, les progrès de la télématique, des moyens audiovisuels de communication facilitent les échanges d’informations au plan vertical comme horizontal. Cela suppose une très large diffusion de ces moyens techniques et une multiplication des connexions sociales informationnelles, des réseaux interactifs. L’informatique entre les mains d’un pouvoir totalitaire et coercitif peut effrayer. Mais ce qui est en cause n’est pas l’informatique qui est un simple instrument, mais le pouvoir, toutes les formes de pouvoir. Jusqu’à présent l’évolution technologique a permis de maintenir et de renforcer les pouvoirs. La possibilité d’instaurer une société conviviale dépend ainsi de la capacité sociale de réappropriation de la technologie et de la réorientation de ses usages. Elle dépend aussi de l’émergence de nouvelles technologies adaptées aux nouvelles exigences sociales formulées par les utilisateurs et répondant à des besoins spécifiques. L’exigence de la réappropriation sociale des technologies permet aussi de saisir pourquoi les progrès de l’automation peuvent entraîner aussi bien une dépendance croissante du travailleur à la machine hypercomplexe et hypercontrôlée que dégager du temps et des capacités pour la réflexion, la création, en réduisant la pénibilité physique du travail. L’importance croissante de l’information incorporée dans les machines et de l’information circulante permet d’envisager la diminution du temps consacré au travail et l’augmentation consacrée à la connaissance. Pour Laborit on peut même dire que le socialisme sera fonction du temps accordé à chacun pour s’informer. Si chaque homme disposait de deux heurs par jour tout au long de sa vie pour s’informer la situation serait déjà appelée à changer. Voilà aussi pourquoi il envisage la possibilité d’une année sabbatique tous les deux ou trois ans ainsi que la refonte des modalités de la mise à la retraite qui exclut brutalement les travailleurs du monde de la vie et les contraint à l’inutilité. On voit donc que Laborit fait primer l’exigence de s’informer deux heures par jour sur celui de travailler deux heures par jour.

Lorsque sont combinées les conditions préalables à l’apparition de la société informationnelle et les modalités de sa réalisation on comprend que, les ouvertures qui la caractérisent, elle est difficilement concevable dans un cadre national étriqué. Ce qui rapproche les hommes n’est pas nécessairement leur appartenance à une même nation mais peut-être plus l’analogie de leur fonction, de leur rôle. L’ouverture horizontale par une conscience accrue de classe fonctionnelle lui paraît donc possible et souhaitable ; nécessaire en tout cas car son schéma de société informationnelle ne peut être internationalisé dès lors qu’il ne reposera plus sur l’exploitation thermodynamique d’ensembles informationnellement moins organisés, exploitation qui conduit au seuil de la crise planétaire et ne sera résolue que par l’internationalisation des ressources, de l’énergie et de l’information, patrimoines communs de l’humanité. Le nouvel ordre économique international devrait s’organiser sur de nouvelles formules d’échange : certains ont proposé la mise en œuvre de la théorie des équivalents énergétiques, toujours quantifiables, qu’il faudrait aussi pouvoir combiner avec une théorie beaucoup plus complexe, des équivalents informationnels. En tout état de cause l’évolution semble devoir s’effectuer dans cette direction.

Ainsi schématisée à grands traits, la société informationnelle ne prédit pas tant l’avenir tel qu’il devra ou devrait être, mais plutôt l’avenir tel qu’il ne pourra se perpétuer dans les lignes de force du présent. Laborit relève d’ailleurs l’impossibilité pratique mais aussi théorique de décrire une société mondiale intégrée. Que sera cette société ? Il est difficile de l’imaginer à partir de notre niveau actuel de conscience : un palier ignore, a priori, quelles sont les qualités nouvelles qui apparaît au palier suivant. Toujours est-il que l’inéluctabilité d’un changement dans la conception d’un monde qui ne pourra plus être de production effrénée émerge à la conscience et questionne l’homme contemporain, ses besoins, ses angoisses, ses potentialités. Elle l’aspire vers l’usage d’autant plus utopique qu’elle est nécessaire et rêve évolutionnaire. Mobilisation générale de la conscience par la connaissance et pour l’imagination, la société informationnelle ne serait pas le fruit d’une dictature évolutive ou les nouvelles lumières de ce siècle baliseraient les voies de l’avenir. Elle serait la création par/de l’imaginaire humaine, de cet homme qui, selon Sartre, fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n’importe qui. Socialisme scientifique de Monod ou humanisme scientifique de Laborit, la société informationnelle est d’abord une société de connaissance, connaissance des comportements, de la signification biologique de l’homme et de son unité, au sein de la biosphère, en vue d’une recherche de l’harmonie entre l’homme et les niveaux de complexité l’englobant.

Laborit ne recherche pas autre chose que la fusion existentielle de l’individu, de la société et de l’espèce.

En contraste, examinons maintenant l’influence de la haute finance et des grandes corporations sur le développement de la socio-culture productiviste/consumériste à l’ère du néolibéralisme économique.

Comme une image vaut mille mots, je vous invite à regarder le premier documentaire réalisé par Mark Achbar et Jenniffer Abbott à partir du livre de Joel Bakan intitulé ‘ La Corporation ’ qui étudie la nature, l’évolution et l’impact de cette institution dominante ainsi que le probable avenir de la société moderne.

Pour compléter cette enquête, je vous invite à regarder le deuxième documentaire intitulé ‘ La nouvelle corporation ’ qui dévoile comment la prise de contrôle de la société par les entreprises est justifiée par le fait qu’elles se font passer pour des organisations possédant une conscience sociale. Ce deuxième documentaire démontre que l’idéologie promue par les entreprises d’un État social diminué, de la privatisation des services publics, de la dérèglementation, de la réduction des impôts et de la réduction des dépenses gouvernementales est non seulement un échec retentissant mais également une menace réelle à nos droits et libertés fondamentaux.  

Puisqu’un changement de valeurs, de structures et de fonctionnement social s’impose inéluctablement, on se doit d’examiner la proposition d’un socialisme participatif de Thomas Piketty, économiste et Directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales et professeur à l’École d’économie de Paris.

Lire la suite : Un socialisme participatif : une nouvelle idéologie de l’égalité, de la propriété sociale, de l’éducation et du partage des savoirs et des pouvoirs.


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