Mentir pour mieux haïr.
Dire que l’être humain ment est une vérité de La Palice. Mais là où ça devient intéressant, c’est lorsqu’on compare ce que les gens disent et ce qu’ils ressentent fondamentalement. L’écart est parfois très grand.
Le premier bogue du cerveau permet de comprendre cette prédisposition humaine au négatif et même au racisme. Une recherche dirigée par Elisabeth Phelps, de l’université de New-York, a mis en évidence un paradoxe humain fort intéressant : ce n’est pas parce qu’une personne dit ne pas être raciste qu’elle ne l’est pas au fond d’elle-même. Phelps et son équipe ont comparé ce que les gens disent consciemment et ce qui se manifeste inconsciemment lorsqu’on les soumet à des vérifications de leur niveau implicite de racisme. Melanie Steffen de l’université Trier, en Allemagne, a fait une étude auprès d’étudiants visant à déterminer si l’attitude explicite envers les homosexuels correspondait à leur attitude implicite. Les résultats de l’étude de Steffen va dans le même sens que celle de Phelps sur le racisme et montre que les gens ne disent pas nécessairement ce qu’ils ressentent au fond d’eux. Mahzarin Banaji, du département de psychologie de l’université de Harvard, relate que quoi qu’ils disent, 88 % des répondants ont une attitude pro-blancs et anti-noirs ; près de 83% des hétérosexuels montrent un préjugé implicite contre les gays et les lesbiennes ; 66% des sujets non-arables et non-musulmans ont montré un préjugé défavorable envers les arabes et les musulmans. Une grande majorité de la population en Occident est favorable aux chrétiens par rapport aux juifs ; aux riches par rapport à celle des pauvres ; aux carrières des hommes par rapport à celles des femmes. Ces résultats contrastent nettement avec ce que les gens disent d’eux-mêmes : ils prétendent n’avoir aucun préjugé. Comme l’indiquent Elisabeth Phelps et Laura Thomas ainsi que Mahzarin Banaji, il est intéressant de noter que les mesures indirectes du racisme et du sexisme et les résultats fournis par les appareils d’imagerie du cerveau mettent en évidence des attitudes que les gens ne sont pas capables d’admettre consciemment.
Pourquoi développer une conscience nouvelle ?
Le premier bogue du cerveau humain a mis en évidence nos prédispositions à la peur de l’inconnu et de la différence. C’est cette peur qui est à la base du racisme, de l’homophobie, de l’ethnophobie, du sexisme, de la misogynie et ainsi de suite. Avec le deuxième bogue du cerveau, nous voyons qu’il existe un écart important entre ce que les gens disent et ce qu’ils ressentent au fond d’eux. Si la peur est à la base de l’intolérance, le mensonge et l’hypocrisie sont les ferments de la haine et de la violence. Le mensonge et l’hypocrisie viennent nourrir cette soif de haïr qui repose sur les plus bas instincts de l’être humain. La peur de l’autre ne mène pas obligatoirement à la haine. Elle conduit d’abord à éviter le contact et, par conséquent, à contourner l’objet de notre peur. Pour que la peur se transforme en haine, il faut des informations sur ce qui nous fait peur. En d’autres termes, il faut des motifs, des raisons. C’est précisément là que le bogue du mensonge fait son apparition. Qu’a-t-on raconté au sujet des premiers chrétiens pour mieux les massacrer ? Qu’a-t-on raconté sur les juifs pour mieux les déporter dans les camps de concentration ? Qu’a-t-on raconté sur les noirs pour mieux les exploiter et les maintenir au rang de la bête que l’on domestique ? Qu’a-t-on raconté sur les homosexuels pour mieux les détester ? La réponse est toujours la même : des mensonges ! On a dit que les premiers chrétiens s’adonnaient à des sacrifices d’enfants, que les juifs étaient responsables des crises économiques de l’Allemagne, que les noirs n’avaient pas d’âme, que les homosexuels étaient pervers et malades. La rumeur a toujours bonne presse et inutile d’ajouter que tout cela s’est fait avec la grande complicité des médias. Et ne faisons-nous pas encore la même chose au 21ième siècle ? Doit-on rappeler les multiples mensonges de l’administration Bush pour justifier l’invasion de l’Irak ? Malgré les conclusions des inspecteurs de l’ONU selon lesquelles il n’y avait aucune arme de destruction massive en Irak, George W. Bush et ses proches ont menti à la face de toute la planète et ont attaqué un pays et fait des dizaines de milliers de victimes civils. Doit-on rappeler l’attitude de l’Église catholique à l’égard des homosexuels, de l’usage du condom et des préservatifs alors qu’elle a protégé des prêtres pédophiles au lieu de les dénoncer à la justice. Tout cela rend mal à l’aise et donne des frissons dans le dos, n’est-ce pas ?
La première étape pour surmonter ce deuxième bogue du cerveau humain consiste à le regarder lucidement sans détourner le regard. Mais ce n’est pas si simple. Nous l’avons vu, les études scientifiques montrent clairement l’écart qui existe entre ce que les gens disent et ce qu’ils ressentent vraiment. Tous les conservateurs qui se croient engagés dans des causes sociales nobles, ne sont-ils pas des hypocrites ? De nos jours, il faut bien admettre, il n’y a rien de plus facile que de défendre les juifs, les noirs et les homosexuels parce que ce sont des causes “ politiquement correctes ”. Alors, même si les vieux conservateurs traditionnalistes sont bien souvent contre ces groupes à l’intérieur d’eux-mêmes, ils ne le manifestent plus publiquement afin d’être socialement corrects. Mais ce n’est qu’un masque sur leur visage : à la moindre occasion, l’antisémitisme, le racisme, l’homophobie et la misogynie ressurgissent et des actes violents physiques ou verbaux frappent les juifs, les noirs, les homosexuels, les femmes, etc. Combien de ces défenseurs de la veuve et de l’orphelin replacés à l’époque où la haine contre ceux qu’ils prétendent défendre aujourd’hui, se seraient levés pour protester et dénoncer l’ignoble injustice qui les frappait au vu et au su de toute la population? Combien auraient été des Oskar Schindler quand le nazisme était appuyé par 80 % de la population allemande, dans un véritable consensus de la haine ? Combien de blancs auraient soutenu la cause de Martin Luther King en pratiquant la désobéissance civile et en ouvrant la porte de leurs commerces à des noirs ou en les invitant à s’asseoir près d’eux dans d’eux dans les autobus ? Combien d’hommes auraient défié les gardiens de la tradition de l’époque et se seraient joints à Alice Paul et Lucy Burns pour manifester en faveur des droits des femmes quand elles n’en avaient aucun, même pas celui de voter ?
Le besoin primaire de haïr est là et toutes les époques ont eu leurs boucs émissaires. On craint la différence, on ment à son sujet et ainsi la porte est grande ouverte pour satisfaire nos bas instincts de haine et de mépris. Comme l’explique Mahzarin Banaji, ce bogue de notre cerveau opère sans que nous en soyons conscients. Toute la problématique de la haine qui se construit sur le mensonge finement diffusé partout autour de nous, nous incite à développer une conscience nouvelle si l’on veut parvenir à autre chose et ainsi prémunir notre société humaine contre d’autres événements dramatiques qui feraient les pages des livres d’histoire de demain.
Aimer ce qui est différent de nous.
De nombreuses recherches ont démontré que l’être humain dit souvent le contraire de ce qu’il ressent. Et ce n’est pas toujours conscient. On pourrait même dire que l’être humain est de mauvaise foi inconsciemment. Ce n’est donc pas facile de savoir si les gens sont honnêtes et sincères. Pourtant, l’honnêteté figure parmi les valeurs humaines les plus importantes. Si l’on veut savoir si ce que les gens disent est vrai et reflète ce qu’ils ressentent au fond d’eux, il ne faut pas se baser uniquement sur leurs propos. Il faut surtout les regarder, afin de voir comment ils agissent, leurs comportements révèlent beaucoup plus de vérité que leurs paroles. Parce que la rectitude politique fait école et nous avons appris à dire les bonnes choses, au bon moment, aux bonnes personnes, même si nous ne les pensons pas fondamentalement. Les institutions du mensonge sont multiples. C’est pourquoi il n’est pas surprenant qu’aussi peu de gens fassent confiance aux politiciens, aux journalistes et aux avocats… soyons clairs : ils ne sont pas là pour dire la vérité. Ils sont là pour faire tourner un système. Il faut donc apprendre à distinguer nos idées, nos opinions, nos sentiments, nos interprétations et les faits bruts. On émet souvent des opinions qui ne correspondent pas à la réalité factuelle. Et très souvent, nos interprétations de la réalité ne correspondent pas à celle-ci. Ce n’est pas facile de démêler tout ça. C’est un exercice relativement rigoureux car, comme nous l’avons vu avec le premier bogue du cerveau, nous sommes prédisposés à percevoir ce qui nous menace. De plus, nous ajoutons et retranchons beaucoup de choses aux évènements que nous percevons. Nous travestissons la réalité pour la faire correspondre à nos croyances. Inutile de dire que dans ces conditions, ce que notre mémoire engrange et restitue est loin d’être fiable. Il y a plein de circonstances atténuantes pour expliquer l’origine de nos mensonges. Puisque notre cerveau nous joue des tours, avant d’essayer de déceler les mensonges des autres, commençons donc par regarder les nôtres. Et ce n’est pas facile, car beaucoup sont inconscients.
Il faut reconnaître, par ailleurs, que tous les mensonges n’ont pas la même portée ni les mêmes conséquences. Il suffit de penser au magnifique film de Roberto Benigni, La vita è bella, pour admettre que, dans certaines circonstances, mentir peut-être salutaire. Le mensonge n’est pas illégal en soi, ce qui est illégal, c’est de faire du mal avec les mensonges. C’est pourquoi le Code criminel interdit la publication de fausses informations si celles-ci causent ou sont de nature à causer une atteinte ou du tort à quelque intérêt public. La diffamation est aussi sévèrement punie lorsqu’elle est reconnue par les tribunaux. On ne peut pas dire n’importe quoi sur n’importe qui. Ce qui nous concerne ici, ce sont les mensonges qui blessent, qui font du mal à autrui, qui portent atteinte à sa dignité comme être humain. C’est pourquoi le racisme, l’antisémitisme et l’antisectarisme qui propagent la haine et incitent à la violence contre des minorités et des individus différents de la majorité sont non seulement à dénoncer, mais aussi et surtout à guérir. Car ce problème va bien plus loin que le fait de ne pas aimer son voisin qui porte un turban ou qui a une orientation sexuelle différente ou des croyances peu orthodoxes. Il va malheureusement jusqu’aux atrocités meurtrières au Cambodge, en Tchétchénie, dans la bande de Gaza, au Rwanda, en Bosnie, en Irak, etc. Et le problème avec ces horreurs, c’est qu’elles montent sans cesse, qu’elles utilisent des moyens sophistiqués et des dispositifs à la fine pointe de la technologie destructrice guerrière qui risquent, un jour, de tourner mal et d’atteindre un point de non-retour.
Alors, où se trouve la solution ? Comme dans bien des cas, elle se trouve dans le problème lui-même. En effet, il ne faut jamais oublier que la haine est toujours une manifestation d’intérêt qui peut déboucher sur l’acceptation et l’amour. Seule l’indifférence est épouvantable. Tous ceux qui haïssent aujourd’hui pourraient devenir demain les plus ardents partisans de leurs victimes. Vous croyez que j’exagère ? Pourtant, qui aurait osé dire aux tortionnaires romains qui jetaient les premiers chrétiens en pâture aux lions dans les arènes, que tout l’Europe serait un jour chrétienne et que Rome serait leur capital spirituelle ? Qui aurait osé dire à ceux qui exploitaient et fouettaient les noirs réduits à l’esclavage et vendus comme des bêtes de somme qu’un jour ils auraient aux États-Unis, les mêmes droits que les blancs et pourraient devenir sénateurs, membres du congrès et même président de la plus grande puissance mondiale ? L’Histoire humaine démontre qu’à long terme, le bien peut triompher et que les plus persécutés peuvent devenir les plus forts et faire partie de ceux qui forgent l’avenir de l’humanité. Tout cela est possible, à condition de développer une conscience nouvelle qui peut prendre les commandes de ce bogue du cerveau. Donc, au lieu d’alimenter cette haine et cette hantise de ceux qui sont différents de nous, regardons pourquoi ils nous dérangent. Mieux encore, regardons ce qui nous attire en eux. Toutes les guerres de notre monde, que ce soit les peuplades primitives d’antan qui allaient piller les biens et les femmes de la tribu voisine, les américains qui envahissent l’Irak pour son pétrole sous le fallacieux prétexte de la libérer des griffes d’un tyran et leur imposer la démocratie, ou encore les chrétiens qui partent en croisade pour convertir tout le monde, cachent un intérêt et une attirance réels, mais elles sont perçues comme une menace. Pourquoi vouloir convertir contre son gré quelqu’un qui a une croyance différente de la sienne ? Honnêtement : parce qu’elle menace nos propres croyances! Qui sait, peut-être a-t-il raison et que nous avons tort ? Au lieu de se questionner, il vaut mieux le convertir de force, ainsi il n’ébranlera plus nos croyances fragiles. Et pour ce faire, nous n’avons qu’à le diaboliser en construisant nombre de mensonges à son sujet. Comme ça, on aura la paix… Voilà la logique bête des conquérants et des inquisiteurs ! L’envers de la médaille des guerres et des génocides, nous montrent que la collaboration apporte tellement plus que la compétition et l’affrontement. Mais pour collaborer, encore faut-il que l’on s’ouvre à la différence, que l’on admette qu’elle nous attire et que finalement on l’aime. Et, c’est valable dans tout. Toutes les personnes qui sont contre quelque chose sont aussi les plus attirées par cette chose. Il suffit de penser à tous les homophobes qui, au fond d’eux, éprouvent souvent une attirance pour le même sexe. Alors, au lieu de regarder la vérité, ils créent un mensonge et luttent ce qu’ils aiment au plus profond d’eux. Dans le pire des cas, cette lutte intrapsychique peut conduire à des tueries de masse comme cela s’est passé en Floride dans une discothèque fréquentée par la communauté gay.
Développer une conscience nouvelle pour dominer ce deuxième bogue, c’est d’abord et avant tout cesser de détourner le regard de la vérité ; celle qui se trouve en nous et qui nous fait parfois peur. D’ailleurs, comme le disait le philosophe Nietzsche : “ Quelle dose de vérité un esprit sait-il supporter… ? ”. Malheureusement, une très petite dose. La vérité fait peur, la vérité choque, la vérité rend mal à l’aise. Alors, on ment afin de se donner l’illusion du bonheur. Et lorsque le mensonge devient trop grand et qu’il met en péril la vie et le bonheur des autres, alors on ne peut plus le tolérer. Une conscience nouvelle devient un impératif pour passer à autre chose avant qu’il soit trop tard. Et l’amour de l’autre en est la clé. Brian Nosek a découvert un point important dans le cadre de ses recherches sur l’attitude implicite de racisme. Il a remarqué que si un participant, invité à répondre au test sur le racisme, prend quelques instants avant de débuter pour penser à des personnes de race noire pour qui il a de l’admiration (comme Martin Luther King ou Nelson Mandela), son score change et le préjugé implicite s’apaise. En d’autres termes, si l’on génère des sentiments positifs à l’intérieur de soi envers les noirs, notre niveau de racisme inconscient et implicite s’apaise. La bonne nouvelle, c’est que cela est applicable à tout. En effet, dès que l’on s’ouvre à la différence, que l’on éprouve de la compassion pour elle et que l’on commence à produire en soi un sentiment d’amour pour elle, nos réactions inconscientes commencent à changer et le bogue commence à se dissiper. Développer l’amour pour ce qui nous dérange et nous répugne est la meilleure manière de surmonter ce deuxième bogue de notre cerveau. L’entreprise est de taille, car comme nous le verrons avec le troisième bogue du cerveau, la pression inconsciente que les autres exercent sur nous, nous empêche souvent de voir la réalité telle qu’elle est.
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