La bourse ou la vie : 3ième partie

Classé dans : Être bien dans sa vie | 0

Mélissa Mialon nous rappelle que l’épidémie industrielle est créée par les humains et que nous pouvons donc y remédier, d’autant que les fondations d’un monde plus sain, durable et équitable existent déjà.  Outre quelques réussites, Mélissa Mialon présente dans son ouvrage quelques pistes que l’on peut explorer à l’échelle individuelle et/ou collective. Pour Mélissa Mialon, il est primordial, si l’on veut voir advenir un changement en profondeur, de questionner et de trouver des alternatives aux moteurs mondiaux de la mauvaise santé. Puisque nous présentons ici qu’un aperçu des actions explorées par Mélissa Mialon, nous vous invitons à lire son ouvrage BIG FOOD & CIE pour une couverture complète de celles-ci.  

Changement en profondeur, tous acteurs.

Les déterminants commerciaux de la santé ont été questionnés dès les débuts de l’industrialisation et de la mondialisation. Mais jusqu’à présent, chacune des pratiques que Mélissa Mialon a décrites dans son ouvrage a été traitée séparément. Certains luttent contre l’esclavagisme des enfants, d’autres contre le marketing agressif, d’autres encore contre l’influence politique des industriels. Certains oeuvrent dans le domaine de la santé, d’autres pour protéger notre planète, d’autres encore pour plus d’équité. Cependant, ces dernières décennies ont été le cadre d’une remise en question en profondeur du système dans lequel nous vivons, certes avec plus ou moins de succès. Dès lors que nous comprenons que les industriels ont la mainmise sur notre santé et celle de notre planète, peut-être pouvons-nous unir nos efforts pour être acteurs de ce changement en profondeur. Mélissa Mialon nous rappelle que les moteurs mondiaux de notre mauvaise santé sont le résultat de décisions humaines et que nous ne sommes pas obligés de perpétuer le système actuel. Tout ceci, précise t’elle, est une question d’éthique et que finalement, même là où l’on ne soupçonne rien, l’idée du collectif, de protéger les autres et d’en finir avec les inégalités existe chez les gens. Pour Mélissa Mialon, il faut simplement commencer par percevoir et comprendre les failles de notre système, outre les petites choses qui polluent notre quotidien. Ensuite alors, on peut décider de solutions à l’échelle individuelle et collective. Pour Mélissa Mialon, il n’est pas question ici d’une utopie. Elle ne souhaite pas non plus que les manifestations, en tant que formes de protestations, occasionnent de la casse. Mais on peut au moins questionner en profondeur les pratiques qu’elle a exposées dans son livre et se demander quelles sont nos valeurs, même si à court terme, on bénéficie de l’existence de certains produits industriels.

Les solutions qui existent déjà.

Un code de l’OMS, rédigé en 1981 et traduit en partie en loi française, régule le marketing des laits infantiles et autres substituts au lait maternel. Or ce code n’est pas respecté, comme l’observent de nombreuses associations de consommateurs et de santé.

Concernant l’industrie du tabac, il existe depuis 2003 la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (FC-TC). Son article 5.3 stipule clairement que les pays l’ayant adopté doivent soustraire leurs politiques publiques de l’influence des industriels du tabac. Pourtant l’industrie du tabac trouve encore des failles, réussit à avoir accès à nos décideurs politiques et continue d’influencer la science, malgré tout ce que les documents internes nous ont appris sur elle.

L’OMS a également créé des livrets d’information à destination des professionnels de la santé, qui décrivent les techniques d’influence de l’industrie pharmaceutique. Mélissa Mialon a contribué à l’écriture d’un document de l’OMS concernant les conflits d’intérêts en nutrition.

Les Nations unies ont donc déjà conçu des outils très puissants pour limiter certaines pratiques industrielles. Mais on se penche sur une industrie à la fois, parfois sur un seul type de pratique à la fois. Il est temps de cesser de regarder par le petit bout de la lorgnette et de comprendre que les industriels ont des pratiques communes. On dit souvent que l’industrie du tabac a servi de modèle aux autres industries, ce que Mélissa Mialon met en doute. Pour preuve l’industrie du sucre, qui influençait déjà la science dans les années 1940. Il n’y a pas d’industrie plus terrible que les autres. Toutes les pratiques décrites par Mélissa Mialon font partie d’une panoplie de stratégies que les gens de tous horizons industriels déploient à travers le monde au mépris de l’éthique.

Revue de solutions à promouvoir.

En ce qui concerne les pratiques politiques en particulier, le domaine d’expertise de Mélissa Mialon, son travail, jusqu’à présent, a surtout consisté à les signaler et à les faire connaître des chercheurs et du grand public. Mais Mélissa Mialon se penche également sur les solutions capables de les limiter. Mélissa Mialon et ses collègues ont répertorié en 2020, dans le cadre d’une revue de littérature, les moyens, de quatre types, qui peuvent être mis en place permettant de contrecarrer les pratiques des industriels. Ces moyens concernent la transparence, l’identification, la surveillance, l’éducation, la gestion et l’interdiction. 

La transparence.

Commençons par les actions visant la transparence quant à l’influence et au conflit d’intérêts, par exemple. C’est une première étape et la France est assez bonne élève à ce sujet. Il y a d’abord la haute Autorité pour la transparence de la vie publique, qui dresse la liste des lobbyistes et recueille les déclarations d’intérêts du personnel politique. L’Élysée, par ailleurs, publie l’agenda du président de la République, lequel est également publié dans d’autres pays comme l’Australie et le Brésil. Le Chili est un autre assez bon élève en matière de transparence : un portail Internet national rassemble toute l’information disponible. On y trouve les sponsors et les liens avec les industriels de certaines associations actives en diététique et nutrition. En France, comme aux États-Unis d’Amérique entre autres, nous avons une base de données publique baptisée Transparence-santé, où il est possible de découvrir les interactions entre industriels et professionnels de santé, étudiants, associations et même médias.

Dans certains pays, il est possible de formuler des demandes d’accès à l’information concernant les institutions publiques. On peut ainsi demander si une entreprise a rencontré nos responsables politiques et dans quel but, si ceci n’est pas déjà inscrit dans un registre de lobbyistes, par exemple.

Certaines universités, australiennes entre autres, publient le nom des industriels qui financent des prix et des bourses pour leurs étudiants et chercheurs. Il est maintenant courant que les revues scientifiques exigent des auteurs qu’ils déclarent le rôle joué par l’industrie dans l’étude soumise pour publication, ainsi que leurs sources de financement et leurs conflits d’intérêts.

Les industriels eux-mêmes, après avoir longtemps caché nombre de leurs pratiques, se convertissent aujourd’hui de plus en plus à la transparence. Du moins en apparence. Ainsi, Coca-Cola a publié il y a quelques années la liste des chercheurs qu’il finançait. Tout le monde a applaudi cet effort. Sauf qu’en y regardant de plus près, des collègues de Mélissa Mialon ont découvert qu’en réalité Coca-Cola n’avait dévoilé le nom que de 5 % des chercheurs concernés. Leur promesse de transparence et de responsabilité permet aux industriels de renforcer leur position de pouvoir, sans apporter de vraies solutions aux déterminants commerciaux de la santé. Les décideurs comprennent qu’il leur faut être transparent ; ils craignent pour leur image si quelqu’un venait à dénoncer des pratiques non transparentes de leur part. Or le fond du problème n’est pas l’image et le crédit accordé par le public. Les déterminants commerciaux de la santé nous rendent malades et les pratiques industrielles présentées font partie du problème : elles nous éloignent des solutions, celles qui questionnent ces mêmes déterminants.

L’éducation et l’information.

En plus de la transparence, l’étude des déterminants commerciaux de la santé, des pratiques politiques des industriels et de leurs impacts sur la santé est essentielle, de même que l’éducation et l’information à leur sujet. C’est exactement le but visé de l’ouvrage BIG FOOD & CIE de Mélissa Mialon.

À Djibouti, au Népal et au Panama, les décideurs politiques reçoivent une formation assurée par le gouvernement sur l’industrie des cigarettes et ses pratiques. La formation est une étape cruciale pour pouvoir agir, évidemment, à condition toutefois que la transparence ait permis de fournir en amont une information complète.

La gestion.

Ensuite vient la gestion, c’est-à-dire la mise en place de limites, via la loi s’il le faut. Au niveau de la gestion, on a déjà observé et compris le problème que posent l’influence des industriels et les conflits d’intérêts, alors on pose des barrières.

Le Brésil, par exemple, limite depuis quelques années les dons faits au personnel politique par l’industrie. Au Canada, certaines associations médicales ont adopté, en interne, des mesures visant à limiter l’influence de l’industrie pharmaceutique sur le personnel médical. 

L’interdiction.

Enfin, dans certains cas, on peut en arriver à interdire l’influence des industriels et les conflits d’intérêts. Ainsi, les revues scientifiques les plus prestigieuses refusent de publier des articles émanant de l’industrie des cigarettes. Deaking University ainsi que l’université de Sidney, en Australie, refusent toute forme de financement par cette industrie. Certaines revues ne font plus de publicité pour les laits infantiles ; d’autres ne publient aucun article émanant d’industriels qui ne respectent pas le Code de l’OMS sur le marketing des substituts de lait maternel. 

Au Chili, il existe le mouvement “ Médecins sans marques ”, qui milite pour l’indépendance de la médecine, comme le fait le Formindep en France. Si les industriels veulent continuer à financer la recherche, ils peuvent payer leurs impôts, ou bien, comme certains le proposent, contribuer à un fonds administré indépendamment, toutes les décisions étant prises sans influence de la part de telle ou telle société commerciale.  

Au Népal, il est interdit à un politique de s’associer avec les industriels de la cigarette pour un quelconque projet. En Mongolie, il est interdit à l’industrie du tabac de contribuer, financièrement ou d’autres façons, à toute cause caritative.

Il existe également des moyens complémentaires, comme la protection des lanceurs d’alerte, sans qui nous ne connaîtrions pas certaines pratiques nocives des industries.

Cap sur l’avenir en évitant les fausses pistes.

Concernant les déterminants commerciaux de la santé dans leur ensemble, certaines solutions n’en sont, du point de vue de Mélissa Mialon, pas vraiment.

Par exemple, la certification “ B Corporation ” (B pour bénéfique), est attribuée à des entreprises qui répondent à certains critères sociaux et environnementaux. Elles sont tenues à la transparence. Il existe aussi des classements d’entreprise, très à la mode, établis en fonction de leurs investissements ou non dans les énergies fossiles, ou de leurs efforts en matière de nutrition, pour ne citer que deux exemples. Cependant, ces initiatives (certification, classement) sont insuffisantes. Elles ne nous donnent qu’une impression de changement dans un monde qui reste régi par les entreprises, voire l’est de plus en plus. Au lieu de se consacrer uniquement à la croissance, les industries se substituent à nos gouvernements. Les vraies entreprises éthiques et sociales respectent les lois, elles s’inscrivent dans nos démocraties sans qu’il soit nécessaire de créer de nouveau modèle. Il suffit que ces lois soient appliquées et que les actions en faveur de la santé publique et de la protection de la planète soient respectées.

Pour la docteure Alice Fabbri de l’université de Bath, au Royaume-Uni, pour lutter contre l’influence des entreprises sur la science, nous devons promouvoir l’indépendance et la transparence. Certaines solutions sont possibles, telles :

Accroître la transparence : les liens financiers avec les entreprises doivent toujours être divulgués. Certains pays ont introduit des “ lois lumières ”, qui obligent l’industrie pharmaceutique à rendre publics ses paiements aux professionnels de santé. Ces bases de données devraient être étendues pour inclure d’autres secteurs par exemple, l’agroalimentaire et la chimie ;

Éduquer : les consommateurs, les journalistes, les professionnels de santé et les décideurs politiques devraient être informés des financements par les entreprises lorsqu’ils évaluent de manière critique la recherche ;

Élaborer des politiques sur les conflits d’intérêts : les universités et les instituts de recherche ont besoin de politiques claires pour réduire le risque de biais lorsque l’industrie finance la recherche. Cela leur permettrait d’évaluer et de limiter le risque de contrôle par les industriels de la façon dont est menée et publiée la recherche ;

Augmenter le financement de la recherche indépendante : par exemple, taxer les entreprises permettrait la création d’un fond de recherche qui pourrait être administré de façon indépendante.

En conclusion, l’influence de l’industrie sur la recherche est un problème complexe, qui ne peut être résolu que grâce aux efforts concertés de multiples secteurs via la collaboration, la coopération et une participation accrue du public. 

Les actions individuelles et collectives à encourager.

Les déterminants commerciaux de la santé sont responsables de beaucoup de maladies et de morts prématurées. C’est un problème qui nous touche tous. À l’échelle individuelle, on peut agir, même si nos vies sont bien remplies et si nous n’avons pas le temps de tout faire. Alors, par quoi commencer et comment nous y prendre ?

Tout d’abord, nul n’est parfait en tous points ni ne peut être sur tous les fronts. Ne nous laissons pas paralysés pour autant. Il faut faire ce que l’on peut et soutenir des actions collectives là où l’on ne peut pas agir individuellement. Il faut ensuite faire avec sa propre situation, privilégiée ou pas. On peut enfin remettre en question les pratiques des industries présentés dans l’ouvrage BIG FOOD & CIE. Mélissa Mialon suggère quelques pistes qui bien entendu ne sont pas exhaustives, mais qui, l’espère t’elle, seront l’amorce d’une réflexion collective.

Se tenir informé.

Il est tout d’abord important de continuer à nous renseigner sur les pratiques qui nous semblent les plus nocives. Mélissa Mialon propose, à la fin de son ouvrage, quelques livres qui permettent d’approfondir les sujets qu’elle a abordés dans son ouvrage BIG FOOD & CIE.

Se concentrer sur une cause en particulier et questionner.

Quand on s’interroge sur les solutions que nous proposent les industriels, il ne faut pas s’en tenir à un produit ou une pratique en particulier. Il faut considérer ce qu’une entreprise fait globalement, ce qui n’empêche pas de soulever une question après l’autre. L’idée est de prendre conscience du fait que nous sommes nombreux et que collectivement les questionnements individuels réunis peuvent peser. Peu le font, mais il est assez simple d’écrire à son député, son maire, à une école ou un club de sport et d’attirer l’attention sur les pratiques des industriels. Seul on ne change pas le monde, mais on peut s’interroger sur ses valeurs et se concentrer sur des causes importantes. On peut aussi rappeler à nos politiques qui ils représentent. Leurs rémunérations leur sont payées par nos impôts. Dans les systèmes démocratiques les gouvernements sont élus. Or quiconque travaille dans le secteur public devrait s’investir pour l’ensemble des citoyens, pour le bien commun. Certains perdent de vue cette notion. Les décisions politiques, par exemple celles qui concernent la vaccination ne devraient pas être prises sans les citoyens, voire dans des milieux complètement fermés, sous prétexte de secret commercial.

Apprendre à reconnaître le discours des industriels, même quand il est tenu par d’autres qu’eux dans la société.

Toutes les bonnes choses que les industriels nous disent faire n’enlèvent rien aux pratiques décrites par Mélissa Mialon dans son ouvrage BIG FOOD & CIE ni à leur impact sur notre santé. Il faut apprendre à reconnaître et questionner ce discours. Il ne faut pas forcément accepter le jargon des experts sans poser de questions quand on ne comprend pas. Plutôt que de demander aux gens d’apprendre à décrypter des listes d’ingrédients ou à faire les bons choix quand seuls des produits malsains leur sont proposés, il conviendrait de revoir de fond en comble l’offre des supermarchés. Des millions de personnes déstabilisées essayent de suivre un régime, tandis que les industriels tirent sur toutes les ficelles pour leur faire manger davantage de leurs produits. En parallèle, une kyrielle de gens sans connaissance réelle des problèmes de santé s’autoproclame “ coachs en nutrition ”. Il est primordial de revenir non seulement à la connaissance, mais aussi à l’indépendance de cette connaissance. En matière de santé, il existe encore de nombreux professionnels à la fois indépendants et experts.

Acheter ou pas selon les pratiques utilisées et les produits proposés par une entreprise.

Puisque nous sommes tous moteurs du système : c’est bien nous, à la base, qui achetons des produits industriels, ce qui nous place au cœur de la croissance et du capitalisme. C’est donc nous aussi qui pouvons mener le bal, selon ce que nous choisissons de consommer, ou pas. On peut choisir d’acheter dans des coopératives et d’en devenir sociétaire ; dans ces entreprises détenues par leurs sociétaires, chaque voix compte et non pas seulement celle des plus riches ou puissants. De plus, les bénéfices sont réinvestis dans l’entreprise. On peut soutenir les entreprises vraiment locales, y compris dans leurs pratiques d’entreprise : quantité de coopératives, très transparentes s’attèlent à garantir de bonnes conditions de travail à leurs employés tout en tissant des liens au niveau local. Donner une seconde vie aux objets et recycler sont d’autres pistes à explorer, même si c’est d’abord la consommation qui est à diminuer. Le boycott, en s’appuyant sur la plateforme I-boycott (https://www.i-boycott.org/), est une autre forme de protestation pacifique. Sans notre argent, les industriels sont obligés de changer.

Applaudir les bonnes initiatives.

Il est important de souligner les initiatives louables, de soutenir, ne serait-ce qu’en leur envoyant un e-mail, les chercheurs, lanceurs d’alerte et les politiques ainsi que les organisations qui questionnent les déterminants de la santé. Derrière les associations, les reportages, les rapports, il y a des individus. Il existe aussi de nombreuses initiatives collectives qu’on peut soutenir ou auxquelles on peut participer, en donnant de l’argent ou du temps, selon ses possibilités. Dans son ouvrage, Mélissa Mialon présente quelques organisations qui n’ont a priori aucun lien avec l’industrie ainsi que des actions menées par des organisations de la société civile face à la capture corporatiste des législateurs en Colombie dans le domaine alimentaire, de même que des actions menées par des étudiants en matière de conflits d’intérêts dans les facultés de médecine en France et ailleurs.

Dépasser les différences individuelles et proscrire les attaques personnelles.

Pour aller de l’avant concernant les moteurs mondiaux de notre mauvaise santé, il est crucial de dépasse nos différences et d’exclure les attaques liées à l’appartenance politique ou à une façon de vivre. Au lieu de diviser pour mieux régner, pourquoi ne pas plutôt rassembler pour mieux changer ? Nous avons besoin d’une multitude de personnes exemplaires, de modèles qui avancent et nous font avancer vers une bonne santé.

Voter pour des gens qui soutiennent des causes collectives qui nous importent.

Les industriels dans de nombreux cas, sont là parce que les gouvernements n’y sont pas. On peut soutenir une association à l’échelle individuelle, mais on peut aussi choisir de voter pour des gens dont nous suivons les actions et qui s’engagent à financer le sport, l’art ou à lutter contre l’évasion fiscale, au choix selon ses propres valeurs. Vivre en démocratie est une grande chance. Il s’agit de lire les propositions faites par tel ou tel candidat. Il faut aussi avoir conscience que lorsqu’on vote, ce n’est pas seulement pour nous-mêmes, mais aussi pour les personnes vulnérables qui ne peuvent pas voter et pour faire vivre notre démocratie.

S’inspirer d’exemples existants.

Il existe des pays, des régions, où d’autres modèles que la croissance et le capital sont au centre des décisions. Les pays nordiques, de même que la Nouvelle-Zélande, soutiennent beaucoup le collectif, en particulier la vie de famille et nous montrent donc peut-être une piste à explorer. L’économie de certains pays nordiques bénéficie en revanche de l’exploitation de la mer pour en tirer du pétrole, ce qui a un impact négatif sur la planète. Au Bhoutan on privilégie le “ bonheur national brut ” au détriment de la croissance pour mesurer la bonne vitalité du pays. Cet indice prend en compte le développement durable, la bonne gouvernance, la santé et l’éducation. Mais des voix s’élèvent parce que l’État Bhoutanais utilise ces principes pour imposer à la population, notamment aux minorités, certaines valeurs qui ne sont pas partagées par tout le monde. Rien n’est tout rose.

Le marketing social critique propose de prendre en compte les activités marketing des industriels qui ont une influence négative sur les individus et qui sont une forme de “ concurrence ” des comportements de santé. En particulier, les recherches développées dans ce domaine ont pour objet l’analyse de l’effet marketing et des relations publiques déployés par certaines firmes sur les représentations, perceptions et comportements des consommateurs et des leaders d’opinion qui façonnent les lois, les normes et les tendances. Pour qu’il soit utile aux acteurs de la santé publique, le marketing social critique nécessite la mise en place de différentes interventions présentées ci-dessous :

Observer et recenser les activités marketing et de relations publiques des industriels qui vendent des produits à risque pour la santé des individus ;

Évaluer l’effet de ce marketing et de ces relations publiques sur les représentations, perceptions et les comportements individuels et publier les résultats ;

Évaluer l’impact et l’efficacité de mesures proposées par les acteurs de la santé ;

Informer  les politiques et les acteurs de la santé des résultats des recherches menées afin qu’ils les intègrent dans leur prise de décision ;

Informer et alerter le grand public, les journalistes, les leaders d’opinion de l’effet du marketing et des relations publiques déployés par les entreprises.

Décider du futur, collectivement.

Il nous revient de décider tous ensemble si l’économie de marché et la croissance doivent continuer à primer sur la santé. Les industriels de l’agroalimentaire, du tabac et de la pharmacie ont des milliers d’ingrédients sous la main ou en cours de développement : le temps qu’on interdise un, quand ses dégâts sur la santé sont déjà avérés, une centaine d’autres a déjà été créée. Mélissa Mialon ne parle pas de balayer tout ce qui existe actuellement. Il y aura toujours une place pour les produits industriels. Mais veut-on vraiment continuer à privilégier les solutions de marché ? Veut-on vraiment de toutes ces pratiques visant à nous imposer un mode de vie ? Veut-on d’un monde où tous sont malades, où notre planète étouffe sous la pollution, parce qu’on n’a pas osé demander un changement de cap rapide ?

Il existe aujourd’hui une vraie défiance de la part du public envers les classes dirigeantes du monde entier. Cette défiance est fondée, les moteurs mondiaux des déterminants commerciaux de la santé posent clairement un problème. Il existe un clivage politique gauche/droite quand on parle de ces sujets. Ce clivage existe au niveau de la population, dont les membres sont “ catalogués ” par les professionnels de santé et les dirigeants. Certains se focalisent sur les “ anti-vax ” sans s’interroger sur les pratiques de l’industrie pharmaceutique. On a peur de la montée des extrêmes, mais trop peu de personnes dénoncent les pratiques industrielles effrénées qui alimentent la méfiance à l’égard de nos dirigeants. Les personnes qui questionnent les systèmes économiques et politiques actuels sont prêtes à adhérer à des théories complotistes, mais restent aveugles aux nombreuses pratiques industrielles nocives. Elles se dirigent donc vers des solutions qui n’en sont pas vraiment. En pointant du doigt les déterminants commerciaux de la santé, Mélissa Mialon, espère que collectivement nous dépasseront ces clivages et pourrons cibler des problèmes précis et promouvoir des solutions concrètes.

Repenser la santé.

À nous de repenser la santé en nous inspirant de la définition de l’OMS, qui recouvre le bien-être outre l’absence de maladie. Si l’épidémie industrielle fait énormément de dégâts sur notre santé et notre planète, c’est parce que nous avions du mal, jusqu’à présent, à appréhender ces problèmes comme découlant d’une seule et même source. Mélissa Mialon rappelle que les psychologues Theresa Marteau et Robert West furent parmi les premiers à parler des déterminants commerciaux de la santé et qu’on leur doit cette phrase inspirante : “ Repenser la macroéconomie pour parvenir à la prospérité sans croissance est une initiative courageuse mais vitale pour freiner les déterminants commerciaux de la santé avant que la planète ne devienne trop hostile pour soutenir l’existence humaine ”. Mélissa Mialon espère que son ouvrage BIG FOOG & CIE contribuera à cette évolution, au bénéfice de notre santé et de celle de notre planète.

Lire la suite : La croissance économique infinie, une nécessité absolue ! Vraiment ?


En savoir plus sur Pierre Varin

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *