La conscience et l’illusion de la conscience.
L’être humain est rempli de paradoxes. D’un côté, s’il laisse ses émotions prendre les commandes, il devient excessivement impulsif et égocentrique, où, tout ce qui compte, c’est l’expression de ses instincts primaire et l’assouvissement de ses besoins. De l’autre, si c’est la raison pure qui gouverne, il se retrouve totalement dépourvu de compassion et devient comme une machine froide où le calcul des gains et des pertes est la référence ultime pour orienter ses choix et ses décisions. On a longtemps cru que la raison était l’apanage de l’être humain et que cette faculté le rendait supérieur au règne animal. Malheureusement, c’est faux. C’est sa conscience, si elle est bien en place, qui le distingue et le rend véritablement et fondamentalement humain. Mais comment peut-on savoir si c’est bien notre conscience qui est aux commandes ? L’être humain est sujet à toutes sortes d’illusions. Nous connaissons bien celles communément appelées les “ illusions d’optique ”, qui se passent au niveau du cortex et rarement au niveau de l’œil lui-même. Mais les illusions d’optique, outre le fait de nous tromper sur la réalité physique des objets qui nous entourent, n’ont que peu de conséquences sur les choses importantes de notre vie. Toutefois, il y a les illusions de perception au sens plus large et, pis encore, les illusions d’appréhension de la réalité, où les émotions viennent déformer notre perception et nos cognitions. Ce type d’illusion implique une influence des circuits émotionnels du cerveau sur ceux de la perception des choses ou de l’appréhension du monde, ainsi que sur certains circuits associés à la pensée. Dan Freeman ajoute le fait que s’il est exact de dire que les émotions viennent altérer notre perception de la réalité, la raison vient altérer notre évaluation du juste et notre appréhension de la moralité. En effet, comme nous l’avons vu avec le septième bogue du cerveau humain, la raison et la logique conduisent souvent à des injustices sur le plan moral. Nous vivons constamment des moments où notre cerveau balance entre le rationnel et l’émotionnel. Si nous suivons l’un ou l’autre, nous sommes exposés à l’erreur, car ils sont tous deux capables de nous tromper.Alors revient notre question : comment pouvons-nous être certains de toujours suivre notre conscience ? Parce que nous ne sommes pas certains que nous utilisons notre conscience. Nous pouvons avoir l’illusion de nous en servir, alors qu’en fait nous suivons notre cerveau émotionnel ou notre cerveau rationnel. Aux illusions d’optique, de perception et d’appréhension s’ajoute l’illusion de la conscience.
Pour sortir de l’illusion de la conscience qui se perd dans la jungle des émotions ou qui tente par tous les moyens de se trouver des raisons de faire les choses, nous avons besoin de règles de conduite justes et bonnes. Il nous faut donc une règle de conduite absolue qui stipule que le sang d’un seul être humain est plus important que celui de toute l’humanité, une règle qui n’est pas guidée par une émotion ou par une quelconque rationalité, mais qui est guidée par une spiritualité qui place le respect sacré de la vie humaine au plus haut plan. Lorsqu’on pense à tous les êtres humains qui ont mené des actions justes, basées sur la non–violence absolue comme Gandhi, Martin Luther King ou le Dalaï-Lama, tous se sont reportés à des règles spirituelles justes. Aucun, n’a orgueilleusement prétendu être la source de sa propre inspiration de la justice. Ils se sont simplement reportés à des règles de conduite basées sur le respect absolu de la vie humaine. Au lieu de réfléchir et de raisonner à n’en plus finir ou de passer par toute une gamme d’émotions contradictoires, ils ont puisé dans leurs ressources spirituelles, ils ont médité et prié, ils ont fait naître le silence intérieur, là d’où surgit la voie de la conscience et ils ont éclairé leurs actes de sa lumière. Les émotions et la rationalité peuvent détruire le monde. Il est donc évident que nous devons utiliser notre conscience. Mais rien n’est moins évident, car nous ne sommes pas certains de l’utiliser. Seuls des enseignements justes, accompagnés de spiritualité peuvent le sauver. Seul un entraînement rigoureux de sa moralité peut éveiller les neurones de notre conscience qui sont en veilleuse. Il semble d’ailleurs, que c’est dans le silence, la prière et la méditation que nous accédons à l’essence même de notre conscience. Les grands créateurs, les scientifiques, les poètes, les artistes, les écrivains, les musiciens, les penseurs et les inventeurs ont généralement tous vu naître leurs chefs-d’œuvre dans la solitude. Il semble que des conditions particulières permettent ou favorisent l’expression de notre conscience. Et ces conditions, ainsi que leurs effets sur le cerveau intéressent de plus en plus de chercheurs sérieux. Voici quelques uns des travaux de recherche présentés par Dan Freeman dont les résultats sont tout à fait remarquables.
L’équipe de Sara Lazar, du programme de recherche de neuroimagerie psychiatrique de l’hôpital général du Massachusetts, a montré que la pratique de la méditation sur une longue période conduit à la production de nouvelles connexions neuronales.
L’équipe de Richard Davidson, du laboratoire de neuroscience affective de l’université du Wisconsin, a montré que la pratique régulière de la méditation menait à des modifications durables du cerveau. Plus spécifiquement, ils ont établi que, par rapport à l’activité cérébrale de personnes peu habituées à méditer, celle des moines ayant passé plus de 10,000 heures en méditation générait beaucoup plus d’ondes gamma. La particularité de ces ondes est d’augmenter la cohérence de l’activité cérébrale, ce qui permet à plusieurs aires cérébrales de synchroniser leur fonctionnement et, par conséquent, d’accroître le niveau de conscience des sujets habitués à méditer.
Richard Davidson a observé une activité accrue du cortex préfrontal gauche des méditants, associée à leur humeur équilibrée et sereine. Ils ont aussi montré que cette activité du cortex préfrontal gauche était liée à une meilleure réponse du système immunitaire.
Paul Ekman, professeur de psychologie à l’université de San Francisco en Californie, a observé une incroyable capacité des moines à ne pas laisser naître leurs réactions émotionnelles primaires. Alors que tous les êtres humains sursautent et manifestent habituellement des contractions musculaires des cinq muscles faciaux moins de deux dixièmes de secondes suivant un bruit intense, les moines ne présentent aucune réaction. D’un point de vue neurologique, ceux-ci arrivent à modifier une réaction cérébrale automatique et réflexe.
Et, d’autres travaux qui ont montré les effets bienveillants de la compassion et de la bonté sur les émotions négatives et destructrices.
Toutes ces recherches nous dévoilent qu’avec l’entraînement, nous pouvons modifier notre conscience et l’activer d’une manière inhabituelle. La bonté, la compassion ainsi que la justesse de nos pensées, de nos paroles et de nos actes impliquent un apprentissage basé sur une conscience nouvelle. Celle-ci, dont nous avons à peine effleuré l’ampleur et la portée, se fonde sur des processus neuronaux capables de contrer les limites et, par conséquent, les méfaits des bogues du cerveau humain.
Nous pouvons également acquérir un certain savoir qui, appliqué dans une action concrète dans notre vie quotidienne, conduit à une meilleure connaissance et conscience de soi et à faire des choix qui contribuent davantage à notre évolution.
Lire la suite : Franchir les étapes de la conscience : introduction
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