Franchir les étapes du couple, c’est d’abord traverser la période romantique, là où l’amour est aveugle, inconscient, pulsionnel ; là où le choix est inexistant, puisque ce sont deux inconsciences qui n’aspirent qu’à assouvir leur manque d’amour en guérissant les anciennes blessures d’enfance. Toujours trop brève étape romantique qui coïncide avec la production d’hormones et de substances chimiques qui nous font percevoir la vie en rose, augmentent le niveau d’énergie ainsi que le sentiment de bien-être et de sécurité. L’état amoureux nous drogue, mais le cerveau s’accoutume à cette drogue d’amour et exige une dose encore plus forte pour jouir de la même euphorie. L’autre ne réussit plus cependant à faire circuler à plus haute dose les dopamines, norépinéphrines et endorphines du bonheur. L’étape aveugle de l’amour meurt pour que naisse une phase plus lucide qui risque aussi d’être moins euphorique. Le cerveau traversera cette période de sevrage et, de rose, la vie se transformera en noir et blanc à l’étape de la lutte de pouvoir. Certains ne franchissent pas cette première étape du couple. La peur de cette intensité passionnelle les fait reculer et ils n’osent pas s’aventurer sur un terrain où la perte de contrôle pourrait être source de souffrances. D’autres ne recherchent que cette étape romantique qu’ils confondent avec l’amour. Pour eux, l’amour n’existe plus quand la drogue d’amour est épuisée. Il faut alors chercher l’amour ailleurs, en vain, évidemment.
Ceux qui dépassent ce premier obstacle entrent inévitablement dans la phase de lutte de pouvoir. Si la période de lune de miel ne nous fait percevoir l’autre que dans son seul aspect idéalisé, il ne faut pas oublier que le miel attire aussi les “ bibittes ” qui nous le feront voir dans ses aspects les plus méprisés. C’est la déception, la frustration et la lutte s’engage pour que l’autre reste conforme à l’image idéalisé du début. Mais l’autre n’est ni ce que nous avons perçu au début ni ce monstre qui nous mortifie dans cette effroyable guerre de pouvoir. Les “ bibittes ” du passé sont à l’œuvre et déforment constamment la perception que nous avons de notre partenaire. La promesse de bonheur est trahie, puisque les blessures émotionnelles du passé refont surface une à une et chacun combat pour obtenir ce qu’il n’a même pas reçu de papa-maman jadis. C’est la guérilla conjugal qui, soit s’éternise, soit devient guérison conjugale lorsque chacun réalise que le couple ne peut être un lieu de compétition.
La phase de guérison du couple, qui commence à l’étape romantique pour se poursuivre durant la lutte de pouvoir, pourra se transformer en phase d’évolution, lorsque chacun réalisera que le lieu du couple n’est pas celui de la prise de pouvoir sur l’autre (changer l’autre), mais le lieu de prise de pouvoir sur soi-même (se changer). Ainsi, le passé contaminera de moins en moins le présent et le partenaire cessera d’être perçu à travers le fantôme de papa-maman. Voilà l’essence de la guérison : cesser de voir le présent avec les yeux du passé, ce qui permet d’aborder les conflits sur un mode de coopération. S’amorce alors une étape de plus grande stabilité, où chacun apprend de mieux en mieux à vivre avec les différences de l’autre, en s’engageant volontairement à fournir l’effort nécessaire à l’harmonisation des situations conflictuelles. C’est l’étape du choix conscient, en toute lucidité, le choix d’aimer avec la volonté de favoriser son évolution personnelle et celle de son partenaire. Aimer signifie aider, aider signifie aimer. Le couple réunit deux êtres aptes à évoluer ensemble. Chacun apprend à devenir de plus en plus complet en lui-même, plus unifié, mieux intégré. Chaque partenaire s’unit à son homme intérieur, à sa femme intérieure, créant l’unité en soi. C’est ainsi, que les besoins d’actualisation du couple s’inscrivent dans une dimension transpersonnelle de cocréation, chacun s’engageant dans un projet qui dépasse sa petite personne, pour le bien de tous. Le petit moi personnel est maintenant naturellement tourné vers les autres. Mais le travail est ardu avant d’en arriver à cette maturité. Comme le dit Alexander Ruperti : “ La rencontre avec l’amour peut-être une chute ou une transfiguration ; elle peut nous rendre esclave de quelqu’un ou nous conduire à une union focalisée avec le tout au-dedans ou à travers le (la) bien-aimé (e) ”. Mieux nous serons outillés, mieux nous éviterons la chute et goûterons à la transfiguration. Nous devrons dépasser nos peurs, la peur d’être notamment ; apprendre à vivre avec son sens des valeurs, communiquer avec authenticité, puisque l’intimité du couple ne peut se créer qu’à partir de l’authenticité de chacun. Nous devrons perdre nos illusions sur l’amour pour découvrir sa réelle dimension à travers une conscience qui grandit sans cesse. Dans ce long processus de guérison-évolution surviendront ce que Rancourt appelle des points de rupture. Un événement précipitant réactive une profonde blessure d’enfance qui plonge le couple dans une situation de crise. La souffrance ressentie peut alors faire éclater le couple. C’est à ce moment qu’il faudra bien distinguer une réaction émotionnelle d’une décision. Les émotions sont mauvaises conseillères et poussent facilement à la fuite pour nous éviter d’explorer les zones d’ombre que nous refusons. C’est un processus qui se rencontre en psychothérapie ; la résistance à toucher les zones sensibles nous pousse à abandonner l’engagement thérapeutique. La vie du couple est aussi une thérapie ; une thérapie de l’ego, où l’ego est le problème qui doit être dépassé, grâce à un grand savoir-faire. Ce savoir-faire doit nous conduire vers un savoir-être : savoir-être intime, savoir-être un avec l’autre. Tous les outils relationnels que nous nous sommes donnés convergent vers l’unité avec l’autre. Pour y arriver, l’ego doit subir une transformation en renonçant à ce que Rancourt appelle ses trois “ O ” : égoïsme, égocentrisme, orgueil.
L’ego a horreur du vide. Il cherche donc à se remplir, à acquérir, à posséder et craint évidemment qu’on le dépossède de ce qui lui semble ses acquis. L’ego se veut égoïste par nature et cherche à tout ramener vers lui. Bien sûr, l’ego évolue. L’enfant (ego infantile) est exclusivement centré sur le “ moi-moi ”. Le recevoir est au cœur de son existence. Puis l’ego mûrit, c’est l’étape (ego adolescent) du “ moi-toi ”, moi d’abord, toi ensuite. Il s’agit d’un progrès, puisque à l’origine l’autre n’existe qu’en tant que pourvoyeur. L’ego adulte devient apte à se centrer sur l’autre. Le “ toi-moi ” devient possible. L’ego passe de l’égocentrisme à l’allocentrisme. C’est le passage du “ tu es là pour moi ” au “ je suis là pour toi ”. Enfin, dans le stade de l’ego transcendé (Soi) n’existe plus que le “ toi-toi ”, puisque “ je suis toi et que tu es moi ”. C’est évidemment le stade de l’amour mystique où l’amour de soi et l’amour de l’autre s’inscrive dans le même amour. L’ego devra d’abord guérir ses blessures d’enfance dans l’étape de lutte de pouvoir, en prenant conscience qu’il n’est plus seul à revendiquer la satisfaction de ses besoins. L’autre aussi réclame et ce n’est qu’en transformant une attitude de compétition (qui a raison, qui va gagner ?) en attitude de coopération (que pouvons-nous faire ensemble ?) que la lutte de pouvoir peut s’estomper. Le couple comme lieu d’évolution conduit de l’égoïsme à l’altruisme, de l’égocentrisme à l’allocentrisme, du passage du besoin de recevoir à celui de donner, principalement don de son être et de sa présence à l’autre. Avec la maturation, l’amour guérisseur prend de plus en plus d’ampleur et la capacité de se centrer sur les besoins de l’autre grandit. Le “ toi-moi ” s’installe et initie ce que Rancourt appelle la phase d’évolution du couple. Cette phase d’évolution coïncide avec le passage de l’égocentrisme à l’allocentrisme. Non plus seulement “ j’ai des besoins et tu dois les satisfaire si tu m’aimes ”, mais aussi “ tu as des besoins et je dois t’aider à les satisfaire si je t’aime ”.
Si l’ego a horreur du vide et cherche à se remplir par égoïste, il a aussi horreur de la différence. Tout ce qui n’est pas comme lui, ne pense pas comme lui, n’agit pas comme lui, le dérange. L’égocentrique se prend pour le centre du monde. L’enfant se caractérise par son égocentrisme, par son grand besoin d’être le centre d’intérêt de ses parents et malgré la maturité qui s’installe progressivement, le passage de l’égocentrisme à l’allocentrisme ne va pas de soi. Sortir de son égocentrisme, c’est sortir de son monde pour voir le monde. C’est cesser de voir de façon unilatérale et croire que tous voient ce que je vois. Si je suis une personne qui s’empresse d’aider son semblable avant même qu’il en fasse la demande et que je pense que tout le monde agit comme moi, mon égocentrisme me condamnera à la révolte quand, dans le besoin, je constaterai que personne n’est disponible pour moi. Oui, les autres sont différents et ne voient pas et ne ressentent pas les choses à ma façon. Certains sont comme moi, d’autres non et je ne dois pas m’attendre à ce que l’on vienne me porter secours. Le monde ne fonctionne pas toujours comme mon monde. Il y a bien d’autres univers que le mien. Cesser de voir unilatéralement, c’est expérimenter différents points de vue, notamment celui qui n’est pas le mien. Le renversement de l’égocentrisme à l’allocentrisme devient un moment de guérison. Parce que la conscience s’élève pour voir ailleurs, plus loin, l’amour peut suivre alors son cours à nouveau, effaçant du même coup la frustration. Nous accordons à l’autre le droit d’être différent, de voir différemment. Nous pouvons être distincts sans être distants. L’empathie nous permet de transformer notre égocentrisme. Je me mets à la place de l’autre et je vois, je ressens, je pense ce qu’il voit, ressent, pense, en acceptant son point de vue comme aussi valable que le mien.
L’égocentrisme conduit parfois à ce que Rancourt appelle “ l’hyperempathie ”, une attitude aussi néfaste que l’absence d’empathie. Alors que dans l’absence d’empathie, considérer un autre point de vue ne vient même pas à l’esprit, dans l’hyperempathie, ce que l’autre vit est pris en considération, mais me dérange puisque je me sens responsable de son vécu. Dans l’hyperempathie, mon égocentrisme m’amène à me sentir coupable du malheur des autres. Si je perçois que l’autre est triste, mon premier réflexe consiste à me demander qu’est-ce que j’ai bien pu faire pour causer sa tristesse. L’ego souffre parfois de mégalomanie en croyant qu’il détient le pouvoir de rendre tout le monde heureux. Il se sent responsable des besoins des autres et leurs frustrations deviennent une atteinte à son omnipotence illusoire. “ Non, je ne possède pas le pouvoir de rendre toujours l’autre heureux et pour toujours ”. Seul l’autre détient ce pouvoir sur lui-même. L’ego qui corrige son égocentrisme cesse de voir les frustrations des autres comme le concernant et comme une critique continuelle. Le malheur des autres, en devenant une atteinte à son estime de lui-même, l’empêche d’offrir une empathie demandant à la fois une distance et une proximité. “ Je te comprends et je compatis à ta douleur, mais ce n’est pas de ma faute si tu souffres ”. Il devient donc possible d’accompagner l’autre dans sa souffrance sans culpabilité. L’hyperempathie enlève le détachement nécessaire à un support réel. L’hyperempathie conduira soit à la répression de ce que l’autre vit (“ Tu n’as pas raison de sentir ce que tu sens ” ), soit à la dédramatisation (“ Ce n’est pas grave ”), dans le but de se protéger de son sentiment d’impuissance face à la douleur de l’autre.
L’ego, malgré les apparences qu’il veut donner, s’avère souvent sensible, fragile et inquiet, d’où les mécanismes de protection qu’il utilise pour cacher son moi privé, terrifié à l’idée de ne pas être aimé. Il recourt à l’orgueil pour ne laisser transparaître que le beau. L’ego n’a pas seulement horreur du vide et de la différence, il a aussi horreur d’être inadéquat. Ainsi, il doit toujours bien paraître, ne jamais perdre la face en évitant soigneusement de se placer en position de vulnérabilité. L’orgueil a pour fonction de protéger la sensibilité de l’ego. L’orgueil crée une cuirasse de protection autour de lui, mais lui enlève, en même temps, toute souplesse. Sans cette souplesse, il lui est difficile de se déplacer d’un point de vue à un autre, donc de sortir de son égocentrisme. Parler de l’orgueil nous ramène aux concepts de façade et de moi public qui ont été abordés dans le chapitre sur la communication authentique. Et, puisque l’amour ne passe qu’à travers l’ouverture, il n’y a donc pas véritablement de place pour l’orgueil dans une relation d’intimité. L’ego adulte, qui dépasse son orgueil, cesse d’attendre que les choses s’arrangent d’elles-mêmes ou que l’autre prenne l’initiative de la réconciliation. Il prend la responsabilité d’agir pour rétablir l’harmonie, malgré l’extrême vulnérabilité qu’il peut éprouver. L’ego adulte abaisse volontairement ses boucliers de protection et accepte de vivre de façon authentique.
Toutes les impasses du couple sont reliées aux trois attributs de l’ego et le savoir-faire relationnel ne visait qu’un seul but : dépasser l’égoïsme (pas uniquement mon seul besoin), l’égocentrisme (pas uniquement mon seul point de vue) et l’orgueil (pas uniquement ma belle image). Pourquoi l’ego doit-il accepter de mourir à ses trois attributs, lui qui a si horreur du vide, de la différence et d’être inadéquat ? S’il ne le fait pas, il se condamne à la lutte de pouvoir jusqu’à la fin de ses jours. Vouloir obtenir ce que je n’ai pas reçu jadis, vouloir contrôler ce qui m’a été imposé jadis, ne marchera jamais. Le lieu du couple, c’est le lieu où l’ego renonce, non pas en se sacrifiant pour l’autre, mais bien en se consacrant à l’autre. Telle est l’exigence du couple et l’ego infantile (moi-moi) ne trouvera plus jamais satisfaction dans le couple. La vie demande de devenir adulte en élevant son niveau de conscience ; prendre conscience que l’autre existe, réclame et demande une réponse. Le couple nous demande de devenir présent à l’autre et de devenir un avec lui, “ une seule chair ”. De la chambre nuptiale à la chambre mortuaire, le lieu du couple évolutif nous conduit doucement, afin que l’ego puisse mourir à lui-même pour devenir une seule chair avec le Soi. L’ego meurt peu à peu à son égoïsme, à son égocentrisme et à son orgueil. Sans ces trois attributs, l’ego se transforme alors pour se fondre dans le Soi. Et l’autre a été ce précieux chemin qui a rendu possible cette union en soi-même. Deux humains, d’abord attirés par leurs ressemblances, ne faisant qu’une seule chair dans l’espace romantique, puis déchirés par leurs différences, pour enfin devenir une seule chair de lumière, dans l’unité du Soi.
Le couple-ascèse conduit théoriquement à l’expérience du Soi, l’expérience de l’unité par excellence. Mais l’expérience de cette unité, c’est d’abord être de moins en moins centré sur son petit monde et de plus en plus centré sur l’autre (le toi-toi) et, à la limite, une seule chair avec l’autre (toi-toi) en devenant personne. Comme le disent les sages, après avoir été une personne (ego), il est temps d’aspirer à n’être plus personne (Soi). Le “ moi-moi ” perd de son importance ; le “ toi-toi ” l’emporte de plus en plus. “ Peu importe ce que tu penses de moi, ce n’est qu’une opinion. Peu m’importe d’avoir raison, ce n’est qu’un point de vue. Seule m’importe de rester présent à toi, d’être un avec toi ”. De moins en moins important et pourtant de plus en plus heureux. L’ego se dissout dans la Vie, la Vie s’écoule à travers lui. L’amour circule. C’est de moins en moins moi (ego) qui aime et de plus en plus le “ ça aime ” en moi (Soi) qui aime d’un amour guérisseur. Un amour offrant une présence à l’autre, qui se veut une réponse parfaite à ce qui est demandé par la situation, sans aucun effort, comme si le “ je ” n’était plus que le représentant du Soi qui donne avec aisance ce que l’ego se veut incapable de donner. La volonté du Soi et celle de l’ego coïncident. Le “ je ” n’est plus personne. Il est difficile de s’imaginer ce que signifie l’expérience du Soi sans l’avoir vécu. Disons simplement que l’ego ne cherche plus à recevoir, à posséder, à gagner, puisqu’il est en contact avec sa richesse intérieure, une richesse qui ne s’épuise jamais parce qu’elle se répand sans cesse. Être une personne n’est plus important puisque n’être plus personne est tellement remplissant. Dans ce passage d’être une personne à n’être plus personne, l’ego d’abord renfermé sur lui-même, s’ouvre et s’ouvre encore au point où ses trois “ O ” s’estompent en découvrant le Soi qui, de tout temps, faisait corps avec lui. Le Soi était caché dans l’ego et ayant compris que toute recherche extérieure s’avérait vaine, ayant renoncé à acquérir et à posséder pour lui-même, il cessa de se crisper et s’ouvrit en transformant le mouvement centripète (ramener vers son centre) en un mouvement centrifuge (pousser hors de son centre). Le besoin de recevoir devint le besoin de donner. Comme le dit Marvile Hendrix, thérapeute conjugal : “ C’est lorsque vous diriger votre énergie loin de vous et vers l’autre que votre guérison spirituelle et psychologique opérera en profondeur ”. Autrement dit, je me guéris en guérissant l’autre. Je me remplis en me donnant à l’autre. Peut-être parce que cet autre est vraisemblablement moi-même ? Pauvre petit ego qui s’attendait à recevoir ce qu’il n’avait pas reçu de papa-maman et à qui on demande de donner la présence qu’il n’a même pas reçue. S’il avait su ? Et voilà que la guérison s’opère. Je deviens présent à l’autre et ma souffrance n’a plus d’importance puisqu’en étant centré sur le don plutôt que sur le recevoir, elle s’efface d’elle-même. J’assume mon véritable pouvoir d’être là pour l’autre, au lieu de subir, impuissant, l’attente interminable de sa présence pour moi. L’adulte se nourrit surtout par le don, le don même de ce qu’il n’a pas reçu suffisamment, puisqu’il puise maintenant au fond de lui-même sa richesse, la richesse de sa conscience qui voit non seulement son petit univers, mais aussi toute la réalité du monde qui l’entoure. L’ego a fait suffisamment le tour de lui-même pour avoir le goût d’aller vers l’autre. De souffrance en souffrance, la conscience s’affine, s’aiguise, en guérissant les plaies du passé. Et la conscience passe en nous, en nous faisant passer de la passion à la compassion. La passion du corps cède la place à la compassion du cœur qui nous fait tendre vers l’autre pour découvrir notre unité. Tendre vers l’autre et entrer en lui pour faire Un avec le Soi en lui comme en moi. Finalité ultime du couple évolutif. Oui, mais comment y arriver ? Simplement en étant de moins en moins égoïste, de moins en moins égocentrique, de moins en moins orgueilleux. Une seule phrase comme point de vigilance dans cette traversée du couple, une seule phrase pour mettre fin à toute compétition entravant l’unité : “ Si tu coules, je coule, si je coule, tu coules ; nous arrivons ensemble ou nous n’allons nulle part ”. Une phrase qui vaut son pesant d’or lorsque nous sommes en conflit.
Grandir en amour.
L’amour, c’est d’abord “ l’amour-nourriture ”, le besoin d’avoir-recevoir l’amour, le besoin d’être aimé. Bien vite, le “ comment me faire aimer ” devient vital. Enfant, j’achète l’amour par mon obéissance et mes performances et adulte, je poursuis cette quête par mon bien paraître. Ma quête d’amour passe aussi par l’impression d’aimer, mais sans le reconnaître, mon “ je t’aime ” signifie “ j’ai besoin de toi pour que tu me complètes, aime-moi pour cacher ma solitude qui me rend distinct et distant de toi ”. Je fais l’expérience de l’amour conditionnel : “ je t’aime à la condition que tu répondes à mes besoins et à mes attentes, même les plus secrets ”. Je t’aime à la condition que tu sois nourricier pour moi. Mes “ je t’aime ” se mêlent aux “ je te hais ” en fonction des satisfactions ou des privations que j’éprouve. C’est l’amour-consommation-compensation d’un enfant intérieur qui cherche avidement l’amour-nourriture qui ne se trouve jamais à satiété et puis, l’enfant intérieur grandit, comprend, accepte. Au sein du couple, mon semblable est né. Je ne suis plus seul à vouloir recevoir. La vie me demande de donner. Le “ comment me faire aimer ” cède la pas au “ comment aimer ”. C’est l’appel de l’amour inconditionnel. Mon “ je t’aime ” t’accorde alors le droit d’être ce que tu es dans ta totalité. Je te libère de ton obligation de bien paraître pour me plaire en me libérant de mes attentes à ton égard ; je suis libre de tout te demander en te laissant libre de ta réponse. Et je réalise la portée mortelle de mon geste libérateur. L’ego doit se consumer dans les flammes de l’amour inconditionnel comme l’ego a dû mourir sous le glaive de l’authenticité afin que la réalité du Soi se découvre et fasse son œuvre. Au commencement, l’amour est une émotion que je recherche ; plus loin, il devient Chemin que je parcours ; à la fin, il devient tout.
Lire la suite : Franchir les étapes de la conscience : poursuivre le Chemin vers le Soi.
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