La croissance économique infinie, une nécessité absolue ! Vraiment ?

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Les politiques affirment que la poursuite de la croissance économique est non seulement compatible avec la préservation du climat, de l’environnement et de la biodiversité, mais qu’elle est obligatoire pour régler les problèmes de la pauvreté, des inégalités, de l’emploi, des budgets publics et de la qualité de vie ! Sur quoi se basent-ils pour faire de telles affirmations ? Des théories, des lois, des modèles, des règles, des prédictions et des indicateurs économiques. Mais ces affirmations sont-elles supportées par les faits ?

Pour démêler le vrai du faux et surtout pour évaluer la pertinence de poursuivre dans cette voie, nous faisons appel à Timothée Parrique, chercheur en économie écologique qui a publié l’ouvrage Ralentir ou Périr, l’économie de la décroissance. C’est pourquoi nous rapportons ici l’essentiel de ses analyses critiques de ces questions économiques ainsi que le chemin de transition qu’il propose vers une économie de la post-croissance.

L’économie, une question de vie ou de mort.      

L’effondrement environnemental auquel nous sommes désormais confrontés impose chaque jour son lot de désastres et rares sont ceux qui contestent aujourd’hui l’écrasante responsabilité de notre espèce. Bienvenue dans l’Anthropocène, cette période, coïncidant avec le début de la révolution industrielle, où les activités humaines ont de fortes répercussions sur les écosystèmes de la planète et les transforment à tous les niveaux.

Ce serait donc l’humanité dans son ensemble à qui reviendrait la responsabilité de l’apocalypse. Toute l’humanité, vraiment ? En 2021, les 10 % des ménages les plus riches au monde possèdent 76 % du patrimoine global et captent plus de la moitié de tous les revenus, soit 38 fois plus de richesse et 6 fois plus de revenus que la moitié la plus pauvre de l’humanité. Pire : les 1 % les plus riches (seulement 51 millions de personnes) ont capté 38 % de toute la richesse créée depuis 1995, alors que la moitié la plus pauvre de l’humanité n’en a reçu que 2 %. Qui dit droit à la fortune  dit droit à polluer. Les 10 % des plus riches à l’échelle planétaire sont responsables de la moitié des émissions totales de gaz à effet de serre. La symétrie entre richesse et émissions est presque parfaite. Cette “ élite de la pollution ” pollue 4 fois plus que la moitié la plus pauvre de l’humanité. L’injustice de cet “ apartheid planétaire ” est double : les riches polluent et les pauvres subissent. Ce sont les populations les plus vulnérables, à commencer par celles des pays les plus pauvres, qui boivent l’eau polluée, respirent des fumées toxiques, vivent près des décharges, souffrent des inondations et des canicules, etc. La notion d’Anthropocène masque de profondes inégalités : même si nous sommes tous de la même espèce, nous ne sommes égaux ni en termes de responsabilité, ni en dangers encourus face aux catastrophes écologiques d’aujourd’hui et de demain.

L’effondrement écologique et le dérèglement climatique n’a rien à voir avec une supposée “ nature humaine ”, elle est plutôt le symptôme d’une organisation sociale spécifique, étroitement liée à une certaine vision politique du monde. Pour Timothée Parrique, il est clair que la cause première du déraillement écologique n’est pas l’humanité mais bien le capitalisme, l’hégémonie de l’économique sur tout le reste et la poursuite effrénée de la croissance. Oublions donc l’Anthropocène et préférons-lui les termes de Capitalocène, d’Éconocène et de PIBocène. L’économie est devenue une arme de destruction massive. L’économiste Serge Latouche reprend les termes du politologue, philosophe et journaliste Hannah Arendt et parle de “ banalité économique du mal ” : un système qui orchestre le massacre du vivant, tout en diluant les culpabilités de ceux qui en sont responsables. Chacun s’attelle diligemment à sa tâche justifiant son action en se disant que s’il décidait de ne pas le faire, d’autres le feraient à sa place. Combien d’employés de banque se pressent à inventer des produits financiers toxiques ? Combien de cadres licencient pour motif économique ? Combien de publicitaires promeuvent des produits nocifs et futiles ? Combien de lobbyistes mentent pour protéger les intérêts des énergies fossiles ? Il faut bien que je paie mes factures, répondrons ceux à qui l’on reproche de détruire le monde et si je ne le fais pas, quelqu’un d’autre le fera à ma place. Il faut rembourser un prêt, payer une facture, satisfaire les actionnaires, faire du chiffre ; nous sommes otages d’un système qui prédétermine en partie des comportements qui seraient autrement jugés immoraux.

Qu’on le veuille ou non, l’économie s’impose à nous à travers certaines règles qu’il est convenu de respecter : un prix, un contrat de travail, un prêt immobilier, des règles comptables. Le problème n’est pas l’existence de l’économie en soi (toute société a toujours organisé d’une manière ou d’une autre ses activités productives), mais bien les règles que nous lui donnons aujourd’hui ainsi que l’objectif central qui l’anime : la croissance. Que ce soit celle du revenu des individus, du profit des entreprises ou du PIB d’un pays, il semblerait qu’en économie, “ plus ” soit toujours synonyme de “ mieux ”. C’est oublié la mise en garde de Charles de Montesquieu à l’effet que “ le mieux est souvent l’ennemi du bien ”.

Qu’est-ce que la croissance ? Le mot est omniprésent mais jamais vraiment expliqué et encore moins déconstruit. Rares sont ceux qui savent non seulement ce qu’est la croissance et comment on la mesure, mais aussi les liens complexes qu’elle entretient avec la nature, l’emploi, l’innovation, la pauvreté et les inégalités, la dette publique, la cohésion sociale et le bien-être. Née d’une notion comptable dans les années 1930 (le Produit National Brut), elle est devenue un mythe aux mille connotations. Progrès, prospérité, développement, protection, innovation, pouvoir, bonheur – la croissance n’est plus seulement un indicateur, c’est un vase symbolique rempli de projections collectives et individuelles. Croissance verte, croissance circulaire, croissance inclusive, croissance bleue ; cinquante nuances de croissance mais croissance toujours. L’emprise de cette matrice croissantiste sur notre imaginaire collective est telle qu’au lieu de considérer les conséquences de notre modèle économique sur la planète, nous nous inquiétons des impacts du réchauffement climatique sur le PIB. C’est le monde à l’envers.

La croissance avait autrefois une fonction claire : relancer l’économie américaine après la Grande Dépression, produire les équipements nécessaires à la guerre, sortir de la famine, éradiquer la pauvreté, assurer le plein-emploi, ou reconstruire l’Europe. Sa mesure permettait d’évaluer la progression vers ces différentes finalités. Au fil des décennies, l’indicateur est devenu l’objectif : la croissance pour la croissance, sans plus aucun but sous-jacent. Mais produire pour produire est un objectif sans substance. Nous habitants des pays sur qui le reste du monde lève des yeux envieux, continuons de sacrifier notre temps et nos ressources pour produire et consommer davantage alors que nous n’avons plus rien à gagner – et beaucoup à perdre – à s’obstiner à faire croître notre PIB. La terre est en surchauffe, les sociétés en burn-out et le PIB devient une sorte de “ compte à rebours de fin du monde ”. Un compte à rebours redoutable car exponentiel : plus l’économie est grosse plus vite elle grossit vite. Un taux de croissance de 2 % par an fait doubler la taille de l’économie tous les 35 ans. Nous sommes à bord d’un autobus fonçant à pleine vitesse et de plus en plus vite vers une falaise et nous acclamons chaque kilomètre-heure en plus comme du progrès. C’est insensé. Maximiser la croissance, c’est mettre le pied sur l’accélérateur avec la certitude à terme de périr dans un effondrement social et écologique.

On peut parler d’atterrissage, de régime, de décroissance, de désescalade, de descente, d’harmonisation, ou de n’importe quelle autre analogie. Le défi qui se tient devant nous est celui du moins, du plus léger, du plus petit, du plus lent. C’est le défi de la sobriété, de la frugalité, de la modération et de la suffisance. Mais il s’agit bien d’un atterrissage, non d’un crash ; d’un régime et non d’une amputation ; d’un ralentissement, pas d’un arrêt. Nous savons qu’il faut ralentir et qu’il va maintenant falloir imaginer comment planifier intelligemment cette transition pour qu’elle se fasse de façon démocratique, dans le souci de la justice sociale et du bien-être. Timothée Parrique défend l’argument que la croissance n’est pas une fatalité mais un choix. Si la croissance n’est pas causée par la “ nature humaine ” mais plutôt par “ certaines institutions socialement construites ”, il est alors possible d’imaginer une économie qui puisse fonctionner sans forcément produire et consommer plus. C’est d’ailleurs le défi de son livre : imaginer la “ décroissance ” comme transition vers une économie de la “ post-croissance ”. On retrouve ici la double définition qui nous guidera tout au long de son livre : la “ décroissance ” comme une “ réduction ” de la production et de la consommation pour alléger l’empreinte écologique planifiée démocratiquement dans un esprit de justice sociale et dans le souci du bien-être. Mais la décroissance jusqu’où ? Vers la “ post-croissance ”, une économie stationnaire en harmonie avec la nature où les décisions sont prises ensemble et où les richesses sont équitablement partagées afin de pouvoir prospérer sans croissance. C’est un triple défi qui nous attend : comprendre en quoi le modèle économique de la croissance est une impasse (le rejet), dessiner les contours d’une économie de la post-croissance (le projet) et concevoir la décroissance comme transition pour y parvenir (le trajet). L’ouvrage de Timothée Parrique défend une idée simple mais radicale : la croissance est devenue un problème existentiel. Notre survie dépend désormais de notre capacité, ou non, à changer de moule économique.

PIB : phénomène et idéologie.

Les économistes l’encensent, les politiques l’adulent : la croissance économique est notre mantra, la quête perpétuelle de nos politiques économiques, comme l’annonce ouvertement le site du ministère français de l’Économie, des Finances et de la relance. Véritable baromètre de nos sociétés modernes, le produit intérieur brut (PIB) fait la pluie et le beau temps.  Mais qu’est-ce que la croissance ? Une hausse du PIB, répondront certains. Mais encore ? Définir la croissance comme une hausse du PIB revient à décrire la chaleur comme une hausse de la température. C’est une description sans explication. Si la croissance est devenue le moteur principal de l’insoutenabilité sociale et économique, la comprendre et la démystifier est notre seul moyen d’y échapper.

L’économie anthropologique.

Pour pouvoir parler de croissance économique, encore faut-il définir – ou plutôt redéfinir – ce qu’est l’économie et à quoi elle sert. La “sphère de l’échange marchand ” ne capture qu’une infime partie de nos vies. Ce qui se passe à l’intérieur des magasins, des usines, ou des administrations publiques – ce que l’on sait quantifier, l’économie mesurée par le PIB – n’est que la partie émergée d’une structure beaucoup plus importante. Notre façon d’appréhender et d’étudier l’économie est le résultat d’une séquence de choix d’exclusion. La comptabilité nationale consiste à faire l’inventaire de certaines activités ; on y inclut les productions dites “ économiques ” (principalement les activités marchandes) et on exclut toutes les autres (les services écosystémiques, l’entraide, le bénévolat, etc.). Mais cette division n’est qu’une convention méthodologique. Ce n’est pas parce que quelques statisticiens décident qu’il est trop difficile d’intégrer la pollinisation et la réciprocité dans les comptes nationaux que celles-ci n’ont aucune valeur.

Pour commencer, élargissons la définition de l’économie à “ l’organisation sociale de la satisfaction des besoins ”. La chasse, la pêche, la cueillette, l’industrie, l’artisanat, les cryptomonnaies, les brocantes et les hôpitaux publics, toute communauté humaine se dote d’une économie dès lors qu’elle s’organise collectivement à l’aide de règles et de procédures pour subvenir à ses besoins. C’est un point de départ fondamental : l’économie est avant tout une forme d’entraide, c’est faire ensemble ce que nous n’aurions pu accomplir seuls. Cette économie que Timothée Parrique qualifie “ d’anthropologique ” ne se mesure pas en euros ou en dollars, mais en kilogrammes de matériaux utilisés, en joules d’énergie mobilisée et en heures de travail. Avant même de parler d’argent, qui n’est qu’une forme intermédiaire de la valeur, l’économie est une histoire de temps, d’effort (donc d’énergie et de matière). Nous avons ici les trois principales sources de la valeur, les flux primaires sans lesquels toute économie (quel que soit son système d’organisation) ne pourrait exister.

Divisons maintenant toutes les activités économiques en cinq grandes familles : l’extraction, la production, l’allocation, la consommation et l’élimination. Timothée Parrique entend par “ extraction ” la mobilisation d’une ressource naturelle – la coupe d’un arbre dans la forêt. La “ production ” vient transformer cette ressource pour donner naissance à un produit – le bois est utilisé pour fabriquer une chaise. “ L’allocation ” transfère ce bien soit par le don (la chaise est donnée à un ami), la réciprocité (la chaise est prêtée à un voisin), la répartition (la chaise est donnée à une instance collective qui ensuite l’attribue à quelqu’un), ou la vente (la chaise est échangée contre de l’argent). La “ consommation ” est l’acte d’usage, qui peut-être individuel (celui qui possède la chaise s’assoit dessus) ou collective (s’assoir sur un banc public) – c’est le stade de la satisfaction du besoin. Une fois que la chaise perd son utilité, on la qualifiera de déchet et on s’en débarrassera (l’élimination). Ces 5 activités fondamentales constituent le périmètre de l’économie anthropologique. Leur raison d’être gravité autour d’un objectif concret : subvenir à des besoins, dans le sens le plus large du terme, c’est-à-dire tout ce qu’une communauté pourrait vouloir, qu’importe qu’ils soient essentiels ou superficiels. Timothée Parrique précise un deuxième point que l’on oublie souvent : l’économie est un moyen et non une fin. La finalité ultime d’une économie, si tant est qu’il y en ait une, devrait normalement être de faire progresser les “ capabilités ” d’épanouissement, d’améliorer la qualité de vie, l’existence. Une économie est censée “ mieux ” gérer des ressources finies, mais cet objectif “ d’efficience économique ” (la gestion parcimonieuse des ressources limitées) n’est qu’un moyen pour atteindre la finalité de la “ suffisance économique ”, c’est-à-dire avoir assez de toutes ces choses dont on a besoin ou que l’on désire.

La définition se précise : l’économie serait donc “ l’organisation collective du contentement ” ou du moins des conditions matérielles de celui-ci. Une économie qui ne satisfait pas les besoins de ses participants est inutile, car à quoi bon s’organiser collectivement pour extraire, produire, allouer, consommer et éliminer si cela ne permet pas de mieux vivre ? C’est un point de départ radical, car il nous mènera à admettre que la poursuite d’une croissance économique infinie est un objectif absurde. Dans sa matrice des besoins fondamentaux l’économiste Manfred Max-Neef répertorie neuf types de besoin : subsistance, protection, affection, compréhension, participation, loisir, création, identité et liberté. Selon l’approche des “ capabilités ” de l’économiste Amartya Sen, prix Nobel d’économie, la pauvreté n’est pas le manque d’argent mais l’incapacité à satisfaire un besoin. Le bien-être découle de ce que les gens sont capables de faire avec les moyens dont ils disposent. La pauvreté est donc plurielle : se retrouver sans abris est une pauvreté de subsistance, sans accès au travail une pauvreté de participation, sans compétences une pauvreté de création, sans temps libre une pauvreté d’oisiveté, etc. C’est aussi le cas de la richesse. On peut être riche d’affection en étant proche de ceux qu’on aime, riche en participation dans un milieu associatif stimulant, riche d’identité linguistique, religieuse ou coutumière, riche de protection grâce à une sécurité sociale étendue, etc. La qualité de vie dépend de l’adéquation entre les moyens dont on dispose et les besoins que l’on a. L’argent, par exemple, n’est qu’un moyen parmi beaucoup d’autres et c’est avant tout ce qu’il permet d’acheter qui va déterminer sa capacité à satisfaire ses besoins. C’est là un point essentiel : ce qui compte, au final, ce n’est pas le “ pouvoir d’achat ” mais plutôt le “ pouvoir de vivre ”.  

Pendant longtemps, la plupart des économistes ont défendu l’idée que les besoins humains étaient illimités, justifiant alors le fantasme d’une croissance perpétuelle. Mais posez-vous la question : lequel de vos besoins est-il vraiment infini ? Les besoins qui demandent des satisfactions matérielles parviennent rapidement à satiété. Assez de nourriture pour un régime équilibré et diversifié, assez d’espace et de confort pour un logement décent, assez de vêtements pour s’habiller, assez de trottoirs pour se déplacer à pied, etc. La plupart des besoins non matériels suivent la même logique : assez d’amis pour se sentir socialement épanoui, assez de liberté pour entreprendre des projets, assez de temps libre pour pouvoir faire ce que l’on a envie de faire, un accès suffisant à l’enseignement et à la culture, etc. Timothée Parrique affine sa définition anthropologique de l’économie en la présentant comme “ l’organisation sociale de la satiété des besoins ”.

L’économie apparaît ici comme un système d’approvisionnement qui permet, à travers l’extraction, la production, l’allocation, la consommation et l’élimination, de contenter des besoins. Le cycle se déroule sur trois horizons temporels différents. Il y a le bien-être présent, la résilience de ce bien-être face aux chocs et la soutenabilité de ce système d’approvisionnement sur le long terme. Une économie qui satisfait les besoins aujourd’hui aux dépends des besoins futurs est une économie vouée à s’effondre (elle est insoutenable) ; même chose avec une économie qui s’effondre à la moindre crise (elle est fragile), ou pire encore dans le cas d’une économie qui ne parvient même pas à satisfaire les besoins présents de ses participants (elle est inutile).  L’économie ainsi définie est universelle dans le sens où elle contient la diversité de tous les systèmes ayant jamais existé. La chaise produite peut-être faite de divers matériaux ; construite chez soi, dans une société privée, ou dans une entreprise publique ; elle peut-être donnée, prêtée, échangée ou répartie (les quatre modes d’allocation : le don, la réciprocité, l’échange et la répartition) ; elle peut-être consommée individuellement, collectivement, de toutes les manières et pour toutes les raisons possibles et imaginables ; puis réparée, recyclée, jetée ou détruite. Les différentes formes de capitalisme, du modèle libéral de marché au modèle social-démocratie en passant par le capitalisme asiatique, les différentes formes de communisme, de la bureaucratie des soviets à la décentralisation cubaine, ainsi que les économies féodales et tribales et tous les chasseurs-cueilleurs avant eux : toutes les communautés ont extrait, produit, alloué, consommé et jeté d’une façon ou d’une autre pour essayer de subvenir à leurs besoins.

Histoire du PIB.

Mais cette économie anthropologique n’est pas l’économie dont on entend parler dans les médias. Comment la quasi-totalité de l’iceberg économique s’est-elle donc retrouvée plongée sous l’eau ? Il y a environ un siècle, la révolution de la comptabilité nationale a donné naissance à ce qui est devenu aujourd’hui la matrice de la vie économique : le PIB. En 1932, le gouvernement américain charge Simon Kuznets, un économiste russo-américain, d’élaborer une comptabilité nationale, une sorte d’inventaire des activités économiques. Kuznets a alors une idée brillante : agréger toutes les productions d’une économie en un seul chiffre, le produit nationale brut (PNB) ancêtre du produit intérieur brut (PIB). Dit autrement, Kuznets invente une sorte de tensiomètre pour prendre le pouls de l’économie dans son ensemble. Utile, car il permet d’évaluer l’efficacité des interventions publiques face à une crise, comme celle de la Grande Dépression des années 1930. Ça monte, c’est bien, vous avez réussi à réanimer l’économie. Si ça ne bouge pas, aucun effet, il faut continuer la réanimation et essayer autre chose. Si ça continue de chuter, c’est pire. Une fois la crise de 1929 terminée, le gouvernement américain a continué d’utiliser cet instrument de mesure qui se révélera essentiel pour organiser la hausse spectaculaire de la production d’armement pendant la Seconde Guerre mondiale. En 1953, les Nations unies publient les premières normes internationales de comptabilité, suivant la méthodologie de Kuznets, faisant du PIB un indicateur mondial. Dans les années 1990, le produit national brut (PNB) devient produit intérieur brut (PIB), ne mesurant plus les activités économiques sur la base de leur nationalité mais à partir de leur localité, par exemple, seulement les unités de production implantées en France, françaises ou non, participant au PIB français. Ces conventions statistiques sont restées essentiellement les mêmes jusqu’à aujourd’hui, malgré cinq révisions. Le document officiel qui explique comment calculer le PIB le définit comme “ la somme des valeurs ajoutées brutes de toutes les unités institutionnelles résidentes qui exercent des activités de production ”.  La valeur ajoutée est définie comme “ la valeur créée par la production ” ou plus précisément “ la contribution du travail et du capital au processus de production ”. La croissance du PIB est donc l’augmentation de la somme des valeurs ajoutées produites par une économie.

Impossible d’estimer cette valeur ajoutée sans définir le domaine de la “ production économique ”. C’est dans ce choix d’inclure ou d’exclure certaines activités dans le périmètre de mesure que se joue la “ vision ” même que nous avons de l’économie aujourd’hui. Voici la définition que donne le système de comptabilité nationale des “ activités admises ” dans le périmètre économique : “ une activité exercée sous le contrôle et la responsabilité d’une unité institutionnelle, qui met en œuvre des entrées (travail, capital, biens et services) dans le but de produire des sorties (biens ou services) ”. Cela inclut les activités commercialisables et monétisées, agrémentées de certaines activités non marchandes dont des valeurs monétaires peuvent être facilement estimées.

Le PIB est donc le résultat d’une gigantesque addition, comme si une énorme calculatrice venait faire la somme de toutes les valeurs ajoutées des productions considérées comme économiques. Cette addition peut se faire de trois manières différentes. On peut faire soit la somme des valeurs ajoutées (le prix de vente moins les coûts de production) ; soit la somme des dépenses finales (le prix d’achat d’un produit destiné à la consommation) ; soit celle de tous les revenus (rémunération des salariés et excédents d’exploitation). Ces trois agrégats étant par convention des égalités comptables (la consommation et les dépenses des uns sont forcément la production et les revenus des autres), les différentes méthodes de calcul mènent au même chiffre : le PIB.  On parle de produit intérieur “Brut ” et pas de produit intérieur “ Net ”, car il ne prend pas en compte la “ dépréciation du capital ”, autrement dit la perte de valeur de certains facteurs de production comme l’usure des routes, du réseau électrique et des bâtiments. Si l’on inclut seulement dans le capital les machines et les infrastructures, la différence entre le PIB et le PIN est négligeable.En revanche, si l’on élargit le concept de capital à la nature (dépréciation du capital naturel) et même à la santé et au bien-être des travailleurs (dépréciation du travail), la croissance du PIB peut se retrouver annulée par la dépréciation des écosystèmes et des individus qu’elle a causée.

L’idée de Kuznets a beau être géniale, on aurait tort de penser que la force du PIB provient de sa simplicité conceptuelle et de la facilité de son calcul. La plupart des économistes ignorent comment ce chiffre est calculé, une tâche que seule une poignée de statisticiens spécialisés maîtrisent. L’interpréter se révèle non moins périlleux tant sa construction mobilise d’hypothèses. Se réjouir d’une hausse du PIB sans connaître la façon dont il est calculé revient à se réjouir de voir son réfrigérateur se remplir sans savoir de quoi.

Les frontières du PIB.

Observant l’engouement inconsidéré des gouvernements pour l’utilisation du PIB dans les politiques publiques, Simon Kuznets, son créateur, sonne l’alerte. Dès 1934, il déclare au Congrès américain que “ le bien-être d’une nation peut difficilement être déduit d’une mesure du revenu national. Si le revenu national est en hausse, pourquoi est-ce que le pays va mal ? Il faut garder à l’esprit les distinctions entre la quantité et la qualité de la croissance, entre les coûts et les bénéfices et entre le court et le long terme. L’objectif d’augmenter la croissance devrait spécifier la nature et la finalité de cette croissance ”.

L’indicateur a en effet plusieurs limites. Le PIB n’est qu’une estimation sélective et approximative de la production et uniquement selon une certaine conception de la valeur. Pour estimer la production dans son ensemble, le PIB additionne les biens et les services à partir de la valeur monétaire qu’ils ont sur le marché. Cette méthode n’est pas parfaite. Pour commencer les productions sans équivalent monétaire n’y sont pas comptabilisées ou seulement partiellement. Le PIB mesure les valeurs d’échange mais pas les valeurs d’usage. Le choix de Kuznets d’estimer les produits par leur prix nous force à exclure toutes choses qui n’en ont pas. Ainsi aux yeux du PIB, tout ce qui ne donne pas lieu à une transaction monétaire n’a pas de valeur. Prendre soin de ses enfants, cuisiner pour ses proches, organiser une réunion du comité de quartier, toutes ces activités pourtant créatrices de valeur pour la société ne sont pas comptées par le PIB.Toute l’activité bénévole, sans laquelle la société serait paralysée, est exclue du PIB. C’est ainsi que le démarchage commerciale de produits inutiles rapporte des points de PIB, alors que s’occuper d’un enfant malade ou recueillir des animaux abandonnés n’en rapporte aucun. 

La valeur de la production de la sphère publique, si elle est mesurée depuis les années 1970, est forcément sous-estimée. La valeur ajoutée publique ne se mesure que par les salaires, alors que la valeur ajoutée privée se mesure par les salaires et les profits. À cause de ce biais, le même service contribue davantage au PIB s’il est produit par une entreprise privée que s’il est produit par une entité publique et cela non seulement, car les salaires du privé sont souvent plus élevés, mais aussi car le secteur privé doit rémunérer un facteur de production supplémentaire, via les profits aux actionnaires.

Autre reproche : cette approche par l’addition ne fait pas la différence entre le désirable et le néfaste. Le travail bénévole d’activistes qui se démènent pour protéger une forêt n’a aucune valeur comptable, alors que les emplois salariés de ceux qui viendront la raser constituent une création de valeur au sens de la comptabilité nationale. Un système éducatif privé et plus coûteux comme celui des États-Unis représentera une contribution plus importante au PIB qu’un système public comparativement moins coûteux mais plus performant comme celui de la Finlande. Le PIB est un indicateur quantitatif qui nous renseigne sur le volume des flux monétaires. Mais vu qu’il ne nous dit rien sur la nature positive ou négative des biens et services produits, sa croissance n’est donc pas forcément une bonne nouvelle.    

Même pour un secteur ou un produit spécifique, les valeurs de marché reflètent mal l’évolution de leur qualité. Si le prix réel (c’est-à-dire corrigé de l’inflation) d’un ordinateur se révèle le même dans les années 1990 que dans les années 2010, alors il sera comptabilisé exactement de la même manière dans le PIB, même si le modèle le plus récent est nettement plus performant que l’ancien. Ce qui peut sembler être une subtilité devient problématique lorsqu’il s’agit de mesurer des secteurs entiers dont la performance est fondamentalement qualitative, comme la santé ou l’éducation.

Enfin, voici peut-être la lacune la plus dommageable : le PIB fait abstraction de la nature. Son protocole de calcul le spécifie noir sur blanc : “ un processus purement naturel, sans intervention ni contrôle humains ne constitue pas une production au sens économique ”. L’arbre n’a de valeur que lorsqu’il est coupé et vendu, mais sa propre production par la biosphère et les services qu’il rend durant sa vie (fabrication de l’oxygène, capture du carbone, rafraîchissement de l’air, stabilisation des sols, protection de la biodiversité, etc.) ne comptent pas. Et si la nature ne compte pas, sa destruction ne laisse aucune trace sur les tableaux de la comptabilité nationale. Les feux de forêt feront même augmenter in fine le PIB par les dépenses qu’ils engendrent pour les éteindre. Le dernier rapport du GIEC, lorsqu’il définit le PIB, indique que celui-ci est établi “ sans déduire l’épuisement et la dégradation des ressources naturelles ”. Selon cette logique et au grand effroi des écologistes, exterminer les derniers membres d’une espèce menacée pour les vendre et les manger dans un restaurant viendrait augmenter la “ valeur ajoutée ” au sein de l’économie.

L’économiste Éloi Laurent résume bien la situation : “ la croissance comptabilise fidèlement une part de plus en plus insignifiante des activités humaines : les biens et les services mais pas leur répartition ; les transactions marchandes mais pas les liens sociaux ; les valeurs monétaires mais pas les volumes naturels ; le PIB est borgne quant au bien-être économique, aveugle au bien-être humain, sourd à la souffrance sociale et muet sur l’état de la planète ”. Régulièrement, des colloques sont organisés et des rapports sont écrits pour dépasser cet indicateur, mais jusqu’ici sans aucun effet notable : le PIB continue de régner en maître sur la gouvernance politique des nations.

Toutefois, j’ajoute ici, comme le mentionne le collectif G15+, auteur des indicateurs du bien-être au Québec, que “ depuis quelques années, plusieurs nations comme l’Écosse, l’Islande, la Finlande, le Pays de Galles ou la Nouvelle-Zélande ont décidé de remettre en question la vision étroite du PIB au profit d’une vision plus large du bien-être ”. Le G15+ a retenu une cinquantaine d’indicateurs économiques, sociaux et environnementaux pour mesurer le bien-être de la population québécoise et placer la qualité de la vie au cœur des décisions collectives pour la réalisation d’un Québec solidaire, prospère et vert. Et, comme le G15 + le précise “ ce que nous choisissons de mesurer détermine la priorité consacrée aux enjeux sociétaux et  l’orientation des politiques publiques. En d’autres mots, la direction prise par toute une société ”.  Donc, au final le type de société souhaitée.

Taille et vitesse de la croissance économique.

On compare l’économie à un gâteau à partager et la croissance à une façon de le faire grossir afin d’en recevoir chacun une part plus importante. Mais le “ produit ” de la notion de PIB ne veut pas dire “ richesse accumulée ”. Le PIB ne mesure pas un stock de richesse (la somme totale sur un compte en banque) mais un “ flux de production de richesse ” sur une période donnée (l’argent qui s’y ajoute tous les ans). Vu qu’on ne peut pas différencier les flux monétaires qui enrichissent de ceux qui appauvrissent (l’une des limites du PIB), célébrer ou décrier les mouvements du PIB est fallacieux. 

Ce qu’on appelle la croissance est plus proche d’une intensification de “ l’agitation économique ” qu’une augmentation de la richesse totale. Pour mieux saisir cette idée d’agitation économique, Timothée Parrique fait l’analogie avec une boule de neige où chaque flocon est une transaction monétaire. Ce que le PIB mesure, c’est l’agitation des flocons dans la boule, sorte de mesurede “ l’effervescence de l’économie monétaire ”. Dès lors, on peut l’augmenter de deux manières différentes : en ajoutant des flocons dans la boule, ou en secouant la boule plus fortement. Cela nous donne deux types de croissance : une basée sur “ l’expansion ”du périmètre de l’économie marchande (l’ajout de flocons) et l’autre, sur “ l’intensification ” des types de transactions déjà existantes. 

Commençons par la croissance expansive. Par périmètre de l’économie, Timothée Parrique entend la proportion de “ l’économie monétaire ” par rapport au reste. Chaque fois que l’on transforme quelque chose qui se trouvait hors de la sphère monétaire en un produit qui peut-être vendu, le périmètre de l’économie s’élargit. Par exemple, la création d’Airbnb a élargit la taille de l’économie monétaire en transformant un service qui n’était jusqu’alors pas une marchandise. Une économie où tous les appartements seraient prêtés via CouchSurfing (une plateforme qui connecte des hôtes avec des personnes qui cherchent un hébergement gratuit de courte durée) aurait un PIB inférieur à une économie où ils sont tous loués via Airbnb, toutes choses égales par ailleurs. Dès que quelque chose donne lieu à une nouvelle transaction monétaire, cela ajoute des flocons dans la boule de neige. “ Production ” ne veut pas toujours dire “ fabrication ”.  Ici l’appartement est le même qu’il soit sur CouchSurfing ou Airbnb. Ce ne sont pas les ressources qui changent mais le protocole social qui les organise. 

Le deuxième type de croissance, l’intensification, c’est l’économie telle qu’elle existe qui tourne plus vite. Si au lieu de changer de téléphone tous les dix ans, des pratiques d’obsolescence (ou de marketing) organisée me forcent à en changer tous les deux ans, le volume de valeurs ajoutées/revenus/dépenses finales (les trois façons de mesure le PIB) augmente. Dans ce cas, c’est la production qui accélère, car il va falloir fabriquer cinq fois plus de téléphones et mobiliser toutes les ressources nécessaires pour cela.

Cette division conceptuelle entre expansion et intensification fonctionne aussi dans l’autre sens. La sphère de l’économie marchande peut “ rétrécir ” si des biens et des services jusque-là marchandisés sont désormais produits en dehors de la sphère du PIB.  De la même manière qu’une hausse du PIB ne représente pas toujours l’apparition d’une production supplémentaire (elle pouvait déjà exister dans la sphère non marchande), la baisse du PIB ne veut pas forcément dire que des activités disparaissent – on pourrait dire, qu’elles ne font que sortir du périmètre de l’économie comptable. Par exemple, quand des encyclopédies payantes ont laissé la place à Wikipédia et sous réserve que le reste de l’économie ne vienne pas compenser  cette baisse, le PIB a diminué (même si la diffusion de connaissance et donc de richesse au sens large, a manifestement augmenté).

La sphère de l’économie marchande peut également “ ralentir ”. Une pandémie survient et les ventes de masques augmentent, poussant leur contribution au PIB à la hausse. Une fois la crise sanitaire terminée, le volume de masques diminue et leur contribution au PIB aussi. Si l’on réduit massivement le temps de travail, ou si l’on interdit certaines activités comme la publicité pour les produits les plus polluants, on observera probablement un ralentissement économique du fait de la moindre agitation de ces secteurs.  

Pourquoi s’employer à décomposer la croissance en plusieurs phénomènes ? C’est un exercice nécessaire pour “ démystifier une croyance moderne ”, selon laquelle “ la croissance du PIB est toujours un progrès ”et la décroissance, forcément indésirable, croyance suggérant donc qu’il faudrait “ toujours chercher à relancer l’économie ” et jamais à la rétrécir et à la ralentir.  Lorsque l’on a affaire à des changements institutionnels complexes, la boussole du PIB obscurcit plus qu’elle n’éclaire. Nationaliser un système de santé et plafonner les prix de l’immobilier et de l’énergie fera baisser  le PIB, ce qui n’est pas forcément une mauvaise nouvelle, à partir du moment où les indicateurs de santé, de bien-être et de soutenabilité grandissent. La croissance et la décroissance du PIB ne nous disent pas grand-chose sur la “ performance véritable ” d’une économie. On peut célébrer certaines formes d’agitation quand elles viennent contenter des besoins (la production de masques pendant la pandémie). On peut en fustiger d’autres qui seraient inutiles (certains types de publicité, les SUV, les gadgets). Certains ralentissements de la production se subissent comme une amputation avec exclusion, chômage, austérité, pauvreté et d’autres ressemblent plus à des régimes : des situations où une communauté parvient à satisfaire ses besoins à moindre effort économique. Cette rythmique économique du plus ou du moins n’est pas une fatalité mais bien la conséquence de choix sociaux.

Les ingrédients de l’activité économique.

Toute activité qu’elle soit considérée comme économique au sens du PIB ou non, nécessite des ressources. Les économistes appellent “ facteurs de production ” toutes les choses qu’on utilise pour produire, comme l’énergie, les matériaux, les services écosystémiques, les outils, le travail et les institutions. Le terme “production ” est utilisé ici dans le sens le plus large possible : la mobilisation de ressources pour produire un bien ou un service qui permette de contenter un besoin. Ces facteurs peuvent prendre une forme marchande comptabilisée dans le PIB (les heures de travail des salariés rémunérés et l’électricité que l’on achète, par exemple ; ce sont les facteurs de production émergés) ou non (la nature, les connaissances et les institutions ; les facteurs de production immergés).

La nature et les outils.

Commençons par le facteur sans lequel rien ne pourrait être produit : la nature. Toute production mobilise de l’énergie et des matériaux, même les services les plus dématérialisés. Impossible de rendre l’énergie disponible sans construire des machines faites de matériaux et impossible de faire pousser de la nourriture sans eau et sans sols. À ces matières premières mobilisées directement (matériaux, minéraux, énergie, eau, terre, êtres vivants) doivent être ajoutées d’autres qui contribuent à la production indirectement. Des processus écosystémiques comme la pollinisation, la régulation du climat, la formation des sols, le cycle de l’eau, la biodiversité génétique, autrement dit des productions écologiques fournies par le vivant et les cycles naturels qui nous procurent des services sans lesquels il serait impossible, non seulement de prospérer, mais aussi tout simplement de vivre. On peut considérer l’économie comme un superorganisme métabolique qui ingère de l’énergie et des matériaux et qui rejette des déchets.

Les économistes parlent de “ capital manufacturé ” afin de décrire les outils, les machines et infrastructures utilisés pour produire un couteau à sushi, mais aussi un hangar, une route, ou une porte de prison. La plupart des économistes s’inquiètent peu de la raréfaction de certaines ressources naturelles ou de l’effondrement des écosystèmes car ils pensent que les facteurs de production écologiques peuvent être remplacés – les économistes disent “ substitués ” – par des facteurs de production humains comme les outils, le travail et la connaissance. Les limites de cette hypothèse sont évidentes : certaines ressources naturelles sont irremplaçables par des inventions humaines. Aucune machine ne peut remplacer le climat terrestre et la circulation des eaux océaniques. Le capital manufacturé étant nécessairement produit à partir de matériaux naturels, il ne peut jamais complètement se substituer à la nature. En économie écologique, les outils sont ainsi considérés comme une sous-catégorie des ressources naturelles – un marteau est simplement un réagencement de bois et de métal qui existaient déjà sous une autre forme – en tant que ressource naturelle – avant d’être mobilisés.

Le temps de travail.

Autre facteur de production indispensable : le travail dans le sens le plus général du terme. Toute production nécessite temps et efforts. La force de travail d’une économie dépend de la population active (exclusion des enfants, des retraités et des personnes en âge de travailler qui ne prennent pas part au marché du travail), de la productivité horaire du travail (qui dépend du “ capital humain ” c’est-à-dire les attributs de ceux qui travaillent : compétences, savoir-faire et tout attribut facilitant la production) et de l’organisation culturelle du travail, notamment le temps de travail. Comme le vivant et les autres ressources terrestres, le travail est utilisé soit directement (une heure de travail passée à fabriquer un marteau), soit indirectement (les heures passées à élaborer un tutoriel en ligne pour expliquer comment fabriquer un marteau).

Le travail n’est pas un facteur de production sans limite. Les journées n’ont que 24 heures dont seule une petite partie peut être mobilisée pour produire – c’est le temps de travail disponible. Si les abeilles disparaissent, nous pourrions certes polliniser à la main, mais il serait difficile de faire croître la production chaque année, car tôt ou tard, toutes les heures de travail disponible auraient été mobilisées.  La limite sociale du temps de travail disponible constitue, après la limite écologique des ressources naturelles, un deuxième mur infranchissable pour une économie qui chercherait à croître perpétuellement.

Les institutions.

Toute production s’insère dans une infrastructure sociale. Difficile de produire sans règles de propriété pour gérer l’allocation, sans monnaie et sans marché pour faciliter l’échange, sans protocoles de crédit pour financer les nouveaux projets, sans législation pour garantir les droits des participants, sans confiance en soi et dans les autres, ou sans langue commune pour communiquer. Au-delà d’une économie primaire de subsistance, la production demande des règles d’organisation, c’est-à-dire les institutions comme les lois et les coutumes.  

Tout comme la nature développe des écosystèmes, les sociétés développent des institutions et les deux nous fournissent des services sans lesquels la production serait impossible. À la manière des arbres d’une forêt, qui absorbent du carbone et participe à la régulation du climat (service écosystémique), les amis qui nous confortent après une journée de travail difficile rendent un “ service sociosystémique ”, car ils absorbent du mal-être et participent à la régulation des émotions. Dans les deux cas, ces services sont des propriétés émergentes – de la nature ou des interactions sociales – qui affectent, directement ou indirectement, notre capacité à produire.  

Progrès technique et progrès économique.

Si l’on veut produire plus de marteau, on peut soit mobiliser plus de ressources, soit améliorer le processus de production afin qu’il soit plus efficient. C’est le progrès technique. En économie, on le définit souvent comme une “ hausse de la productivité globale des facteurs ” c’est-à-dire produire davantage avec la même quantité de facteurs, ou alternativement produire autant avec moins de ressources. 

Premier point : qui dit productivité dit production, et donc, pour les économistes, PIB. La “ production d’usage ” en termes de contentement se retrouve trop souvent réduite à une “ productivité monétaire ”, c’est-à-dire un rapport entre la production estimée par son prix de vente et ses coûts de fabrication en prix d’achat, eux aussi monétaires. Dans un monde où les prix n’intègrent pas (ou mal) les valeurs sociales et écologiques, une augmentation de la “ productivité monétaire ” n’est pas forcément le signe d’une hausse de la “ productivité d’usage ”.

Deuxième point.  Dans une conception de la production où l’on ne prend en compte que les facteurs l’on achète (prix des matériaux, de l’énergie, des outils mobilisés et coût du travail), le progrès technique apparaît comme par magie, sorte de transmutation alchimique qui ne prend pas en compte l’utilisation des ressources non-monétaires. Or si l’on élargit la fonction de production pour inclure les productions sociales et écologiques, on se rend compte que ce progrès n’a rien de magique. Le progrès technique n’est qu’illusoire si l’augmentation de la productivité d’un facteur (marchand) se fait au détriment de la productivité d’un autre facteur (non-marchand). L’introduction des engrais, pesticides et herbicides, a augmenté temporairement le rendement du travail agricole, mais ce au prix d’une perte de biodiversité, de fertilité des sols et d’une mise à risque de la santé des travailleurs. Le surplus de production monétaire s’est accompagné d’un déclin de la production écologique et sociale. Ce qui apparaît comme un progrès technique dans une fonction de production comptable se révèle en réalité la substitution d’un facteur par un autre dans une fonction de production écologique. Si l’on tient compte de tous les facteurs, on note au final une perte de productivité et un recul technique.

C’est un point important : la production marchande telle que la mesure le PIB comptabilise seulement une partie des facteurs de production, ceux qui ont un prix. La productivité globale des facteurs n’est comptabilisée que si elle permet d’augmenter la “ valeur commerciale ” de la production. Le problème, c’est que le progrès technique des économistes mesure des valeurs d’échange et non des valeurs d’usage.  Imaginons qu’un ingénieur parvienne à inventer un nouveau procédé de production permettant de fabriquer une perceuse avec moitié moins de matériaux, de machines et de travail. La production pourrait donc doubler. (PIB en hausse) sans mobiliser de nouveaux facteurs de production : la productivité des facteurs aurait augmenté, il y aurait eu un progrès technique. Imaginons maintenant que quelqu’un invente un réseau de réciprocité permettant de partager des objets entre voisins. Au lieu d’avoir une perceuse par ménage, il deviendrait possible d’en avoir une partagée entre trois ménages. Le besoin (percer des trous) serait mieux satisfait avec moins de perceuse (PIB en baisse).

Nous confondons deux types de progrès. Il y a d’un côté un “ progrès anthropologique ” qui permet de mieux satisfaire des besoins avec moins de ressources, qui s’apparente à un “ progrès économique ”, dans le sens de l’objectif originel de l’économie : contenter de la manière la plus parcimonieuse possible, la parcimonie prenant ici la forme d’une baisse des volumes de production. L’autre type de progrès (le progrès technique des économistes) ne prend en compte que les valeurs monétaires, donnant alors l’illusion comptable d’un enrichissement, alors que souvent, cette meilleure productivité ne reflète que la transformation d’une richesse sociale et/ou écologique en “ richesse financière ”. 

Les moteurs de la croissance.

Pas de magie en économie. Tous les ingrédients pour produire existent avant de devenir productifs dans le sens anthropologique du terme, c’est-à-dire participer à la satisfaction d’un besoin : je fais pousser des tomates dans mon jardin et je les donne à mes proches (je subviens ainsi à un besoin sans que la valeur ajoutée de mon travail ne soit comptabilisée dans le PIB). Mais ces facteurs peuvent également être mobilisés dans un processus de production marchande : je fais pousser des tomates afin de les vendre. En fonction du système économique en place, la sphère marchande sera plus ou moins importante (prévalente dans une économie capitaliste où la plupart des facteurs de production sont marchandisés et moindre dans une économie tribale composée de communs démarchandisés).

Afin d’expliquer la croissance économique, il faut commencer par comprendre les mécanismes qui mènent à l’agitation marchande que Timothée Parrique dénomme les “ moteurs de la croissance ”. Pour simplifier, on peut identifier au moins trois grands acteurs et moteurs de la croissance, en fonction de l’échelle à laquelle ils incitent à l’accumulation : l’entreprise (productivisme), les ménages (consumérisme) et l’État (économisme).

Il y a d’abord la propension des entreprises à maximiser leurs bénéfices. Généralement, plus une entreprise vend, plus elle génère des bénéfices et plus elle peut réinvestir dans ses capacités de production pour augmenter à nouveau les ventes (première boucle de rétroaction positive). Cette sélection culturelle des plus profitables élimine les entreprises à faibles taux de profit et avantage celles qui parviennent à dégager plus de marge.

Le deuxième moteur agit à l’échelle des comportements de consommation. Dans une société où tout s’achète, il est normal de vouloir gagner plus. Pour se procurer de l’argent, il faut travailler contre un salaire, faire fructifier ses propriétés, ou s’engager dans toute autre activité susceptible de générer un revenu. Peu importe que les individus soient motivés par la recherche du plaisir, par une compétition positionnelle pour le prestige ou par le remboursement de prêts à la consommation. Peu importe aussi que ces comportements résultent d’une volonté spontanée ou qu’ils soient incités par la publicité et l’obsolescence programmée. Toutes ces raisons mènent au même résultat : davantage d’achats. Pour qu’une économie croisse, il faut des consommateurs qui achètent de plus en plus. Plus on achète, plus les entreprises font des bénéfices, plus les entreprises augmentent leurs capacités de production et peuvent inciter à la consommation (deuxième boucle de rétroaction positive).

Le troisième moteur de la croissance se joue à l’échelle de l’État, car les gouvernements sont en quête active de croissance économique. Les justifications sont nombreuses : éradiquer la pauvreté, faire baisser le chômage, réduire les inégalités, rembourser la dette ou maintenir le bien-être, ou bien simplement améliorer l’attractivité du pays. Cela pousse la puissance publique à faciliter la marchandisation de certaines sphères sociales, en espérant que la privatisation de cette infrastructure rentrera dans un cercle vertueux d’accumulation de points de PIB. Au contraire, tout ce qui peut ralentir l’agitation marchande doit être défait : il faut augmenter le pouvoir d’achat des consommateurs, réduire les charges des entreprises et favoriser l’investissement des entreprises. Plus la sphère marchande prend de l’importance dans la vie sociale, plus la satisfaction de nos besoins dépend du pouvoir d’achat et de la bonne santé des entreprises et plus le gouvernement se voit forcer d’accommoder son bon fonctionnement, ce qui facilite alors, l’extension de la sphère marchande (troisième boucle de rétroaction positive).

La croissance économique dans une économie de marché dépend de ces trois éléments : des consommateurs disposés à acheter toujours plus, des entreprises disposées à vendre toujours plus et un gouvernement qui soutient l’ensemble de ce processus. Chaque moteur à son indicateur de vitesse : les individus veulent maximiser leurs revenus, les entreprises leurs bénéfices et les gouvernements leur PIB. Bien que chaque processus ait ses propres mécanismes, ils forment ensemble une superboucle de rétroaction positive. Plus les entreprises sont productivistes, plus elles engageront des stratégies de marketing agressives, incitant à l’achat ; plus les consommateurs sont dépendants des entreprises pour satisfaire leurs besoins, plus les entreprises gagnent en pouvoir ; et plus les entreprises sont puissantes, plus elles peuvent faire pression sur les pouvoirs publics. En ce sens, la croissance est donc un élément structurel du capitalisme d’aujourd’hui, le résultat macroéconomique par défaut d’un système économique où chaque acteur s’efforce inlassablement de toujours gagner plus. 

L’idéologie de la croissance.

La croissance n’est pas seulement un phénomène réel, c’est aussi une obsession collective. En France, par exemple, les pouvoirs publics organisent des “ politiques de croissance ” et les élus votent des “ lois pour la croissance ”, comme celle du 6 août 2015 dont la première centaine d’articles porte l’intitulé “ libérer l’activité ”. L’utilisation du terme “ libérer ” dénote parfaitement cette obsession : il faut à tout prix déréguler, privatiser et tout faire pour réduire les frictions sociales et écologiques qui limitent la croissance. La loi britannique va plus loin encore : elle impose depuis 2015 un “ devoir de croissance ” selon lequel toute personne exerçant une fonction de régulation doit tenir compte du fait qu’il est souhaitable de promouvoir la croissance économique.

La croissance comme grand récit est un développement récent. Même après que le concept de revenu national s’est imposé dans les années 1940, la préoccupation principale restait la “ stabilité de l’économie ” et non sa croissance. Il a fallu attendre les années 1950 pour voir apparaître cette préoccupation nouvelle. L’objectif de croissance fut, à cette époque, activement promu par l’Organisation européenne de coopération économique, d’abord aux États-Unis, puis dans le reste du monde, souvent contre la volonté des politiques qui ne comprenaient pas bien l’intérêt de faire croître à jamais un indicateur abstrait qui ne mesurait pas le bien-être.

La nouveauté n’était pas le désir d’augmenter la richesse d’un pays (un objectif vieux comme le monde), mais la façon dont on venait la mesurer et l’accent mis sur la vitesse de son accumulation. Il fallait non seulement plus, mais de plus en plus vite. Et il fallait que ce surplus soit réinvesti pour devenir un surplus et ainsi de suite, créant dès lors une dynamique d’accumulation systématique. Dès lors, l’accumulation devenait une “ obligation ” et donc l’utilisation de chaque ressource se devait d’être optimale. C’est la logique du “” penser profit ” chère aux traders, mais appliquée à l’ensemble de l’économie. C’est là qu’est née l’idéologie de la croissance comme forme de monomanie monétaire, un “ économisme ”. L’économisme est cette vision du monde qui applique les cadres de l’analyse économique contemporaine – c’est-à-dire néoclassique, capitaliste et néolibérale – au réel. Une obsession pour l’économie, la primauté du monétaire sur tout le reste : chaque activité humaine devient alors soumise à un calcul coûts-bénéfices. Chaque problème, qu’il soit social, culturel, politique ou écologique, devient subordonnée à la volonté du marché. Lutter contre le réchauffement climatique est-il rentable ? L’économie en mode croissance-à-tout-prix impose alors une “ tyrannie de la valeur monétaire ”, le “ mépris de toute chose qui n’est pas l’argent ”. On pourrait dire que c’est l’économie qui devient religion ; le culte d’une entité abstraite, un monstre mythologique à qui on confère une réalité et un pouvoir. On ne pourrait pas augmenter les dépenses publiques, il paraît, car les marchés ne le permettraient pas ! C’est une dépolitisation de l’économie, dès lors naturalisée comme indépendante de la volonté de ses participants. L’économie est divine et elle veut croître. Nous faisons aujourd’hui face à une “ idolâtrie de la croissance ”. Un PIB en augmentation est considéré comme du bon sens, un état de fait naturel, inévitable, intemporel et universel – une véritable “ mystique de la croissance ” qui devient le grand récit de nos sociétés modernes, la définition même du progrès et le sens de l’histoire. Au cœur de cette obsession généralisée pour la croissance : la croyance qu’il n’y a jamais assez et que chaque richesse accumulée devrait être réinvestie dans un nouveau cycle de production. C’est un “ productivisme sans limite et sans destination ” – jusqu’à l’infini… et au-delà ! Les pays, les entreprises et les individus ne cherchent pas à atteindre des seuils de suffisance, mais bien à rester sur le chemin ascendant de cumul. Tout sens de la mesure, de la sobriété, de la suffisance et de la modération devient antimoderne, comme des coutumes archaïques dont il faudrait nous libérer. Plus, c’est toujours mieux.

Ces comportements capitalistes se trouvent depuis longtemps en concurrence avec d’autres façons de concevoir l’activité humaine. Ce qui rend notre société “ capitalocentrée ”, c’est l’hégémonie de ces comportements sur tous les autres. Comme le précise Denis Colombi : “ dans une économie capitaliste, il sera bien difficile de ne pas agir en Homo oeconomicus,de ne pas calculer, de ne pas rationaliser et de ne pas participer, d’une façon ou d’une autre, à la course au profit, tant les structures, infrastructures et institutions qui nous entourent sont faites pour cela. Difficile de faire preuve de simplicité volontaire dans une économie organisée autour de la croissance ”. Cette mentalité affecte également nos identités. Nous devenons nous-mêmes des facteurs de production, un capital humain qu’il faut alors utiliser de manière optimale pour maximiser la croissance de notre revenu. La philosophe Céline Marty résume bien cette intériorisation de la rationalité économique productiviste : “ Vous vous sentez pressé ce matin, coupable d’être resté quelques minutes de plus au lit ? Vous vous en voulez d’avoir dit non à l’afterwork avec vos collègues ? C’est que le monde du travail capitaliste nous fait “ intérioriser ses impératifs productivistes ” à son avantage ”. Votre obsession pour la croissance est telle qu’elle en vient à dissoudre le temps. Dans l’espace-temps du capitalisme moderne, on ne trouve pas des heures et des années, mais des euros ou des dollars. Dans cette société PIBisée, le présent est défini par un niveau de richesse, le passé comme sa réduction et le futur comme son augmentation. Le temps devient même littéralement de l’argent. Chaque heure passée à s’occuper de ses enfants, à jouer, à s’informer, à voter, etc. porte un coût d’opportunité économique : combien aurais-je gagné si j’avais travaillé au lieu de laisser paresser mes facteurs de production ? La mentalité économique s’immisce ainsi dans toute relation sociale et écologique, le monde devenant alors une usine géante, où toute chose devient un facteur de production essentiel.

La stagnation au contraire devient la peur ultime des sociétés modernes. On parle même de croissance molle et de stagnation séculaire pour se référer à des taux de croissance décevants. Une entreprise dont le chiffre d’affaires stagne sera considérée comme enlisée, coincée dans sa course au succès. Les pays au PIB stagnant deviennent des sortes d’intouchables alors que ceux qui croissent sont encensés comme des miracles économiques, l’équivalent macroéconomique de ces fameuses licornes dont on ne sait rien si ce n’est leur haute valorisation boursière. Bien sûr, si la stagnation est analysée comme un échec, on ne s’étonnera pas que la récession soit vécue comme une catastrophe. Avec un PIB en baisse pendant plusieurs mois, une économie rentre alors en dépression, un terme qui en dit long sur l’angoisse que nos sociétés ressentent vis-à-vis de l’absence de croissance. Réduire son chiffre d’affaires est synonyme de faillite, diminuer son revenu est synonyme de mauvaise gestion financière et un PIB en baisse est la hantise de tout gouvernement, perçu comme un feu de forêt économique venant brûler la richesse d’un pays.

La phobie du ralentissement nous montre bien que nous avons érigé la croissance du PIB, ce thermomètre rustique des années 1930, en un véritable modèle de civilisation. L’idéologie de la croissance exponentielle et perpétuelle est une anomalie sociohistorique. La croissance est l’exception et non la règle. L’expérience humaine, qu’elle soit biologique, psychologique, ou sociologique, est une expérience des limites et de la finitude. Dans le monde du vivant, la croissance est toujours temporaire, confrontée à de nombreux mécanismes d’auto-régulation. C’est une phase qui, une fois terminée, laisse place à d’autres dynamiques. En pleine crise écologique et devant l’impératif de réduction de notre consommation de ressources naturelles, ce “ mal de l’infini ” dont parlait le philosophe Durkheim est un fléau… qui loin d’améliorer notre sort commun risque plutôt de conduire à notre perte.   

Lire la suite : La croissance économique infinie… 2ième partie.

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