La première négligence en choisissant de vivre en couple consiste à oublier que nous sommes toujours enfants. Entrer en couple, c’est entrer en garderie. Une garderie d’enfants blessés parce qu’ils ont été brimés, réprimés, critiqués. Nous évoluons dans un corps d’adulte, mais avec une conscience d’enfant, des perceptions d’enfant, des besoins d’enfant ! L’enfant intérieur en nous, blessé, n’a pas réussi à grandir, à s’épanouir. Le poids de certains conflits infantiles non résolus, les blessures émotionnelles de nos traumatismes lointains contaminent toujours notre présent. Cette contamination existe parce que notre enfant intérieur est bloqué dans son développement.
Nous avons chacun notre histoire personnelle. Et dans cette histoire, se terrent, au fond de notre inconscient, les peurs, les chocs émotionnels ou physique qui ont causé une souffrance qui dépassait nos forces d’enfant. Cette souffrance a été ensevelie par des mécanismes de défense qui nous ont permis de survivre à un contexte menaçant. Mais l’organisme cherche toujours à guérir de ces traumatismes et, tôt ou tard, dans notre vie d’adulte, il est susceptible de se produire un événement qui rappelle la blessure originelle. C’est alors la détresse intense d’un enfant intérieur qui s’ignore. Notre conscience d’adulte ne comprend pas une telle intensité émotionnelle, une telle détresse morale et affective. Notre corps d’adulte refuse cette réaction douloureuse qui est perçue comme une faiblesse. L’adulte que nous sommes cherche à nier cette souffrance intérieure d’un enfant criant pour sa survie. Nous avons tous nos zones de déficience, nos aires d’immaturité affective. L’homme qui devient jaloux de l’amour que sa femme porte aux enfants ne coïncide pas avec son corps et sa conscience d’adulte. Même situation pour la personne incapable de faire face à la solitude qui doit constamment rechercher la compagnie des autres pour échapper à son angoisse. Quand je n’ose exprimer mes besoins, de peur d’être rejeté, je porte encore en moi mes peurs d’enfant. Quand je réagis par la rage lorsque l’autre ne comble pas mes attentes, je porte encore en moi mes besoins d’enfant, qui ne seront plus jamais satisfaits comme j’aimerais qu’ils le soient.
Quand cet enfant intérieur se fait entendre en nous, il faut éviter de le juger et de le réprimer parce qu’il est dérangeant. Le juger, c’est devenir ce parent qui frappe l’enfant pour qu’il cesse de pleurer ; c’est opprimer davantage, en espérant faire cesser la souffrance, oppression qui conduit évidemment à l’inverse. Souvent, nous érigeons un mur pour protéger notre enfant intérieur contre les dangers de l’extérieur. Mais ce mur est insuffisant pour guérir cet enfant blessé. Il n’a pas seulement besoin de protection, il a surtout besoin d’écoute, de soins et d’amour pour guérir. Pour grandir, l’enfant intérieur a besoin d’être reconnu, entendu et d’être accepté. Il a besoin d’exprimer ses douleurs, sa peine, sa rage. Il a besoin de notre conscience d’adulte pour se sentir compris, accepté. Il a besoin de ce parent intérieur qui doit maintenant suppléer aux manques du passé. Et même si nos parents avaient tous réussi un doctorat en “ parentologie ”, ils n’auraient jamais pu réussir à combler parfaitement nos besoins d’enfant. L’enfant a justement besoin de frustration pour stimuler sa croissance et apprendre ainsi à se détacher de ses parents, pour devenir autonome, en devenant son propre père et sa propre mère. Devenir son propre père et sa propre mère complète ce que Benoît Rancourt appelle “ l’étape de guérison ”. Guérir l’enfant intérieur demandera des années, malgré les outils de transformation que l’on utilise. Cette guérison permettra la transformation du parent-critique en soi en parent-nourricier.
La blessure d’origine cherche à se guérir en se répétant. On se traite comme on a été traité et on choisit (inconsciemment) un conjoint qui nous traite comme papa et maman nous ont traité. Inconsciemment, nous nous arrangeons pour que notre conjoint prenne le rôle du “ bourreau parental ” que nous avons subi jadis et, pire encore parfois, il se comporte en bourreau qu’avec nous, alors qu’il est beaucoup plus conciliant avec les autres. Inconsciemment, nous savons extirper le pire qui règne en l’autre. Ainsi, madame qui est si patiente en général pique des crises hystériques à monsieur. Monsieur se retrouve ainsi dans un contexte bien connu lorsque sa mère rageait souvent contre lui. De son côté, monsieur qui sait si bien se rendre disponible et accueillant envers les autres, se ferme automatiquement dès que madame manifeste un besoin d’aide. Madame se retrouve alors dans un contexte familial bien connu, où personne n’était disponible quand elle avait besoin d’être écoutée. Le couple est le lieu par excellence de la répétition des blessures d’enfance. On quitte papa-maman pour retrouver un autre papa-maman semblable. C’est le lieu du vouloir-recevoir ce que je n’ai jamais suffisamment reçu jadis de papa-maman ; de la demande jamais entendue ou jamais exprimée ; du passé toujours présent. Les blessures du passé referont surface inévitablement dans le couple. À prendre ou à laisser ! L’erreur consiste à laisser en se disant : “ Tant qu’à marier mon père ou ma mère, je préfère rester seul(e) ”. Comment alors guérir cette blessure ? Notre inconscient qui réveille cette attraction vers l’autre ne cherche pas à nous punir, mais cherche à nous guérir en créant un contexte semblable. Résister à l’attirance envers l’autre, c’est également sombrer dans la souffrance de l’isolement. On évite peut-être la lutte avec l’autre, mais on s’épuise dans cette lutte intérieure, le corps poussé à aller vers l’autre, tandis que la raison court en sens inverse ! Pour réussir cette tâche de guérison, l’aide du conjoint sera précieuse. Pourra-t-il voir cet enfant blessé en moi qui s’exprime avec démesure tout en lui accordant son droit d’être, au lieu de le réprimer encore comme papa-maman ? Pourra-t-il m’accepter, malgré ma colère contre lui et m’accorder sa présence ?
Reconnaître l’enfant en soi comme en l’autre exige à la fois beaucoup d’humilité et de maturité. L’humilité de reconnaître que je m’emporte parfois comme un enfant de deux ans et oser l’avouer à l’autre ; la maturité de rester suffisamment centré pour offrir la présence dont l’autre a besoin au moment précis où ses blessure d’enfance le font réagir. Arnaud Desjardins résume ainsi toute la difficulté de cette étape de guérison : “ L’union d’un homme et d’une femme pourrait être une fête permanente de nouveauté et d’émerveillement, mais cela demande un cœur d’enfant joint à la pleine maturité d’un adulte capable de comprendre, d’agir, de donner et de recevoir ”. Inutile de dire que cette maturité est rarement présente au début d’une relation de couple. Au début d’une relation, chacun est d’abord centré sur ses petits besoins frustrés et tente vainement de contrôler l’autre pour le rendre conforme à ses désirs. La satisfaction tant souhaitée (“Donne-moi ce que je n’ai pas reçu jadis de papa-maman si tu m’aimes ”) est rarement atteinte. Par contre, la rage et la peine qui n’ont pas été exprimées jadis avec papa-maman risquent fort, elles , de s’exprimer, en pleine démesure avec le conjoint.
Le couple, lieu de répétition des blessures anciennes, mais lieu de guérison aussi, grâce à cette répétition et à la compréhension de ce processus. Lieu de répétition : ce que j’exprime avec démesure touche les blessures émotives de mon conjoint (il se sent coupable, agressé, non à la hauteur…) et il réagit en se défendant, souvent en jouant le même scénario que mes parents ont joué. Lieu de guérison : ce que j’exprime avec démesure touche mon conjoint sans le blesser, puisqu’il a reconnu mon enfant blessé et sait que cette rage que je lui lance en pleine figure ne s’adresse pas véritablement à lui. Il peut donc l’accueillir jusqu’au bout, sans m’agresser à mon tour, ou me rejeter, comme mes parents l’ont fait. Voilà le miracle de la compassion. J’ai pu exprimer, dans un contexte sécurisant (“ Je t’aime toujours et je suis là pour toi. ”) une colère imprimée dans mon corps depuis l’enfance.Mon être profond cesse d’être réprimé. Ce qui n’a pu s’exprimer jadis avec papa-maman, dans une situation conflictuelle, est resté imprimé dans notre mémoire corporelle et cette impression intérieure cherche toujours à être évacuée dans une situation semblable, dans l’espoir de trouver une issue différente. Le lieu du couple est un lieu de répétition et c’est la raison pour laquelle il peut devenir un lieu de guérison : un lieu qui permet “ d’exprimer ” ce qui est “ imprimé ” et qui nous “ réprime ”, parfois jusqu’à nous “ supprimer ” à travers la maladie. Il est utile de se rappeler que ce qui ne s’exprime pas s’imprime, nous réprime et parfois nous supprime.
L’amour, c’est cette présence qui supprime tout ce qui réprime l’autre dans sa capacité d’exprimer ce qui est imprimé en lui. L’amour, c’est savoir reconnaître que mon conjoint a deux ans lorsqu’il me pique une crise d’insécurité en m’agressant et savoir l’accueillir comme un parent nourricier saurait intervenir en pareil cas, en lui accordant la présence, la présence d’amour qui guérit. Non pas tenter de sécuriser l’autre, simplement être présent à l’insécurité qu’il nous exprime. Voilà “ l’amour-conscience ” qui guérit. La blessure d’origine que nous portons tous en nous est une blessure d’amour. Seule la présence guérit, puisque c’est l’absence qui a blessé. Aimer, ce n’est pas nécessairement satisfaire les besoins de l’autre qui ont été frustrés dans l’enfance. C’est risquer de tourner en rond dans le piège du “ pas assez ”. Je ne peux plus donner la sécurité affective dont mon conjoint a été privé dans sa première année de vie lorsque sa mère dépressive était à l’hôpital. Cela ne sera jamais assez. Je puis cependant être présent à cette insécurité qu’il m’exprime. J’écoute, j’accueille cette insécurité, sans chercher à tout faire pour le sécuriser en me conformant à toutes ses demandes. Simplement être présent à lui. Ce faisant, je lui offre ce qu’on appelle une “ expérience correctrice ”. J’offre la présence d’une mère jadis non disponible qui permet de réparer cette blessure d’insécurité. Le couple peut devenir le lieu de la demande exprimée et entendue, non pas nécessairement satisfaite, mais entendue et exprimée. Ce n’est pas tant la satisfaction du besoin qui guérit, mais le fait qu’il soit exprimé et entendu. Aimer son conjoint, ce n’est pas toujours se conformer à toutes ses attentes (souvent infantiles) pour qu’il soit satisfait, c’est parfois dire non à sa demande tout en demeurant présent à lui. Cette maturité ne peut se développer si on néglige l’existence bien réelle de notre enfant intérieur. Pour s’entraider le couple doit réaliser l’essentiel : l’existence de leur enfant blessé qui souffre du manque d’amour et de présence. Mais jamais le couple ne sera le lieu de satisfaction totale qui comblera mon enfant intérieur blessé. Soit parce que mon conjoint souffre de blessures émotives complémentaires aux miennes et contribue ainsi à la répétition de la blessure originelle. Soit que quelque chose en moi m’empêche de recevoir ce que je cherche tant et qui est pourtant disponible. Disponible, mais non accessible quand je suis victime du piège du “ pas assez ”. C’est alors l’insatiabilité d’un besoin qui réclame sans cesse. Ou encore, je ne peux croire à ce que mon conjoint m’offre ; c’est alors le piège du “ pas possible ”. Piège très souvent relié au piège du “ faire pour ” ; tout faire pour obtenir ce que de toute façon, je serai incapable d’assimiler, puisque je ne peux croire qu’on puisse m’aimer gratuitement. Ce sont les trois pièges abordés dans la section sur l’amour : “ faire pour ” se faire aimer (bien paraître grâce au moi public), mais alors être aimé pour ce que je fais et non pour ce que je suis. Cet amour conditionnel à mon bien paraître et à mon bien faire n’est “ pas assez ”, puisque mon besoin de base est d’être aimé pour ce que je suis. Et si on m’aime vraiment pour ce que je suis, j’entre parfois dans le piège du “ pas possible ”, pas possible qu’on m’aime pour ce que je suis, puisque je n’ai même pas mérité cet amour inconditionnel de papa-maman. Les motivations inconscientes qui nous poussent à la vie de couple nous font rechercher une satisfaction qui n’arrive jamais. L’autre ne nous donne toujours pas ce dont nous avons le plus besoin. L’enfer du couple, si on oublie de tenir compte de la présence de nos enfants intérieurs blessés. L’oasis du couple, si on saisit l’occasion que le lieu du couple offre, l’occasion non pas de recevoir ce qui n’a pas été reçu jadis, mais bien d’exprimer ce qui a été interdit jadis. Revivre la même blessure pour enfin la guérir, en laissant s’exprimer ce qui est imprimé dans notre corps depuis des années. “ L’amour-guérisseur ”, c’est reconnaître mon enfant blessé et le laisse crier son mal à l’autre. L’amour-guérisseur sait reconnaître aussi l’enfant blessé de l’autre et le laisse crier sa souffrance jusqu’au bout, en lui offrant la présence, cette seule présence qui possède le don de guérir en permettant l’expression de ce qui fait pression en moi logé dans les tréfonds de mon inconscient. Lorsque la blessure a pu être criée jusqu’au bout et qu’elle a pu être entendue jusqu’au bout, le passé cesse de contaminer le présent. La présence offerte et reçue permet de vivre dans le présent. L’enfant intérieur reprend sa croissance là où elle s’est arrêtée jadis, parce qu’il n’y avait pas d’espace d’expression et d’accueil. Le couple, c’est d’abord deux enfants blessés qui grandissent et deviennent plus adultes.
Reconnaître l’enfant intérieur.
Une vision juste du couple, c’est d’abord et avant tout savoir que notre première histoire d’amour avec papa-maman teintera toutes nos relations subséquentes, pour le meilleur comme pour le pire. Ces premières histoires d’amour laissent bien des souffrances qui s’impriment dans notre mémoire corporelle. Le corps se souvient toujours de ce que le mental a oublié depuis fort longtemps. L’enfant intérieur est toujours présent dans notre corps d’adulte et tant et aussi longtemps qu’il n’est pas reconnu dans son droit d’expression et dans ses besoins, il déforme le présent et provoque des réactions émotionnelles répétitives. Le corps se souvient de quelque chose, ce quelque chose qui est toujours imprimé dans l’inconscient corporel, pour qui le temps n’existe pas. Ce qui s’est passé il y a trente ans est toujours présent, comme si l’événement venait tout juste d’arriver. Jadis, l’expression émotionnelle n’avait pu se faire, la charge était restée imprimée dans le corps, en réprimant la personne à différents niveaux, que ce soit la respiration, la capacité de ressentir certaines émotions ou certains besoins, ou encore l’incapacité d’agir dans ses projets les plus importants. Les mécanismes de refoulement d’hier, qui nous ont sauvés la vie dans l’enfance, pour nous couper d’une situation intolérable, deviennent à l’âge adulte, les mécanismes qui contribuent au mal-être psychologique et à la maladie physique. Maintenir toutes les blessures émotionnelles dans l’inconscient coûte cher en énergie. Cette énergie n’est alors plus disponible pour nous réaliser, aller de l’avant, nous ouvrir et nous transformer. Lorsque l’intimité s’accroît entre les conjoints, les mécanismes de défense sont mis en opération pour nous éviter de ressentir la blessure d’amour originelle. Dans le couple, toutes les fuites sont bonnes pour éviter de passer à travers la blessure. La peur nous fait passer à côté, mais le modèle demeure et nous ramène à la même case de départ. Et voilà que nous oscillons entre l’intimité chaleureuse et la froide distance, incapable de savourer pleinement l’unité à laquelle nous aspirons. Si la thérapie de l’enfant intérieur permet un “ retour du refoulé ” dans un contexte sécuritaire et accueillant, ce même retour du refoulé se produit dans le couple. C’est la raison pour laquelle il faut se donner certaines règles pour arriver à cette guérison intérieure qui rendra possible la véritable intimité créatrice. Sans ces règles qui nous empêchent de fuir l’intimité, nous ne faisons que répéter le même scénario, la même blessure.
Le défi de l’intimité.
Nous créons un couple pour vivre l’intimité. Du moins, nous l’espérons. Mais l’intimité ne relève pas seulement de la bonne volonté. L’intimité suppose le dépassement d’innombrables peurs enfouies dans notre mémoire corporelle. L’intimité, la proximité, la complicité représentent des besoins de base importants. Mais lorsque ce besoin de contact affectif a été associé à des blessures émotionnelles, le corps garde toujours en mémoire le danger associé à la satisfaction de ce besoin d’intimité. Les blessures d’amour, tout au long de notre enfance, sont très nombreuses et ce, malgré les meilleures intentions des parents. Prenons une scène apparemment banal ;la situation que Julie a vécu lorsqu’elle avait cinq ans. Son père arrive du travail. Toute contente, Julie accourt vers lui pour lui donner un gros bec sur la bouche. Elle voit alors son père s’essuyer. À l’époque, elle n’a eu aucune réaction émotionnelle, si ce n’est que de rester estomaquée. Trente ans plus tard, la peine est toujours imprimée dans son inconscient corporel. Bien sûr, le geste de son père n’a rien de traumatisant en lui-même. Bien des adultes font la même chose en recevant un gros bec mouillé de leurs enfants. Il faut replacer le geste dans le contexte familial pour comprendre “ l’interprétation ” de Julie. Son père ne se cache pas pour avoir des maîtresses et Julie le sait. À cinq ans, il est tout naturel qu’elle se sente proche de son père et son geste est alors perçu comme un rejet. “Tu n’aimes pas maman et, en plus, tu aimes les autres femmes plus que moi ”. Vous ne serez pas surpris de savoir que Julie se montre très ambivalente dans ses rapports avec les hommes. Elle craint de souffrir et redoute surtout l’infidélité de son partenaire. Elle est prise au piège de la recherche d’intimité et l’évitement de la souffrance qui y est associée. Plus une relation amoureuse est riche d’intimité, plus la peur augmente et réveille la nécessité de créer une distance pour se protéger. Comme le dit Stettbacher : “ Tant que nous souffrons de tensions dues à des blessures, des surcharges émotionnelles ou des privations, nous vivons sans le savoir à la merci de notre passé ”. Et ce passé remontera nécessairement dans le présent du couple, créant le syndrome du yo-yo, en ce qui concerne la recherche/évitement de l’intimité. Le conflit recherche/évitement peut conduire également au besoin de substitution. Les besoins de substitution peuvent prendre des formes multiples : tabac, alcool, connaissance (diplôme, statut), travail, rendement… La vraie satisfaction ne s’atteint jamais puisque, en définitive, c’est l’amour qui est toujours recherché derrière un objet de satisfaction substitut.
Notre mémoire corporelle garde en elle les conséquences des expériences physiques que nous avons vécues. L’enfant apprendra très rapidement qu’on ne joue pas avec un couteau dans une prise de courant électrique sans conséquences néfaste. La mémoire corporelle enregistre également les expériences douloureuses au plan relationnel. La petite fille, qui a vécu l’inceste en bas âge, peut se “ rappeler corporellement ” qu’une relation d’intimité avec un homme est source de souffrance.Cette expérience peut teinter toutes ses relations amoureuses. Elle est susceptible de redouter d’être prise comme objet sexuel en se méfiant des hommes, ou en niant ses besoins sexuels comme elle pourra être à la recherche de l’amour, d’aventure en aventure, parce qu’elle aura “ conclu ”que c’est seulement par son corps qu’elle peut mériter l’amour (besoin de substitution).
Nous avons tous connu des expériences douloureuses avec papa-maman, même si nous n’en gardons aucun souvenir conscient. Cela n’a pas toujours été la lune de miel avec papa-maman et nous avons vécu de multiples déchirures : le sevrage, les interdictions, la venue d’un nouveau frère, l’entrée à l’école, etc. Plusieurs renoncements sont inévitables et sont susceptibles de laisser des empreintes dans notre mémoire corporelle. Plus tard, dans la recherche d’intimité avec autrui, une lumière rouge s’allume dans notre inconscient : “ Attention, si tu t’approches trop, tu vas avoir mal. Tu seras trahi comme avec papa-maman qui t’ont abandonné pour ta sœur ”. Notre mémoire corporelle a enregistré les expériences relationnelles positives comme négatives que nous avons connues depuis notre origine. Tout se passe comme si nous avions en nous l’image de la bonne mère et du bon père, comme l’image de la mauvaise mère et du mauvais père. Inévitablement, le couple sera le lieu de projection de ces images. Alors que ce sont les images positives du bon parent intériorisé qui dominent la période de lune de miel, ce sont les images négatives qui seront projetées sur l’autre qui devient alors le mauvais parent à l’étape de la lutte de pouvoir. En d’autres termes, lorsque je tombe en amour, je deviens amoureux de l’image positive de papa-maman que j’ai projetée à l’extérieur, sur mon objet d’amour. Et lorsque cette lune de miel prend fin et que s’engage la période de lutte de pouvoir, c’est alors le mauvais parent qui est perçu en l’autre. L’autre devient alors cette mauvaise mère qui n’est jamais assez disponible ou ce mauvais père agressif et dénigrant. Que s’est-il passé ? L’idéalisation des premiers mois a cédé la place au principe de la réalité : l’autre n’est pas que gentil, il est aussi mauvais parce que frustrant, comme papa-maman jadis. Il ne faut pas croire cependant que le conjoint n’est qu’une projection d’images qui n’a rien à voir avec ce qu’il est en réalité. Certes, la perception que nous avons de lui est déformée, mais il renferme bel et bien des traits de caractère positifs et négatifs, semblables à papa-maman. Il est bien connu que l’on choisit des conjoints qui nous feront revivre les mêmes blessures affectives de l’enfance. C’est pourquoi la relation de couple risque fort de devenir la réplique de la famille d’origine (alcoolisme, violence conjugale ou familiale). Nous comprenons que l’inconscient joue un rôle prépondérant dans la dynamique conjugale. Même avec les meilleures intentions du monde et en voulant réussir à tout prix cette relation d’intimité, les mêmes difficultés rencontrées dans l’enfance risquent de refaire surface. L’inconscient nous conduit à faire ce que nous ne voulons pas et à ne pas faire ce que nous voulons ! L’intimité ne va donc pas de soi et nous comprenons maintenant pourquoi. L’intimité sur les plans physique, affectif et spirituel est rare. Plus on s’approche de cette intimité complète, plus on s’approche également de nos blessures d’amour d’enfance, d’où les distances qui suivent les rapprochements, les querelles qui suivent l’harmonie. S’engager à vivre l’intimité, c’est s’engager à affronter les zones d’ombres, ce refoulé en soi qui tentera toujours de refaire surface à la lumière de notre conscience.
La vision juste du couple.
La vision juste du couple, c’est savoir que le conjoint n’est nul autre que papa-maman quand l’émotion intense d’attraction ou de répulsion me conduit hors de moi ; que je regarde souvent mon conjoint avec les yeux de mon enfant intérieur qui cherche à recevoir ce qu’il n’a pas reçu, à guérir ce qui a été blessé et à exprimer ce qui a été réprimé ; que le couple sera le lieu de la répétition des blessures d’enfance et de leur guérison éventuelle, moyennant un certain savoir-faire qui favorise une interaction positive.
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