Transformez votre conscience : 3ième bogue du cerveau

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Voir le monde comme la majorité.

Les travaux de Berns voulaient vérifier si les gens donnent consciemment une mauvaise réponse vu la pression du groupe ou si cette pression sociale peut aller jusqu’à modifier leur perception de la réalité. L’équipe du docteur Berns a mis au point une expérience sur le conformisme social en utilisant un scanner à résonnance magnétique fonctionnel. L’hypothèse des chercheurs était que si la conformité sociale résultait d’une prise de décision volontaire, celle-ci serait associée à une plus grande activité du cortex préfrontal. Par contre, si la conformité sociale résultait d’une modification de la perception, il y aurait une plus grande activité dans les zones postérieures du cortex, plus spécifiquement dans celles impliquées dans la perception visuelle située au niveau des lobes occipitaux et pariétaux du cortex. Berns et son équipe ont constaté que 41 % des sujets se sont conformés lorsque les complices des expérimentateurs donnaient une réponse erronée et 32 % l’ont fait lorsque c’était l’ordinateur qui émettait une réponse erronée. Précisons que cette différence entre la conformité aux complices humains et celle à l’ordinateur est statistiquement significative. Après l’expérience, seulement 3,4 % des sujets ont reconnu avoir donné une réponse erronée qui allait dans le sens de la majorité même s’ils étaient certains que leur propre réponse était la bonne, alors que celle du groupe de complice était mauvaise. Ils estimaient par ailleurs que dans 83 % des cas, ils étaient sûrs que leur propre réponse et celle des autres étaient la bonne.

L’examen minutieux de ce qui se passait dans le cerveau des sujets pendant toutes les étapes de l’expérience nous fournit des informations très intéressantes. Les chercheurs se sont particulièrement penchés sur ce qui se produit dans le cerveau des sujets lorsqu’ils donnaient des réponses erronées en conformité à celles du groupe de complice. Les chercheurs ont constaté que l’effet de la conformité sociale se manifeste uniquement dans les zones postérieures du cortex, soit dans les lobes occipitaux et pariétaux. Pour Berns, les modifications d’activité dans les régions occipitales et pariétales mettent en évidence que la conformité sociale s’effectue à travers un changement de perception. Autrement dit, ces résultats montrent qu’effectivement sous l’influence d’une pression sociale, les gens voient leur perception de la réalité changer. Pour leur part, les sujets qui ne se sont pas conformés à l’opinion des complices, ont présenté une activité accrue au niveau de l’amygdale et du noyau caudé, des zones responsables des émotions. Selon les chercheurs, l’absence de conformisme social exige un effort émotionnel important, c’est ce qui expliquerait l’activité importante de l’amygdale.

Les chercheurs s’attendaient à trouver une plus grande activité dans les régions frontales du cerveau, c’est-à-dire dans les zones responsables des prises de décisions et de la planification des tâches cognitives. Au lieu de cela, c’est une région bien connue pour son rôle dans les émotions qui est plus active, ce qui laisse croire que pour éviter de se conformer, il faut fournir un effort plus grand sur le plan émotionnel. Les conclusions des chercheurs sont très éloquentes. Elles remettent en question la valeur même des décisions prises par la majorité qui se trouve sous l’emprise des pressions sociales exercées par les médias et les politiciens.

Un autre phénomène fort intéressant qui pourrait avoir un lien avec l’altération de la perception lors des interactions sociales est la découverte en 1995, de ce que les chercheurs ont appelé les “ neurones miroirs ”. L’équipe de Marco Iacoboni de l’université de Los Angeles en Californie, a montré que les mêmes neurones du cerveau s’activent chez une personne qui bouge les doigts et chez une autre qui l’observe. Le même constat a été fait, chez des sujets à qui on a demandé soit d’observer, soit d’imiter des expressions faciales d’émotions. D’autres chercheurs ont fait le même type d’observation auprès de sujets qui voyaient d’autres personnes souffrir. Les chercheurs ont ainsi établi qu’il s’agissait là fort possiblement des mécanismes neuronaux de l’empathie. D’autres soutiennent même que les neurones miroirs sont à la base de tous les apprentissages sociaux et culturels. De là, nous ajoutons qu’ils sont le substrat du conformisme social.

Pourquoi développer une conscience nouvelle.

L’être humain veut croire que sa perception de la réalité est juste et vraie. Pourtant, sous la pression des autres, il en vient non seulement à dire comme eux, mais aussi à percevoir la même chose qu’eux. Tout le monde veut être unique et indépendant ; pourtant, la majorité des gens agissent comme les autres. Seuls les marginaux, les “ anormaux ” ont appris à poser un regard différent sur la réalité, à se distancer des pressions sociales, à penser et à faire les choses différemment des autres. Ces derniers se sont conformés aux idées dominantes et se sont attachés à elles alors qu’eux se sont concentrés sur les façons différentes de les voir. Vilayanur Ramachandran va jusqu’à attribuer la naissance de la culture humaine aux neurones miroirs. Il explique que les apprentissages culturels proviennent essentiellement de l’imitation, que l’on trouve dans une multitude de circonstances : lorsque nous regardons nos parents et nos éducateurs agir ; lorsque nous répétons les mêmes façons de vivre que nos contemporains ; lorsque nous adoptons collectivement des modes vestimentaires, culinaires et musicales ; lorsque nous devenons fanatiques de notre équipe sportive préférée ou encore que nous devenons de fervents pratiquants d’une religion et que nous devenons des extrémistes et des intégristes prêts à partir en croisade dans le but de convertir tout le monde envers et contre tout. Les mécanismes de résonnance des neurones miroirs, qui s’effectuent lorsque le bébé répète machinalement les gestes de sa maman qui lui fait un au revoir de la main, sont essentiellement les mêmes que ceux, qui se produisent lorsqu’une foule de 50,000 personnes s’anime dans un stade de football. Ces mécanismes, fort utiles pour nous permettre de devenir empathiques face à celui qui souffre et lui venir en aide, sont paradoxalement aussi ceux qui conduisent des masses à des délires collectifs pouvant aller de l’emballement partisan au fanatisme déchaîné.

Sans les neurones miroirs, l’être humain est coupé de tout contact avec ses semblables. Des spécialistes des neurosciences soupçonnent que l’autisme et la schizophrénie pourraient être associés à une déficience des neurones miroirs. Les schizophrènes distinguent mal leurs propres actions de celles des autres. Les autismes, pour leur part, ont du mal à se mettre dans la peau d’une autre personne et sont pratiquement incapables d’apprendre par imitation. Toutefois, un système miroir qui est laissé à lui-même peut conduire des individus à réagir de la même façon, sans remette en question la valeur et la nature des actes qu’ils imitent et reproduisent. Encore une fois, l’histoire de l’humanité regorge d’exemples où des populations entières se sont engagées dans des actes atroces. Ils “ résonnent ” en quelque sorte au même diapason et tout ce qui est distinct d’eux, donc qui résonne à une autre fréquence, est perçu comme menaçant et dangereux. Dans ces circonstances, deux choix primaires s’offrent à eux : les convertir ou les détruire. Voilà donc un lien direct avec les deux premiers bogues du cerveau humain : le premier, qui nous prédispose à percevoir du négatif d’abord et avant tout ; le second, qui nous prédispose au mensonge et à l’hypocrisie pour mieux justifier notre réaction de peur et alimenter notre haine. Le troisième bogue du cerveau humain est encore plus insidieux, car il nous prédispose à ne plus voir la réalité telle qu’elle est à partir du moment où une pression sociale est exercée sur nous. À bien y penser, c’est toute l’histoire de notre humanité qui se résume ainsi : l’être humain a peur de ce qu’il ne connaît pas (1ier bogue), il se construit un discours pour justifier ses peurs et mieux combattre la différence qu’il craint (2ième bogue) et lorsqu’il est en présence de son groupe d’appartenance, sa perception des choses s’ajuste à celle de la majorité, même si celle-ci est erronée (3ième bogue). Comme l’explique Grégory Berns, dans différents secteurs d’activité de notre société, par exemple les élections ou les procès devant jury, la méthode que nous avons choisie pour résoudre des différents entre un individu et un groupe est de faire appel à la règle de la majorité. Selon cette règle, une majorité est supposée représenter une sagesse collective supérieure au jugement d’une seule personne. Toutefois, la supériorité du groupe peut disparaître lorsque les pressions à l’intérieur de ce groupe commencent à s’exercer sur les individus et que ceux-ci commencent à résonner au même diapason. C’est malheureusement très souvent le cas, particulièrement lorsqu’une opinion unilatérale est diffusée à outrance dans les médias et qu’elle devient une opinion de la majorité. Dès qu’un individu ne partage plus l’opinion, la vision ou la manière de faire de la majorité, les pressions commencent. Les expériences de Berns montrent que les pressions d’un groupe n’ont pas besoin d’être fortes pour produire un effet : le simple fait de constater que nous sommes seuls à voir les choses d’une manière différente suffit à produire un malaise. Le déplaisir d’être seul avec son opinion fait en sorte que d’opter pour l’opinion de la majorité devient plus attrayant que s’acharner à défendre ses propres croyances. C’est alors qu’un mécanisme s’enclenche et que nous commençons réellement à voir les choses comme les autres, même si leur perception est erronée.

Seule une conscience nouvelle permet de contourner ces mécanismes primaires et de considérer la réalité sous un autre angle. Toutefois, de tout temps, ceux qui ont développé une conscience nouvelle qui les a conduits à adopter une perception plus juste et bienveillante des choses ont dû faire face aux hostilités des populations convaincues inconsciemment que leur conception et leur vision des choses étaient bonnes, vraies et valables. Tous les marginaux, dans tous les domaines – science, art, politique, religion, philosophie – qui ont fait avancer notre humanité, se sont heurtés aux résistances des systèmes en place fondés sur des visions primitives et négatives du monde et entretenues sur des mensonges épouvantables. Soyons clairs, aucun avancement de notre société humaine n’a été fait par des gens “ normaux ” et “ conformes ” à la majorité.  Pour découvrir que la terre était ronde, l’existence de l’atome, l’électricité ; pour partir explorer de nouveaux continents ; pour inventer l’automobile, l’avion, le téléviseur et l’ordinateur, il fallait poser un regard différent sur la réalité et cesser d’y voir une menace inhibitrice de l’action vers l’avant. C’est pourquoi, si nous voulons entrevoir les bienfaits de toutes les nouveautés qui se présentent à nous et qui n’auront rien à voir avec celles du passé, il nous faut poser un regard différent et neuf sur les choses. Et, si nous voulons contourner les risques imminents que nous courons actuellement en poursuivant les politiques de peur de ceux qui détiennent le pouvoir sur notre planète, en ayant en main les puissances destructrices du XXI siècle, il nous faut absolument développer une conscience nouvelle.

Poser un regard neuf sur la réalité afin d’échapper au conformisme inconscient.

Le défi est de taille ici, car chacun est convaincu que sa perception des choses est la bonne, principalement s’il trouve des gens qui partagent la même perception. Il serait faux de prétendre que tous ceux qui ont une vision différente de la majorité ont raison, tout comme il serait malhonnête d’affirmer que si la majorité pense d’une façon, c’est qu’elle a forcément tort. L’autre élément problématique du défi, c’est que celui qui a une perception et une vision différente du monde peut appartenir à deux catégories d’êtres humains : les délirants déséquilibrés ou les génies visionnaires. C’est donc dire que, là aussi, il faut poser un regard juste et lucide. Comme l’explique le docteur Ariely, la solution à ce défi ne peut pas être extérieure à nous. Elle repose sur le développement d’une conscience nouvelle qui nous pousse à être vigilants à notre vulnérabilité au conformisme et à nous placer en amont des pressions sociales lorsque celles-ci ne sont pas dans notre propre intérêt ni dans l’intérêt de la collectivité. Cet entraînement doit aussi porter sur le fait d’élever notre vigilance et de nous demander si notre conception et notre vision des choses sont exactes ou le résultat des pressions sociales. Cela va très loin, car les pressions des autres peuvent altérer non seulement notre perception du moment, mais aussi celle du passé. Expliquons-nous. Par exemple, vous rencontrez une nouvelle personne et vous discutez avec elle. L’échange que vous avez avec cette personne vous semble intéressant et ses propos, bien que quelque peu différents de ce que vous avez l’habitude d’entendre, vous intéressent aussi. Puis, on vous raconte des choses négatives sur cette personne. Que va-t-il se produire ? Il y a fort à parier que vous allez commencer à la regarder différemment, à percevoir des détails dans son comportement que vous n’auriez pas vus sans ces informations. Mais vous allez aussi revoir votre rencontre passée avec elle et réviser celle-ci à la lumière des informations négatives que l’on vous a données à son sujet. Bref, vous avez de fortes chances de “ refaire le passé ” en fonction de ces nouvelles données. Vous ajouterez probablement des choses qui n’existent pas et en extraire d’autres qui existent, surtout si on exerce des pressions sur vous. Par exemple, si un groupe d’amis insiste pour vous mettre en garde contre cette personne, s’ils parlent en mal d’elle, pis encore, s’ils propagent des rumeurs et des mensonges à son sujet. Tout cela aura une incidence directe sur votre perception passée, présente et future de cette personne. Vous risquerez alors de commencer à voir cette personne comme les autres la voient. Ce phénomène est beaucoup plus fort lorsqu’il s’agit de problématiques sociales que simplement personnelles comme celle décrite précédemment. Comment croyez-vous que les Américains perçoivent les musulmans depuis les attentats du 11 septembre 2011. Ils voient des choses qui n’existent pas lorsqu’ils posent leurs yeux sur les musulmans. Et ils ne voient pas d’autres choses qui existent en réalité. Ils se construisent inconsciemment une perception erronée en fonction des informations véhiculées à leur sujet, au point, de vouloir leur interdire temporairement l’entrée sur leur territoire et de juger “ irresponsable ” l’accueil par le Canada de réfugiés Syriens.

Là se trouve l’expression la plus grave du troisième bogue du cerveau humain : notre perception du monde n’est pas exacte, car nous avons des pressions collectives extérieures. La culture n’est d’ailleurs rien d’autre qu’un ensemble de pressions collectives qui nous font voir le monde d’une certaine façon. Et nous le voyons ainsi ! Comme l’explique Alain Bouchard, nous abordons tous la réalité à partir de préconceptions que nous avons des faits et nous voyons les autres en fonction de nos besoins. Le phénomène est frappant lorsque nous visitons un autre pays dont la culture est très différente de la nôtre. Nous la percevons à travers le filtre de nos conceptions, mais aussi nous percevons d’elle des choses que ses propres membres ne voient pas. Ce que nous percevons d’elle échappe complètement à sa propre perception d’elle-même.  C’est là où se trouve d’ailleurs une clé pour développer une conscience nouvelle : poser un regard nouveau sur les choses. Encore une fois, bien que le défi soit de taille, c’est relativement simple. Il suffit de voir et de considérer les choses comme si nous ne les connaissons pas et que nous n’avions aucune information sur elles. Poser un regard nouveau implique de faire l’effort, dans une certaine mesure, de cesser de penser et d’analyser à travers nos filtres culturels et nos connaissances acquises. Il faut alors simplement regarder, écouter, ressentir. On doit admettre que ce n’est pas facile de faire abstraction de nos antécédents et de nos croyances. À vrai dire, c’est presque impossible dans l’absolu. Mais ce qui est possible, c’est de nous entraîner à nous demander comment nous verrions telle chose si nous n’étions pas entourés des autres. Par exemple, en regardant une chose et après avoir entendu toutes les perceptions des autres, faire l’exercice mental de s’imaginer seul et de voir ce qui se passe en nous à l’idée de donner une opinion différente des autres. Dans la réalité les choses vont souvent très vite, nous devons donner des opinions rapidement ou prendre position sans avoir le temps de réfléchir alors que, parallèlement, d’autres viennent influencer notre jugement en se présentant comme des experts qui ont fait ce que nous n’avons pas fait : des recherches, des analyses approfondies du problème et des solutions. Puis, ces conclusions sont souvent diffusées en masse et présentées comme la bonne façon de voir les choses. Cette vision est alors empruntée par de plus en plus de personnes et devient progressivement une opinion majoritaire qu’il n’est pas facile de contrer. Le plus bel exemple est lors des scrutins publics pour décider de certaines politiques ou orientations. Très souvent, lorsqu’il y a polémique, que l’on sonde une opinion à main levés et qu’on fait un vote secret, les résultats sont différents et souvent même diamétralement opposés. La pression sociale y est trop forte et son effet sur les votes se font sentir. Les résultats des expériences sur le conformisme nous indiquent qu’il est plus facile d’aller à l’encontre de l’évidence que d’aller à l’encontre du jugement et de l’opinion des autres. Et l’expérience de Berns nous démontre que l’impact du conformisme est qu’il en altère même la perception de celui qui se conforme. 

Tous ceux et celles qui font partie d’une minorité et qui ont eu à lutter pour affirmer ce qu’ils sont et faire valoir leurs droits savent jusqu’à quel point l’anticonformisme est éprouvant émotionnellement. Il suffit de penser aux homosexuels et à la pression sociale qui s’exerce sur eux pour adopter un comportement “ normal ”. Imaginez ce qu’ils ont pu ressentir à l’époque où on qualifiait leur orientation sexuelle de péché, de maladie mentale, de déviance ou de perversion. Malgré la tolérance et l’ouverture que notre société prétend avoir aujourd’hui, rien n’est encore facile pour cette minorité. Il n’est pas surprenant d’ailleurs qu’autant d’homosexuels se soient suicidés et se suicident encore. Une étude menée par Michel Dorais, professeur de l’université Laval à Québec, a révélé qu’en 2001, le taux de suicide était de 6 à 10 fois plus élevé chez les jeunes homosexuels que chez les jeunes hétérosexuels et que l’idée de suicide frôlait les 40%. À la lumière de ces informations sur la problématique du suicide chez les homosexuels, nous pouvons imaginer que l’indépendance et l’anticonformisme sont beaucoup plus difficiles à adopter lorsqu’il s’agit non seulement de donner notre opinion sur un sujet, mais aussi de vivre sa différence dans son quotidien.

Qu’en est-il lorsque l’influence sociale porte sur des questions d’ordre moral ? Matthew Hornsey, de l’université Queensland en Australie, a trouvé que les participants ayant des attitudes basées sur des fondements moraux faibles se conforment davantage aux normes d’un groupe dans leurs comportements privés. Au contraire, ceux qui ont des attitudes basées sur des fondements moraux forts montrent une non-conformité dans leurs comportements privés et publics. Toutefois, nous verrons, lorsque nous examinerons le septième bogue du cerveau humain, que les valeurs morales ne garantissent pas pour autant l’adoption de comportements justes et sains pour les autres. À ce sujet, la raison et les émotions se heurtent et ce n’est pas nécessairement le jugement raisonnable qui conduit aux meilleures décisions lorsqu’il s’agit d’évaluer les conséquences de celles-ci. Rappelons que tous les tyrans passés et présents de notre monde ont des fondements moraux très forts. C’est pourquoi, il est important de baser nos décisions sur des fondements moraux forts, mais surtout justes, sans quoi ceux-ci ne garantissent rien de bon pour notre civilisation.

Tous ceux qui ont fait progresser notre humanité ont perçu la réalité sous un œil différent de la majorité ; ceux qui ont inventé de nouvelles façons de faire et de nouvelles technologies ont adopté une pensée divergente de la majorité ; ceux qui ont agi pour rendre notre monde meilleur et ont influencé notre façon de nous comporter comme êtres humains se sont fondés sur des valeurs morales non conventionnelles. Poser un regard neuf sur la réalité est donc fondamental si nous voulons échapper à ce troisième bogue de notre cerveau. Pour ce faire, il faut nous affranchir autant que possible des pressions qui s’exercent sur nous quotidiennement. Celles-ci sont nombreuses et fortes dans notre société où la rectitude politique domine. Il faut reconnaître que les médias d’information agissent considérablement pour forger la pensée et la perception de la société. Rares sont les nouvelles “ objectives ”, car elles sont toutes teintées d’une perception et, surtout, d’une pression exercée sur le journaliste par l’organisme pour lequel il travaille et la vision qu’il défend. Ce qu’il y a d’insidieux dans cela, c’est le double phénomène de la répétition de la nouvelle, car d’une part, nous la revoyons plusieurs fois et, d’autre part, celle-ci finit par devenir une opinion publique répétée par les autres. Et qui dit opinion publique dit pression sociale en regard de cette opinion partagée par la majorité.  L’indépendance est difficile à acquérir lorsqu’on doit travailler pour gagner son pain. On fait ce qu’on nous demande, on nous convainc que ce qu’on nous demande est juste. En acquiesçant à ces demandes, on finit par percevoir la réalité comme on nous dit qu’elle est. Cela va beaucoup plus loin que “ je dis comme eux pour ne pas me faire rejeter ”. Cela va jusqu’à “ je dis comme eux, car je vois la même chose qu’eux finalement ”. Rappelons ici, que selon Henri Laborit, neurobiologiste, “ l’objectivité ” de l’information  est une illusion.Il suffit de constater la diversité d’appréciation d’un même fait banal, tel un accident de la circulation, par une dizaine de personnes ayant assisté à l’événement. L’information ne peut être objective, car elle exprime nos désirs inconscients, nos jugements de valeur, nos automatismes socioculturels. Seule la diversité de l’information et la multiplicité des sources peuvent espérer fournir aux individus le matériel indispensable au travail imaginatif et créateur. Tout endoctrinement facilité par l’ignorance de l’informé, ne lui présentant qu’un aspect des choses, tentant de lui imposer des automatismes de pensée et de comportement, occultant les opinions contraires en décrétant qu’elles sont erronées ou tentant de les présenter de telle sorte qu’elles perdent aussitôt toute cohérence face à la solution préparée par celui qui informe, individu ou institution, est l’expression d’un mépris profond de l’homme”. Pour illustrer ces propos, je vous invite à cliquer sur l’hyperlien pour lire le texte de Guillaume Chopin de l’Association Internationale pour une Santé Naturelle, Scientifique et Humaniste, intitulé “ Mensonge : La ministre Buzyn me répond en direct ”.

Avant les travaux de Berns, on attribuait le conformisme à cinq motivations : le désir d’être correct ; le désir d’être socialement accepté et d’éviter d’être rejeté ; le besoin d’accomplir les buts du groupe ; la nécessité d’établir et de maintenir un concept de soi et une identité sociale et, enfin, l’alignement du soi à des individus semblables afin d’appartenir à un groupe. L’expérience de Berns nous apporte une information totalement nouvelle. Elle nous montre que dès qu’une information extérieure est émise et appuyée par une majorité, on observe une baisse d’activité des zones du cerveau impliquées dans le processus de traitement de l’information et une augmentation de l’activité des zones du cerveau responsables de la perception. Cette découverte est remarquable, car elle signifie qu’au moment où on nous donne des informations sur un sujet, le cerveau commence à ajuster son mode de fonctionnement de façon à ralentir ses activités d’analyse et à augmenter celles qui conduisent à percevoir les choses comme on nous dit qu’elles sont. Donc, au-delà ou parallèlement aux motivations énoncées précédemment, il y a un ajustement de notre cerveau à ce qui nous vient de l’extérieur. À ce phénomène découvert par Berns, il y a sans doute aussi celui lié aux neurones miroirs, qui reproduisent intérieurement les comportements observés extérieurement. C’est pourquoi la solution pour contrer le conformisme qui altère la perception de la population ne peut venir de l’extérieur. Elle implique de développer une conscience nouvelle fondée sur l’entraînement à poser un regard neuf sur la réalité. Pour y parvenir, il faut se libérer des motivations décrites précédemment : il faut cesser de vouloir à tout prix être aimé, surmonter sa peur d’être rejeté, se libérer du besoin d’être et de penser comme les autres. Toutefois, la libération du conformisme bête au bénéficie de l’acquisition d’une indépendance de penser et d’agir ne doit pas conduire à une forme de déconnexion du monde extérieur. Un équilibre doit être conservé et une forme de compassion doit aussi être maintenue afin de continuer d’être préoccupé par les autres, leurs souffrances et leurs recherches de bonheur. Les neurones miroirs, qui sont les fondements de la culture, sont aussi le substrat de l’empathie et de la compassion. Ils permettent donc de garder cette connexion à l’autre et de nous prémunir de l’indifférence. Tout le défi de la nouvelle conscience consiste à développer une capacité d’indépendance individuelle tout en restant préoccupé par les autres, car rien n’est pire que l’indifférence. Nous verrons, avec le septième bogue du cerveau humain, que la déconnexion des autres peut faire de nous de véritables bourreaux.

Ce troisième bogue du cerveau humain a mis en évidence les préjugés de perception de la réalité provoqués par les pressions sociales. Le quatrième bogue du cerveau humain révélera jusqu’à quel point l’équilibre psychique de l’être humain est fragile.

Lire la suite : Transformez votre conscience : 4ième bogue du cerveau.


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